Jean-Maurice Ooghe, les yeux du Tour de France... braqués sur Bruxelles !
Le réalisateur en chef du Tour de France pour France Télévisions nous raconte comment on prépare, filme et met en images le 3e événement le plus médiatisé de la planète.
- Publié le 17-05-2019 à 08h40
- Mis à jour le 17-05-2019 à 09h07
Le réalisateur en chef du Tour de France pour France Télévisions nous raconte comment on prépare, filme et met en images le 3e événement le plus médiatisé de la planète. Depuis 23 ans, Jean-Maurice Ooghe, réalisateur du Tour de France pour France Télévisions, coordonne les équipes chargées de la retransmission du troisième événement planétaire après les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football. Un travail d’orfèvre qui demande une préparation hors norme. Entretien.
Comment se déroule le repérage des étapes ?
"La préparation du Tour de France démarre en janvier. Chacune des 21 étapes demande au moins deux jours de préparation. J’arrive avec mon assistant et la directrice de production et nous repérons le parcours en voiture, tout en prêtant attention aux lieux intéressants situés dans un rayon de maximum 20 kilomètres. Mon assistant conduit et je suis assis à côté de lui, muni d’un dictaphone, d’une cartographie et d’un appareil photo. Je décris les monuments, rivières, châteaux, églises, sites naturels dans mon dictaphone. Cette étape permet d’élaborer un road book qui sera envoyé aux trois hélicoptères, deux qui sont munis de caméras grand angle et un qui sert de relais technique. Il faut aussi demander des autorisations pour pouvoir survoler certains lieux. Enfin, nous devons identifier trois lieux par étape pour y implanter une station-service permettant aux hélicoptères de faire le plein de carburant."
Vous êtes déjà venu en repérage à Bruxelles ?
"Je suis venu une semaine en janvier pour repérer les deux premières étapes. Nous allons bien sûr filmer la Grand-Place d’où s’élancera le Tour, mais également le Manneken-Pis, la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule, l’église du Sablon, le Palais Royal, le Palais des Bozar, le musée Magritte, la Basilique de Koekelberg, le palais de justice, le parc du Cinquantenaire et tous les bâtiments européens. Du côté d’Anderlecht, nous allons filmer la collégiale Saints-Pierre-et-Guidon, la maison Erasme, le stade d’Anderlecht, le superbe moulin Luizenmolen, avant d’arriver au château du Karreveld à Molenbeek. Enfin, nous filmerons le musée royal de l’Afrique Centrale, les Serres royales, puis l’Atomium où est juchée l’arrivée de la deuxième étape."
Le Tour coïncide avec le 50e anniversaire de la première victoire d’Eddy Merckx. Que prévoyez-vous pour l’occasion ?
"Nous ne prévoyons aucun plan au préalable. Ce sera durant le direct en lui-même. Je demanderai à mes cameramen d’être vigilants car le public lui rendra certainement hommage en organisant des actions spontanées. En revanche, nous préparons dès maintenant des reportages sur sa vie bruxelloise, l’épicerie de ses parents à Woluwe-Saint-Pierre, avec également un retour sur sa carrière."
De combien de personnes votre équipe est-elle composée ?
"Il y a environ 80 personnes qui sont en contact direct avec moi durant la course. Depuis la petite régie, je coordonne les trois hélicoptères et les cinq cameramen sur les motos. Puis je choisis de cette manière les plans qui passent à l’antenne."
Quelle est votre plus grande crainte ?
"Ce que je crains le plus, c’est la météo car, en cas de temps épouvantable, les hélicoptères ne peuvent pas décoller et tout l’immense travail d’élaboration du road book réalisé en amont tombe à l’eau, sans mauvais jeu de mot. A contrario, si les conditions sont idéales avec un soleil rayonnant sur la Belgique, je suis aux anges. Quand je sors du camion de réalisation après une étape et que j’ai réalisé 95 % du road book, alors ma journée est réussie."
Quelle est la proportion de téléspectateurs qui regardent le Tour uniquement pour les paysages et l’histoire ?
"C’est dur à estimer mais ils sont très nombreux. Lors de chaque étape, le Tour de France draine cinq millions de téléspectateurs, avec des pointes à neuf millions. Il est clair que toutes ces personnes ne s’intéressent pas à la course sportive mais bien aux paysages et à l’histoire des lieux traversés. J’aime dire que j’emmène les gens voyager sur un tapis roulant au-dessus de notre beau pays. Et du vôtre aussi, forcément."
Qu’est ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
"Réaliser le Tour de France, c’est comme réaliser un feuilleton de 21 épisodes. J’ai l’impression de faire du cinéma, tout en devenant professeur d’histoire et de géographie, qui sont mes deux passions. Nous parlerons de Magritte, de Napoléon lors du passage par Waterloo, de Victor Horta, etc. C’est aussi ça une mission de service public."
Que souhaitez-vous améliorer à l’avenir ?
"Au niveau culturel et patrimonial, nous avons atteint un très haut niveau grâce notamment aux deux caméras grand angle sur les deux hélicoptères. Ce que nous pouvons améliorer, c’est au niveau du ressenti de la course. J’espère d’ici quelques années avoir des caméras embarquées au cœur du peloton. Nous avons les technologies requises mais il faut que les coureurs acceptent. Il faut tendre vers une multiplication des angles de vue et cette technologie embarquée est idéale."