Victor Campenaerts, la perfection sur piste

Un super cx

La progression constante de Victor Campenaerts confirme ses qualités physiques peu communes. Il était mardi dans une forme physique étincelante et un grand jour. Il bénéficie aussi d’un exceptionnel coefficient de pénétration dans l’air, qui lui confère un aérodynamisme naturel très efficace. Avec cela, il doit développer moins de watts que d’autres moins aérodynamiques pour obtenir le même résultat. Il a pu ainsi pousser à chaque coup de pédales un développement de 61x14 (9,15 m) plus important d’une cinquantaine de centimètres que celui de Wiggins.

Un mental de fer

Ceux qui côtoient l’Anversois le décrivent comme un "spécial", capable de vivre comme un moine pendant des mois pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé. Pendant l’effort, il est également capable de maintenir son haut rendement longtemps en flirtant avec ses limites.

Une incroyable préparation

Le double champion de Belgique et d’Europe du contre-la-montre a consacré six mois au record. À la limite de l’obsession. Depuis l’arrivée du Mondial, où il avait conquis le bronze, fin septembre, jusqu’à sa tentative réussie, Campenaerts a vécu, dormi, mangé, roulé en fonction de ce record. Il n’a eu qu’une alerte, lorsqu’il dut interrompre un stage avec le COIB, mi-novembre, et renoncer ensuite à celui de son équipe, à cause d’une blessure au genou. Dès le 2 janvier, l’Anversois est parti en Namibie, pour deux mois d’entraînement en altitude, puis après trois semaines passées en Europe, il s’est rendu au Mexique près de trois semaines avant sa tentative. Tout cela en dormant sous une tente hypoxie comme s’il était à 3 000 mètres.

Une altitude bénéfique

En effectuant sa tentative à 1 887 mètres d’altitude, le coureur de Lotto-Soudal aura tiré parti de ses effets bénéfiques, avant tout une moindre résistance de l’air. Mais développer un effort en altitude n’est pas donné à tout le monde, à Campenaerts, oui !

Un matériel pointu

Le coureur évoluait sur un vélo tout carbone Ridley Arena (d’une réalisation de plus de 100 000 €), avec des roues pleines Campagnolo Ghibli, une combinaison spéciale Vermarc, des chaussures aéro Gaerne et un casque HJC Adwatt. "Le plus rapide", dit-il d’après les tests en soufflerie qui avaient aussi démontré l’intérêt qu’il ne porte pas de visière, pour un meilleur refroidissement, mais qui, surtout, l’aurait ralenti.

Un entourage pro

Soutenu par toute son équipe et ses équipementiers, le nouveau recordman a travaillé avec des spécialistes de la position et de l’aérodynamisme et il a pu compter au Mexique sur un entourage hyper professionnel avec un entraîneur, un docteur spécialiste de l’altitude, un kiné-ostéopathe, un mécanicien et Kevin De Weert, le manager de la performance de Lotto-Soudal.

Tous les atouts dans son jeu

Campenaerts a veillé à tous les détails. Par exemple, même si les tribunes pouvaient accueillir 2 000 personnes, la tentative a eu lieu à huis clos à l’exception d’une poignée de privilégiés (encadrement, journalistes, famille et proches). D’abord, pour éviter les courants d’air déstabilisateurs. Quatre personnes ont veillé à ce que les portes restent fermées en permanence.

Pour veiller aussi à ce que la température reste entre les 25° et 30° souhaités et ne fasse pas monter la pression atmosphérique en réduisant d’autant ses effets bénéfiques. Wiggins avait couru dans un vélodrome olympique de Londres archi-plein, où régnait une chaleur tropicale. Les lumières de la piste mexicaine n’ont été allumées qu’un quart d’heure avant la tentative. Il y avait 24,7° au début et 29,1° à la fin… Kevin De Weert, qui lui indiquait ses temps de passage à chaque tour, a renseigné son coureur avec une tablette placée au plus près du sol, afin qu’il la regarde en passant, sans devoir relever la tête. Avec, à la clé, un gain de puissance estimé à près d’un tour (250 m) par l’entourage ! Victor Campenaerts a également appris à respirer "par le ventre", une technique plus efficace et donc moins coûteuse en énergie…

Quel avenir?

"J’ai peut-être atteint le summum de ma carrière avec ce record", disait Victor Campenaerts mardi. À court terme, l’Anversois ne cherchera pas à améliorer ou reprendre, si quelqu’un le détrône (sait-on jamais ?), son record. C’est donc sur la route qu’il faut l’attendre et surtout dans les chronos, ce qui peut aussi lui permettre de viser de bons classements dans certaines courses à étapes où les contre-la-montre seraient privilégiés. Le 30 avril, le coureur de Lotto-Soudal va reprendre au Tour de Romandie (un prologue et un chrono), puis il disputera le Giro (trois contre-la-montre dont deux très athlétiques). Ensuite, Victor Campenaerts a rendez-vous avec trois championnats. D’abord, le National, couru le 27 juin à Middelkerke, où il visera le triplé. Comme, d’ailleurs, à l’Euro, couru cet été (8 août) à Alkmaar, aux Pays-Bas. Au Mondial, disputé au Yorkshire, le 25 septembre, entre Northallerton et Harrogate, l’Anversois tentera de faire mieux encore que l’an dernier (il était médaille de bronze), sur un terrain très accidenté et sur la distance de 54 kilomètres… qu’il maîtrise désormais à merveille ! C’est pourtant à l’été 2020 que Campenaerts espère avoir de nouveau rendez-vous avec l’histoire. Il ne cache plus sa volonté de conquérir une médaille et même le titre olympique du chrono à Tokyo. Le tracé des Jeux sera difficile, avec une côte de 5 km à 4 % à gravir deux fois, pour 44 km et 846 mètres de dénivelé.

Qui après lui?

"Les records sont faits pour être battus, mais je pense que celui-ci pourrait durer un certain temps", dit Kevin De Weert. Avec sa performance, Victor Campenaerts va sans doute décourager la plupart de ceux qui avaient l’idée de s’attaquer au record. Car l’Anversois a démontré qu’il conviendra de se préparer longuement de manière intensive pour espérer lui ravir le record et sans doute s’y attaquer en altitude avec tout ce que cela comporte comme contraintes financières et de temps. Parmi ceux qui peuvent entrer en ligne de compte figurent Rohan Dennis (qui fut déjà recordman, en 2015, avec 52,491 km, soit… 2 km 600 de moins que Campenaerts) ou Tom Dumoulin. Mais ce dernier est désormais tourné avant tout vers les grands tours et a donc d’autres priorités. Même s’il a déjà échoué, l’été dernier à Aguascalientes (53,630 km), le vétéran danois Martin Toft Madsen (34 ans), un des meilleurs rouleurs actuels, pourrait de nouveau tenter sa chance. C’est pourtant son jeune compatriote Mikkel Bjerg (20 ans) qui présente le plus de danger. Le double champion du monde U23 du chrono a déjà deux tentatives à son actif. En 2017, il a d’abord couvert 52,311 km puis, surtout, 53,730 km cet automne. Même si elle n’a pas été homologuée (en l’absence de commissaires UCI), sa performance est la 3e de tous les temps. Bjerg, qui avoue n’être motivé que par ce record, a prévu de se remettre en selle en octobre, en Suisse ou au Danemark.