Wellens: "Comme tout le monde, je rêve de gagner le Tour"
Rencontre avec Tim Wellens, vainqueur de l’Eneco Tour et révélation de la saison. Le Limbourgeois est-il notre futur champion ?
- Publié le 09-09-2014 à 17h10
- Mis à jour le 10-09-2014 à 07h20
Rencontre avec Tim Wellens, vainqueur de l’Eneco Tour et révélation de la saison. Le Limbourgeois est-il notre futur champion ?
Alors que le quarantième anniversaire du dernier succès d’un Belge au Tour commence à se profiler à l’horizon (c’est pour dans moins de deux ans...) et tandis que Jurgen Van den Broeck connaît une période difficile, on cherche désespérément des coureurs belges qui pourraient un jour briller sur les routes des principales courses à étapes en général, de la Grande Boucle en particulier. Les récents exploits du jeune Louis Vervaeke au Tour de l’Avenir ont rallumé la flamme de l’espoir. Pourtant, c’est son ami et équipier Tim Wellens qui possède les plus belles qualités pour réussir un jour dans les grands Tours. Il y a moins d’un mois, le jeune Limbourgeois remportait l’Eneco Tour, après un exploit dans la plus difficile étape sur les routes ardennaises. La semaine passée, à Plouay, le coureur de Lotto-Belisol confirmait, en finissant sixième après avoir animé tant et plus la finale de la classique bretonne. Avant qu’il ne s’envole pour le Canada, où il disputera en fin de semaine les deux épreuves du World Tour, nous avons rencontré la grande révélation belge de cette saison. Et si l’entretien eut lieu à Charleroi, ce n’est pas parce que Tim allait y prendre un avion mais bien parce qu’il se trouvait à Montigny-le-Tilleul, chez Sophie, sa jeune compagne, elle-même ancienne cycliste, qu’il connaît depuis plus de cinq ans après leur rencontre lors d’un stage des équipes nationales de jeunes.
Tim, votre victoire à l’Eneco Tour, avec la manière, a suscité l’enthousiasme. Mais ce n’est que l’Eneco…
"En effet. Ce n’est pas la haute montagne. Ça ne donne pas une indication pour les grands Tours. Les Ardennes ne sont pas comparables avec les cols du Tour. Quand on voit que Lars Boom finit deuxième, ça veut dire que ce n’était pas le plus difficile."
Justement, vous êtes un coureur de classiques ou de courses à étapes ?
"Je suis un peu comme tout le monde, je rêve de gagner le Tour de France. Pour l’instant, c’est un rêve, c’est inaccessible, mais mon but est de m’améliorer chaque saison, de progresser… J’aimerais pouvoir combiner le plus longtemps possible les classiques et les courses à étapes. C’est possible, certains y arrivent, comme Valverde, Nibali, Rodriguez… J’aimerais surtout être très fort dans les grands Tours de trois semaines."
Vous venez d’une famille cycliste, votre père et vos deux oncles ont couru, mais quand vous étiez plus jeune, vous avez eu une idole ou un modèle ?
"J’aime bien Frank Vandenbroucke, pas pour ce qu’il a fait en dehors de la course, mais pour la manière avec laquelle il abordait les épreuves. Ce qu’il en disait avant le départ, le panache avec lequel il courait. J’étais très jeune quand il était coureur, mais je regarde encore régulièrement ses vidéos, comme celle de sa victoire à Liège-Bastogne-Liège..."
Vous avez couru un excellent Giro au printemps.
"Oui, j’ai montré de bonnes choses (NdlR : deux fois 2e d’une étape, 9e du clm en montagne, et 54e au final), mais ce n’est pas la même chose d’aller à fond trois semaines que de choisir quelques étapes. Pour ça, je suis un peu dans l’inconnu. Bien sûr, je grimpe bien, je roule bien contre-la-montre, je récupère bien. Non, pas que je m’améliore dans un Tour, mais je me fatigue moins que les autres. C’est primordial et tant mieux si j’ai ces qualités, mais il reste la question des trois semaines."
Vous serez au Tour en 2015 ?
"J’aimerais y aller, je pense que je suis prêt. Mais si l’équipe m’y aligne, ce sera pour travailler, pour me tester, pour apprendre, pas pour me focaliser sur le classement général. Je ne sais pas si j’en suis capable. Huit, dix jours, je le sais, trois semaines, pas encore. La saison prochaine, je viserai plutôt des courses d’une semaine, dix jours, car je sais que je peux le faire. Paris-Nice par exemple, c’est une belle course, pas trop dure mais pas facile quand même."
Comment combiner vos intérêts et vos ambitions avec ceux de Van den Broeck, de Monfort ou de Vanendert… ?
"Je ne sais pas, l’équipe décidera, mais, eux, ils ont de l’expérience et ils peuvent m’apporter beaucoup. Dans les grands Tours, ils ont déjà prouvé énormément, moi pas encore…"
"Je suis en avance dans mon plan de carrière"
Tim Wellens fait partie de cette génération dorée qui éclot ces dernières saisons.
Vous avez une explication à cette arrivée massive de jeunes coureurs talentueux ?
"Pas vraiment. La lutte contre le dopage y est pour beaucoup, c’est certain. Le cyclisme est plus propre, c’est sûr. Il y a eu une période où les jeunes étaient contents de pouvoir suivre, maintenant, ils font la course."
Certains d’entre eux ont déjà de très beaux résultats.
"Oui, Bardet par exemple, il a un an de plus que moi. Je suis content de voir qu’il a réalisé un bon Tour de France car je l’ai battu de temps en temps chez les jeunes… Je courais aussi avec Démare, Barguil, Sagan, Quintana un an… Chez les Belges, avec mes amis Sean De Bie, Jasper Stuyven ou Louis Vervaeke, qui a deux ans de moins."
Avec eux, vous partagez plus qu’une amitié…
"Oui, de novembre à juillet, nous avions loué une maison à Lucca, en Toscane, pour nous entraîner au soleil et sur des terrains difficiles. Mais, maintenant, on cherche à Malaga, car il y fait meilleur encore. Aller régulièrement s’entraîner à l’étranger, pour progresser, c’est le genre de chose nécessaire quand on est grimpeur. Il faut chercher des cols pour s’améliorer, les Ardennes ne suffisent pas, même si j’y vais également souvent. Quand je fais un long entraînement, je vais jusqu’à La Redoute et puis je retourne à Saint-Trond où j’habite."
Où en êtes-vous dans le plan de carrière que vous devez avoir ?
"Pas mal en avance ! Avec mon entraîneur, on en avait parlé. Cette saison, je devais me mêler à ceux qui luttent pour la gagne à l’occasion mais pas gagner ce genre de courses. Ce n’était que l’an prochain que je devais jouer la victoire. Pourtant, il faut être réaliste, garder les pieds sur terre, ne pas s’enflammer. Les gens, moi aussi, pourraient avoir de trop grands espoirs, les supporters, l’entourage, la presse, l’équipe…"
Vous n’avez pas de pression ?
"Non, chez Lotto-Belisol, je suis dans la bonne équipe. Je ne suis pas obligé de rouler, comme certains jeunes, pour un leader. Ça m’arrive, bien sûr, mais je ne passe pas des heures en tête de peloton à courir derrière des échappés… Quand on est jeune, c’est mieux de voir ce qu’on peut faire, d’être libre, de mesurer où sont ses limites. Certains n’ont pas cette chance et, à la fin, quand on roule toute la journée en tête d’un peloton et qu’on n’est plus là dans la finale, bien sûr, on doit être fort, mais on perd aussi ses repères, son envie de gagner."
"Tim a d'énormes possibilités"
Tim Wellens roulera encore au moins une saison dans l’équipe Lotto où Soudal remplacera Belisol l’an prochain. C’est là, en arrivant dans l’équipe des Espoirs, à 18 ans, qu’il a commencé à travailler avec Energy Lab et fait la connaissance de son entraîneur, Paul Van Den Bosch. Celui-ci, qui s’occupe aussi de Sven Nys, évoque le jeune Trudonnaire : "Tim est un grand talent, qui a d’énormes possibilités, c’est un grand moteur. Dès son arrivée, on a constaté qu’il a des qualités. Il possède non seulement, un excellent rapport wattage par kilo, ce qui est très bon pour grimper, mais il est aussi capable de développer un très haut wattage, ce qui indique sa puissance. Ça, c’est bon pour le plat ou les chronos, par exemple. Il lui manque l’explosivité. Il possède la plupart des éléments pour devenir un grand, d’autant qu’il a la tête sur les épaules. On a déjà vu qu’il peut prester dans les classiques dures. Pour les Tours et, surtout, les grands Tours, c’est encore difficile de se prononcer. Il a déjà montré de belles choses dans le Giro en montagne mais, d’un autre côté, il n’a pas non plus montré qu’il pouvait courir trois semaines en se focalisant sur le classement. Je pense pourtant qu’il en sera capable."