Verbrugghe: "Il faudrait repenser le parcours des Ardennaises" (VIDEO)

Il y a 15 ans, vous remportiez la Flèche Wallonne. Quelle place occupe aujourd’hui ce succès ?

"Cela reste l’une des plus belles victoires de ma carrière. Enfant, c’est l’une des toutes premières courses sur laquelle j’ai pu approcher le peloton en direct, voir les coureurs en chair et en os. Une relation très particulière m’a donc toujours uni à cette épreuve. Et puis remporter une telle classique dans son jardin, c’est un grand moment d’émotion, d’autant que mon frère Ief était alors mon équipier. J’avais aussi le meilleur des directeurs sportifs, Claudy Criquielion, dans la voiture. Je me souviens encore être redescendu à sa hauteur pour lui demander de faire rouler l’équipe derrière l’échappée afin de me permettre de sortir ensuite dans la finale."

Vous êtes justement l’un des derniers vainqueurs à avoir fait la décision avant le Mur de Huy. Depuis 2003 et la victoire d’Astarloa, la Flèche se résume souvent en une course de côte…

"ASO tente d’apporter chaque année une nouveauté au parcours, mais sa philosophie et sa nature restent identiques. Il faut parfois oser un bouleversement plus profond du tracé pour générer un autre scénario."

Il paraît tout de même difficilement imaginable de ne plus arriver au sommet du Mur de Huy, vous ne pensez pas ?

"Il ne faut pas nécessairement toucher à la finale d’une course pour la rendre plus spectaculaire. Pour ouvrir la course plus tôt, des difficultés placées à 70 ou 80 bornes du but sont parfois plus intéressantes. Je trouve dommage que sur les trois volets du triptyque ardennais, on propose à chaque fois des arrivées du même type, en bosse, qui permettent au même type de coureurs de s’exprimer. Autrefois, l’ Amstel arrivait à Maastricht et la Doyenne , dans le centre de Liège…"

Les organisateurs ont choisi d’insérer une nouvelle difficulté, la côte de la Rue Naniot, dans les cinq derniers kilomètres. Un bon choix ?

"Durcir un final n’est en aucun cas un gage de spectacle. Les coureurs tardent alors parfois à se livrer par peur de buter sur des derniers kilomètres trop ardus. L’équilibre est très difficile à trouver."

Êtes-vous nostalgique de l’époque où La Redoute pouvait être décisive sur Liège-Bastogne-Liège ?

"Oui, je regrette que cet endroit de légende ou la trilogie Wanne-Stockeu-Haute Levée aient un rôle moins en vue dans la course. L’introduction de La Roche-aux-Faucons a changé beaucoup de choses : c’est très difficile et cela bloque la course. Lors de mes premières années comme pro, la Doyenne proposait un enchaînement Wanne-Hésalles-Aisomont-Stockeu-Haute Levée. Il y avait donc un très solide écrémage à 80 kilomètres du but. C’est peut-être plutôt dans ce sens qu’il faudrait repenser le parcours des Ardennaises ."

Considérez-vous que les classiques flandriennes offrent des scénarios plus variés que les Ardennaises ?

"Oui, tout à fait. Le déroulement des courses est trop stéréotypé dans les Ardennes. Je reste pourtant persuadé qu’il est possible pour une échappée ou un homme audacieux dans la finale d’échapper à la vigilance des équipes qui tentent de contrôler la course à tout prix afin que tout se joue dans l’ultime difficulté. Il n’a pas manqué grand-chose à Wellens pour réaliser un joli numéro sur la Flèche et il a bien failli récidiver sur l’ Amstel dimanche. Un jour ou l’autre, cela finira par payer, j’en suis convaincu."

"Pour IAM, la Romandie est plus importante que Liège"

Ancien vainqueur de la Flèche Wallonne, Rik Verbrugghe n’a pas eu besoin de faire résonner cette ligne de son palmarès à l’oreille de ses coureurs pour éveiller leur intérêt pour les classiques ardennaises.

"La Flèche et Liège, ce sont des courses que tous les coureurs rêvent de pouvoir remporter",  juge le Wallon.  "Elles jouissent encore et toujours d’un réel prestige bien au-delà de nos frontières."

L’équipe IAM n’alignera pourtant pas ses meilleurs éléments sur ces deux épreuves.  "Notre problème est qu’elles se déroulent juste avant le Tour de Romandie  (NdlR : du 26 avril au 1er mai) , l’un des rendez-vous les plus importants de la saison pour notre commanditaire suisse",  poursuit Verbrugghe.  "En début de saison, trois objectifs prioritaires nous ont été définis par Michel Thétaz  (NdlR : le sponsor et propriétaire de l’équipe)  : les Tour de Romandie, de Suisse et de France. Pour IAM, ce premier rendez-vous est logiquement plus important que Liège-Bastogne-Liège."

Les troupes de Verbrugghe ne s’aligneront toutefois pas sans ambition.  "Je veux que mes hommes soient acteurs de la course, que l’on influe sur son déroulement. Cela peut être en prenant l’échappée ou en tentant un coup dans la finale, peu m’importe."

"Loïc m’a épaté sur l’Amstel"

À la tête du BMC Development Team en 2013 et 2014, la pépinière des jeunes talents de la formation suisse, Rik Verbrugghe y avait recruté Loïc Vliegen. Neuvième dimanche sur les hauteurs de Valkenburg, le Hervien a été la révélation belge de l’Amstel Gold Race.  "Ce qu’il a réalisé dans le Limbourg néerlandais ne m’a pas réellement surpris car je connais son potentiel et savais qu’il en était capable",  sourit Verbrugghe.  "Mais je dois avouer que Loïc m’a épaté. Pour sa toute première participation, épingler un  Top 10  pour lequel tant de coureurs du top mondial se battent, cela constitue une grosse performance. C’est un plaisir de travailler avec ce type de jeune coureur animé d’une réelle soif d’apprendre. Il est toujours à l’écoute des conseils que l’on peut lui donner. S’il est possible à des garçons comme Loïc, cette année, ou Benoot, la saison dernière, de s’exprimer dès leur première saison chez les pros, c’est parce que le cyclisme d’aujourd’hui est bien plus propre mais aussi car les structures Espoirs comme celles misent en place par BMC ou Lotto facilitent considérablement le grand saut. Désormais, ils vivent déjà comme des pros avant de donner leurs premiers coups de pédale dans le peloton  World Tour ."

"Greg me demande souvent des conseils"

En couple avec Claudia Van Avermaet, la sœur du vainqueur du Circuit Het Nieuwsblad, Rik Verbrugghe a noué une relation forte avec celui qui est désormais son beau-frère.  "Nous nous entendons vraiment très bien et il me demande régulièrement des conseils sur des sujets très divers et pas uniquement axés autour du vélo. Je suis plus âgé et me repose, du coup, sur une plus grande expérience de la vie . (rires)  J’aime beaucoup son tempérament en course, ce sens de l’offensive pour lequel les spectateurs aiment tant notre sport. On ne réécrira pas l’histoire et il est impossible d’affirmer qu’il aurait remporté le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix sans sa chute, mais il était assurément dans une forme exceptionnelle. Tout comme Sagan…"  (rires   ) En fin de contrat chez BMC fin décembre, Van Avermaet pourrait-il évoluer sous les ordres de son  beauf  la saison prochaine ?  "Si vous demandez à tous les managers du  World Tour  si cela les intéresserait de compter Greg dans leur noyau, 90 % vous répondront oui. Et je fais partie de ceux-là…"  (rires)