Il y a un siècle, le Wallon Firmin Lambot gagnait le Tour
Le 27 juillet 1919, Firmin Lambot devenait le premier à ramener le maillot jaune à Paris.
- Publié le 27-07-2019 à 14h48
Le 27 juillet 1919, Firmin Lambot devenait le premier à ramener le maillot jaune à Paris. Ce 27 juillet, cela fait exactement cent ans que Firmin Lambot enlevait le Tour de France.
Le Namurois devenait le troisième coureur belge à connaître ce bonheur, après Odile Defraye, lequel avait inauguré la série en 1912, et Philippe Thys, auteur du doublé en 1913 et 1914. Le Bruxellois allait encore s’imposer en 1920.
Cet été 1919, huit mois après la fin de la Grande Guerre, Firmin Lambot enleva la première des trois victoires conquises par un coureur wallon sur la Grande Boucle. Il allait en effet récidiver trois années plus tard, devenant pour l’occasion le vainqueur le plus âgé, avec 36 ans, 4 mois et 9 jours. Un recor d qu’il détient toujours près d’un siècle plus tard !
L’année précédente, c’est son ami Léon Scieur, de deux ans son cadet, originaire également de Florennes, en province de Namur, qui avait enlevé la course.
L’ancien bourrelier-sellier, devenu coureur professionnel en 1918, est aussi resté dans l’histoire du Tour de France comme le premier vainqueur du Tour en maillot jaune puisque la tunique d’or n’a été introduite qu’à l’occasion de cette 13e édition, le 19 juillet 1919.
Firmin Lambot allait être le premier à ramener ce maillot au Parc des Princes après un Tour qui fut sans doute l’un des plus durs, sinon le plus dur, de tous.
La Guerre 14-18 s’était terminée le 11 novembre précédent, elle avait coûté la vie à trois anciens vainqueurs du Tour. Le Luxembourgeois François Faber, vainqueur en 1909, engagé volontaire dans la Légion étrangère, est tué à Carency, dans le Pas-de-Calais, le 9 mai 1915. Deux ans plus tard, c’est Octave Lapize, lauréat du Tour en 1910, qui meurt en combat aérien le…14 juillet 1917. Enfin, le 20 décembre de la même année, décède Lucien Mazan, dit "P etit-B reton" , qui a gagné la Grande Boucle en 1907 et 1908. Il est victime d’un accident automobile sur le front des Ardennes.
Quand, le dimanche 29 juin 1919, soixante-sept concurrents s’élancèrent de Paris et la place de la Concorde à 3 heures du matin, l’Europe meurtrie n’avait absolument pas effacé les terribles traces du premier conflit mondial. Les conditions déplorables - car tout manquait, la nourriture, le matériel, les routes en bon état, les logements - dans lesquelles la course se déroula conduisirent à une véritable hécatombe parmi les engagés. Vingt-six avaient abandonné le premier jours, puis quatorze le deuxième jour et, après cinq étapes, il ne restait que dix-sept hommes en course.
Car de mauvaises conditions météorologiques se sont ajoutées aux difficultés. Il fait froid et il pleut régulièrement. Les pneumatiques font tellement défaut que deux concurrents ont dû renoncer juste avant le départ, la mort dans l’âme, faute d’avoir pu dénicher quatre boyaux de rechange.
Le Liégeois Jean Rossius gagne en solitaire au Havre la 1re étape, marquée par une incroyable succession de crevaisons. Mais le Wallon ne prend pas la tête du classement général car il est pénalisé d’une demi-heure pour avoir donné un bidon d’eau à Philippe Thys, malade et qui va abandonner. Ce sera aussi le cas pour Rossius.
Firmin Lambot a déjà 33 ans. La Grande Guerre lui a coûté ses plus belles années de sportif.
Mais elle lui a fait rencontrer par hasard sa future femme, Maria, à Anvers, où s’étaient réfugiées la mère et la sœur du coureur pour fuir les combats. Il s’y est marié et installé dès janvier 1916.
Toute la carrière du Namurois est vouée à la Grande Boucle. Il fait preuve d’une exceptionnelle régularité et bénéficie de qualités d’endurance et de récupération hors du commun. Ses coups d’éclat sont rares, mais il est toujours là, toujours placé. Jamais malade, très prudent, il ne tombe pas ou peu, casse rarement son matériel et crève peu souvent. Prévoyant à l’extrême, il emporte toujours avec lui, cachés dans une pochette cousue sur son maillot, six billets de 100 francs, au cas où il devrait s’acheter un nouveau vélo…
Au fil des ans, le Wallon est devenu l’un des principaux acteurs de la course, un des meilleurs équipiers de Philippe Thys, chez Peugeot. Avant-guerre, il a même gagné deux étapes. C’est un homme du Tour, et exclusivement. "J’y vais comme au travail", dit-il, "mais un travail qui me plaît. Je ne souffre pas de la chaleur comme Van Hauwaert, de l’estomac comme Georget, je dose bien mes efforts contrairement à Alavoine, je suis plus régulier que Masson ou que Mottiat, je digère tout et je dors comme un loir."
Au pied des Pyrénées, le leader est Eugène Christophe, et Firmin Lambot, quatrième, a 49 minutes de retard sur le Français. Le Namurois reprend 20 minutes à son rival dès la 6e étape, première journée dans les Pyrénées. Le voilà deuxième devant Émile Masson, qui, après être tombé, va abandonner à son tour.
Deux vétérans restent aux prises, Christophe, 35 ans, et Lambot, de deux ans son cadet. À Nice, le Belge reprend 4 minutes au Français qui le distance toujours de 26:23, puis de 23:19 après l’arrivée à Grenoble, terme de la 10e étape. La journée qui suit, celle du 18 juillet 1919, entre dans l’histoire du Tour de France et même du sport en général. Comme entre chaque étape, la Grande Boucle s’octroie une journée de repos et ses organisateurs en profitent pour remettre au leader du classement général le premier maillot jaune.
En course, le Vieux Gaulois tient le coup face à Lambot. Mieux, dans la 13e étape, entre Strasbourg et Metz, Christophe enfonce le clou et ajoute près de 5 minutes à son capital. Il ne reste que deux étapes et la messe semble être dite ! L’étape suivante, Metz-Dunkerque, l’avant-dernière avec ses 468 kilomètres, tourne au cauchemar pour le coureur de Malakoff, en banlieue parisienne. Peu après la mi-course, le groupe de tête arrive sur les pavés du Nord et ses routes défoncées et dévastées par la guerre. Christophe, qui souffre d’une blessure à la selle, est distancé. Lambot s’en rend compte. "Le vieux est lâché", crie-t-il à qui veut l’entendre avant d’accélérer. Il reste un peu moins de 200 kilomètres et le Wallon se retrouve seul en tête.
Au contrôle de Valenciennes, à 136 kilomètres du but, il possède 4 minutes d’avance sur ses premiers poursuivants, dont Christophe. Un peu plus loin, à Raismes, ce dernier sent sa roue avant se dérober sous lui. Sa fourche est cassée. Pour le Parisien, c’est la catastrophe. Obligé de réparer seul, ce qui lui prend 1 h 10, il retombe un peu plus loin et perd plus de 2 heures à l’arrivée de l’étape, que gagne Lambot en solitaire.
Les espoirs de gagner le Tour se sont envolés pour Christophe, qui se classe troisième à Paris, où Firmin Lambot est le premier à ramener le tout nouveau maillot jaune en vainqueur.