Tom Dumoulin: "Les Sky sont les plus riches, mais sont-ils les plus heureux ?"
- Publié le 30-07-2018 à 06h49
- Mis à jour le 30-07-2018 à 06h50
Dauphin de Geraint Thomas, le Néerlandais Tom Dumoulin ne nourrit aucun regret quant au déroulement de l’épreuve. Coincé entre Geraint Thomas et Christopher Froome sur le podium des Champs-Élysées, Tom Dumoulin aura incarné le principal danger pour l’armada du Team Sky sur ce Tour de France. Deuxième du classement final alors qu’il ambitionnait une place au général pour la toute première fois de sa carrière, le Néerlandais semble l’un des mieux armés pour mettre à mal l’hégémonie de la formation britannique dans les prochaines années.
Tom, votre succès dans le chrono de samedi modifie-t-il votre bilan final sur ce Tour ?
"Non, même s’il est évidemment savoureux de repartir de cette épreuve avec un succès dans mes valises. Mais avant ce chrono, ce Tour était déjà, à mes yeux et ceux de l’équipe, une réussite. Mes performances ont été au-delà de toutes les espérances."
On dit souvent que la deuxième place est la plus frustrante. Cette vérité vaut-elle dans votre cas ?
"Non, cette deuxième place n’alimente aucune frustration chez moi, vraiment. Si on m’avait dit avant le grand départ de Vendée que je monterais sur la deuxième marche du podium final à Paris et que je remporterais le chrono en troisième semaine après avoir vécu un Giro tellement éreintant (NdlR : il avait pris la deuxième place finale), je vous assure que j’aurais signé des deux mains sans hésiter une seule seconde ! Je suis aussi content pour Thomas qui a livré une course incroyable durant trois semaines. Il était dans la forme de sa vie, a évité tous les pièges et n’a jamais été mis en difficulté par qui que ce soit, moi y compris. Cela force le respect mais me renforce aussi dans ma conviction que je n’ai rien à regretter."
Lorsque l’on finit sur la deuxième marche du podium, on pense forcément à ce qui nous sépare encore de la première. Comment pensez-vous pouvoir encore vous améliorer ?
"Prendre la deuxième place finale de la plus grande course du monde constitue déjà, en soi, une énorme performance. Mais j’aimerais bien évidemment revenir sur cette épreuve pour la gagne dans les prochaines années. On doit donc désormais analyser comment il me serait possible de franchir un nouveau palier. Je ne pensais pas être capable de réaliser ce que je viens d’accomplir ces trois dernières semaines. J’étais arrivé sur cette course déterminé à me battre pour un bon classement général, mais je ne savais pas comment mon corps allait réagir après ce que je lui avais déjà demandé sur le Giro…"
Lors de l’étape de Mûr-de Bretagne, vous aviez perdu plus d’une minute à la suite d’un incident mécanique. Quel a été le poids de cette étape dans votre classement final ?
"Je ne pense pas que l’on puisse refaire la course en prenant en considération ce simple écart. L’attitude et la stratégie de Thomas ont été dictées par l’avantage sur lequel il peut se reposer. Peut-être aurait-il agi différemment si son viatique avait été moins important. Le coureur de la Sky était assurément le plus fort sur ce Tour, cela ne fait aucun doute, et il aurait exploité les étapes montagneuses d’une autre manière si cela avait été nécessaire…"
Le Team Sky possède un budget sans commune mesure avec celui des autres équipes. En quoi cela influe-t-il sur la course ?
"Ils ont beaucoup d’argent, c’est vrai, et cela rend parfois les choses plus faciles (rires). Mais on peut se demander si les coureurs de la Sky sont plus heureux pour autant… (sourire) Sur le Tour et le dernier Giro, nous n’avons bien évidemment pas pu contrôler les choses comme le fait l’équipe britannique mais, au final, tout reste tout de même dépendant de la forme du leader. Force est de constater que sur le dernier Tour d’Italie comme sur cette Grande Boucle, ils possédaient à chaque fois en leurs rangs le coureur le plus fort du peloton. Si vous disposez des meilleurs coureurs du monde comme équipiers mais que vos jambes ne vous permettent pas de répondre aux attaques dans les derniers kilomètres des étapes de montagne, vous ne gagnerez jamais un grand Tour… C’est trop facile de dire que Thomas a gagné parce qu’il avait la meilleure équipe. Il était surtout le meilleur !"
Vous aviez dit aborder ce Tour sans pression, qu’un bon résultat y aurait valeur de bonus. Quand ferez-vous de ce rendez-vous le principal objectif de votre saison ?
"Je n’ai que 27 ans et me trouve encore trop jeune pour disputer deux grands Tours chaque année. Je me concentrerai donc très probablement sur une seule course de trois semaines l’année prochaine. Ces deux dernières années, je me suis d’abord et avant tout axé sur le Giro. Ce serait maintenant une décision logique de me concentrer sur le Tour l’année prochaine, mais tout dépendra du parcours. Si le tracé de la prochaine Grande Boucle ne me convient pas vraiment, je serai alors heureux de retourner sur la course au maillot rose. Je ne peux donc pas dire qu’il est acquis à 100 % que je me concentrerai sur le Tour en 2019."
Comme Chris Froome, troisième, vous aviez disputé le Giro plus tôt dans la saison. Cette épreuve serait-elle devenue la meilleure préparation pour le Tour ?
"Le Giro n’a rien d’une préparation, je vous assure (rires). C’est une course tellement exigeante… En raison de la Coupe du Monde de football, le Tour avait été décalé d’une semaine, sept jours qui ont fait toute la différence. Dans la foulée de ma seconde place en Italie, j’ai pu débrayer durant deux semaines car je savais que je disposerais ensuite de suffisamment de temps pour réaliser un nouveau bloc d’entraînement. C’est aussi en raison de ce nouvel équilibre dans le calendrier que j’ai décidé de faire le Tour. L’année prochaine, on retrouvera une programmation classique avec seulement 30 jours entre les deux épreuves. À mes yeux, il deviendra alors à nouveau très compliqué d’enchaîner les deux rendez-vous…"
Préconiseriez-vous de maintenir le calendrier en vigueur cette année ?
"L’équation est compliquée… Cela permettrait à plus de coureurs de tenter l’enchaînement Giro-Tour, mais il faut aussi penser aux coureurs de classiques."