Thomas-Bernal: le duel au sommet décrypté par Johan Museeuw
À l’aube de l’entrée dans les Pyrénées, notre consultant Johan Museeuw a passé les qualités des deux têtes de gondole du Team Ineos au microscope.
- Publié le 18-07-2019 à 12h04
- Mis à jour le 18-07-2019 à 12h18
À l’aube de l’entrée dans les Pyrénées, notre consultant Johan Museeuw a passé les qualités des deux têtes de gondole du Team Ineos au microscope.
Plus que jamais, les deux hommes de la formation britannique (2e et 3e du général, séparés par seulement quatre secondes) font figure de grandissimes favoris à la victoire finale à Paris.
Le leadership
“Vainqueur sortant de la Grande Boucle, Geraint Thomas est évidemment bien plus habitué au rôle de leader sur une course de trois semaines que son jeune équipier colombien de 22 ans qui n’a jamais eu à composer avec un tel statut sur ce genre d’épreuve. La portée médiatique du Tour est sans commune mesure et même s’il a remporté Paris-Nice et le Tour de Suisse, Bernal n’a jamais dû composer avec la pression et les obligations inhérentes au port du maillot jaune par exemple. Même un coureur comme Alaphilippe, pourtant habitué depuis aux cérémonies protocolaires, a avoué qu’il n’imaginait pas que cela pompe autant d’énergie. Thomas, lui, connaît la musique. On dit toujours que quand on a gagné une grande course à au moins une reprise, on a fait tomber une barrière mentale pour soi mais aussi ses équipiers, qui savent que leur leader est capable de finir le boulot. Je trouve toutefois, depuis le début de ce Tour, que les Ineos sont moins à l’aise que la Sky, autrefois, lorsque la route s’élève. Ils étaient par exemple moins souverains sur la montée de la Planche des Belles Filles. Je suis donc curieux de voir comment ils vont manœuvrer dans les Pyrénées… J’ai également remarqué que depuis le début de ce Tour, Bernal a travaillé pour le collectif, au contraire de Thomas qui semble clairement être le plan A chez Ineos.”
L’expérience
“L’avantage sur ce point va évidemment à Thomas qui en est à sa treizième saison dans le peloton pro, mais la maturité avec laquelle évolue déjà Bernal m’a beaucoup impressionné sur le dernier Tour de Suisse. On dirait qu’il a dix années de professionalisme dans les jambes. Il ne panique pas dans les situations de course inattendues et possède un grand sang-froid. Cela vaut d’ailleurs pour tous les jeunes grands talents comme Evenepoel ou Van Aert chez nous. Aujourd’hui, quand un gars de vingt ans donne ses premiers coups de pédale dans le peloton WorldTour, il est prêt sur bien des aspects. Les équipes possèdent des staff toujours plus larges qui offrent un encadrement de très niveau pour faire évoluer au mieux ces athlètes sur les plans physique et mental.” Les capacités en montagne
“Je donnerais ici un petit avantage à Bernal, même si Thomas a remporté sur le dernier Tour de France deux étapes de haute montagne à La Rosière et à l’Alpe d’Huez. Le début de cette Grande Boucle a été extrêmement exigeant, même pour les leaders, avec plusieurs journées où le stress a été présent d’un bout à l’autre de l’étape. La fraîcheur risque donc de jouer un rôle déterminant en troisième semaine d’autant qu’on y évoluera souvent à plus de 2 000 mètres. Cette spécificité du tracé de cette année a un impact réel sur les performances physiques. Connaissant Ineos, ils n’ont certainement rien laissé au hasard et préparé Thomas au mieux pour ce contexte, mais Bernal y évoluera, lui, dans son biotope naturel. Je pense aussi que Bernal est un grimpeur plus naturel que Thomas qui a suivi une trajectoire comparable à celle de Wiggins, devenu bon en montagne en adaptant ses qualités de rouleur.”
Les capacités contre la montre
“Sixième du chrono de Paris-Nice et onzième de celui du Tour de Suisse, Bernal se débrouille très bien dans cet exercice, mais il n’y égale pas encore Thomas, l’un des meilleurs coureurs du monde dans cet exercice. Triple champion du monde de poursuite par équipes, le Gallois évolue là dans la discipline qui l’a construit comme coureur. Le chrono de vendredi, assez accidenté, avantagera moins Thomas qu’un parcours tout plat où il aurait sans doute creusé un écart plus important sur Bernal. À mon sens, la hiérarchie au sein du Team Ineos sera arrêtée vendredi soir, après le seul et unique contre-la-montre individuel de ce Tour.”