Affaire Mogi, matches truqués, dossier Henrotay - Van Holsbeeck: on remet de l’ordre pour bien comprendre le Footgate
Entre l’affaire Mogi, le dossier des matchs truqués et la désormais affaire Henrotay-Van Holsbeeck, il est parfois difficile de s’y retrouver. Si les trois dossiers ont parfois des ramifications communes, les enjeux ne sont pas forcément les mêmes.
- Publié le 12-09-2019 à 21h36
- Mis à jour le 14-10-2019 à 22h00
Entre l’affaire Mogi, le dossier des matchs truqués et la désormais affaire Henrotay-Van Holsbeeck, il est parfois difficile de s’y retrouver. Si les trois dossiers ont parfois des ramifications communes, les enjeux ne sont pas forcément les mêmes Depuis un peu moins d’un an, le monde du football en Belgique est secoué par une série d’affaires judiciaires dans les méandres desquelles, à défaut de les avoir suivies de manière assidue, il est parfois difficile de ne pas se perdre. Au point de parfois confondre les différents acteurs et entremêler certains dossiers.
À travers ces lignes, nous tentons de vulgariser, brièvement, chacun des trois dossiers concernés par le Footgate.
L’affaire Mogi et ses montres de luxe
L’affaire du Footgate a officiellement démarré le 10 octobre 2018. Date à laquelle le juge Raskin fait procéder à pas moins de 44 perquisitions menées par 184 policiers à travers tout le pays, lors de l’opération baptisée “Mains propres”. Des perquisitions qui ne sortent pas de nulle part : quelques mois auparavant, le juge Raskin avait été avisé par l’Unité des fraudes sportives, dirigée par le commissaire Guy Goudesone, des transactions financières suspectes dans le cadre de transferts de joueurs.
Ce rapport de l’Unité des fraudes sportives cite deux agents de joueurs en particulier, lesquels auraient touché des commissions occultes pour avoir facilité des transferts d’un joueur d’un club à l’autre. Des commissions sous-évaluées, voire carrément cachées au fisc.
Les deux agents de joueurs concernés sont Mogi Bayat, ancien directeur général du Sporting de Charleroi reconverti en agent de joueurs, et, surtout, Dejan Veljkovic, ancien joueur de football professionnel lui aussi reconverti en agent de joueurs. Ce dernier, personnage central du dossier, sera aussi impliqué dans le scandale des matchs truqués visant à favoriser le maintien de Malines en Jupiler League.
Mogi Bayat est, depuis, inculpé de blanchiment d’argent et de corruption. Il est notamment suspecté d’avoir facilité des transferts de joueurs en offrant notamment des montres de luxe dédouanées – ce qu’il dément, prétendant faire une collection de boîtes de montres vides –, avec pour objectif de maximiser ses bénéfices. Lors du mercato estival 2018-2019, il était actif dans 29 transferts de joueurs.
Quant à Dejan Veljkovic, l’homme au cœur du scandale, il avait été interpellé deux jours après Mogi Bayat. Il serait lui aussi à la base de constructions financières destinées à payer des commissions cachées pour ses activités de courtier et à fournir à certains joueurs une rémunération et des avantages dissimulés.
Parmi les autres personnes citées dans le dossier, on retrouve l’agent de joueurs Karim Mejjati ; l’entraîneur à l’époque du FC Bruges, Ivan Leko, inculpé de blanchiment ; l’ancien avocat d’Anderlecht Laurent Denis ; ainsi qu’un certain Herman Van Holsbeeck. Lequel avait été auditionné le 10 octobre avant d’être relâché le jour même, sans avoir été inculpé ni pour fraude fiscale ni pour blanchiment d’argent.
L’affaire Veljkovic et les matchs truqués
L’affaire des matchs truqués, constitue le second volet du Footgate. Bien qu’indépendante de “l’Affaire Mogi”, c’est suite à celle-ci que le pot aux roses sera découvert. Alors qu’ils travaillaient sur des soupçons de blanchiment d’argent et de corruption, les enquêteurs ont en effet soulevé un autre lièvre après l’interpellation de Dejan Veljkovic.
L’ancien joueur professionnel, aujourd’hui reconverti en tant qu’agent, avait été placé sous mandat d’arrêt le 12 octobre 2018, avant d’être libéré un mois plus tard grâce à une nouvelle loi sur les repentis qui leur permet de bénéficier de réductions de peine et d’une liberté conditionnelle s’ils collaborent aux enquêtes.
Auditionné à plusieurs reprises durant son incarcération, Veljkovic déballera tout (vraiment tout ?) ce qu’il sait sur le dossier, divulguant au passage une flopée d’informations concernant, notamment, la manipulation des matchs Malines – Waasland et Eupen – Mouscron lors de la dernière journée de la phase classique de la saison 2017-2018 de Jupiler League. L’objectif de ces manipulations de matchs était de permettre au FC Malines, club dans lequel il a des intérêts financiers, de se maintenir au sein de l’élite du football belge. Des manipulations finalement inutiles puisque les Malinois, malgré une victoire, seront rétrogradés en raison du succès d’Eupen sur Mouscron.
Deux arbitres – Bart Vertenten et Sébastien Delferrière – ainsi que l’actionnaire principal et le directeur financier du FC Malines, Olivier Somers et Thierry Steemans, auraient été approchés par Veljkovic pour truquer les matchs.
Côté sportif, la cour d’appel de la commission des litiges de l’Union Belge de football avait, dans un premier temps, condamné Malines, champion 2019 de D1B, à y rester avec un handicap de départ de 12 points de pénalité. Les trois autres clubs cités dans le dossier étaient quant à eux acquittés.
Mais finalement, la Cour belge d’arbitrage pour le sport (CBAS) avait cassé cette décision de juin, et autorisé, sur recours, le FC Malines à évoluer en Jupilerleague cette saison, tout en étant cependant privé de Coupe de Belgique et Coupe d’Europe.
Sur le plan judiciaire, l’action n’est toujours pas éteinte. Et treize personnes au moins sont dans le collimateur de la justice.
L’affaire Henrotay-Van Holsbeeck et le transfert de Mitrovic
L’arrestation, jeudi matin, de l’ancien manager d’Anderlecht, aujourd’hui officiant comme agent de joueurs, Herman Van Holsbeeck, fait partie du troisième volet du Footgate bien que celui-ci soit instruit par le juge Michel Claise, à Bruxelles, et non par le juge Raskin, responsable des deux autres dossiers jusqu’à sa récusation en novembre. Ce dossier trouve son origine en 2015, année lors de laquelle le transfert de l’attaquant anderlechtois Aleksandar Mitrovic vers Newcastle avait été acté pour un montant de 18,5 millions d’euros.
L’enquête menée depuis plusieurs mois porte notamment sur des arrangements financiers autour de ce transfert ainsi qu’autour de celui d’un autre ancien Anderlechtois, Youri Tielemans. Le Diable rouge avait été transféré vers Monaco pour un montant de 25 millions d’euros. D’autres transferts pourraient être concernés.
De premières perquisitions avaient été menées, le 24 avril dernier, au sein du siège de l’Union belge de football, ainsi qu’au centre d’entraînement d’Anderlecht, à Neerpede. Elles concernaient des rétrocommissions occultes entre les clubs.
Le dossier a connu une nouvelle évolution, mercredi, avec l’interpellation de l’agent de joueurs Christophe Henrotay et de son bras droit Christophe Cheniaux. Le premier à Monaco et le second en région liégeoise. Ils ont été inculpés de blanchiment, corruption privée, association de malfaiteurs, faux et usage de faux. Tous deux ont été placés sous mandat d’arrêt et écroués.
Trois voitures de luxe, une somme de sept millions d’euros en espèces, un bateau et deux appartements ont été saisis lors des perquisitions menées à quatre adresses : deux en Belgique, une à Monaco et une dernière à Londres.
Et jeudi matin, Herman Van Holsbeeck, à son tour, a donc été interpellé dans le cadre de ce dossier.
Herman Van Holsbeeck est finalement ressorti libre du bureau du juge d’instruction Michel Claise. Libéré mais sous conditions. L’ancien manager d’Anderlecht a pu rentrer chez lui mais a néanmoins été inculpé des chefs de corruption privée, blanchiment, faux et usage de faux et association de malfaiteurs.
Selon nos infos , Herman Van Holsbeeck craignait réellement de se retrouver en prison et est ainsi passé aux aveux. Des aveux néanmoins partiels sur certains faux en écriture.