Arrêt de la 19e étape du Tour: comment l’ont vécu les coureurs, les équipes et les spectateurs
Un orage de grêle et plusieurs éboulements ont contraint les organisateurs à arrêter la 19e étape au sommet de l’Iseran.
- Publié le 26-07-2019 à 22h55
- Mis à jour le 27-07-2019 à 08h02
Un orage de grêle et plusieurs éboulements ont contraint les organisateurs à arrêter la 19e étape au sommet de l’Iseran. Si on a coutume de dire que la montagne a le pouvoir de rendre humble, le Tour de France en a reçu une éclatante démonstration vendredi, sur la route de la 19e étape menant à Tignes.
Alors que le peloton des favoris s’attaquait aux pentes de l’Iseran, un terrible orage de grêle éclatait sur l’autre versant de la montagne, à proximité de Val-d’Isère.
Présent à l’échelon avant course, Jean-François Bourlart, le manager de la formation Wanty-Groupe Gobert, a vécu la scène aux premières loges. "Nous avions une trentaine de kilomètres d’avance sur les hommes de tête", explique le boss de l’équipe wallonne. "Lorsque nous sommes arrivés au bas de la descente de l’Iseran, les éléments se sont littéralement déchaînés. Je n’avais encore jamais vu cela de ma vie. En trois à quatre minutes, une couche d’une quinzaine de centimètres de grêlons de la taille de balles de ping-pong s’est accumulée sur la route ! On les entendait craquer sous les pneus de la voiture à notre passage. Nous avons toutefois décidé de poursuivre notre route en nous disant que cela irait sans doute mieux un peu plus loin, mais un policier a tout à coup surgi devant notre voiture quelques kilomètres plus loin pour nous faire signe de nous arrêter. Une coulée de boue avait provoqué un éboulement qui empêchait totalement le passage sur l’itinéraire de la course. Nous sommes descendus de nos voitures pour aller constater le problème de visu, mais quelques instants plus tard, nous avons entendu un bruit sourd émaner de la montagne avant d’apercevoir vers les sommets de nouvelles pierres dévaler sur les pentes. Nous avons alors regagné nos véhicules au pas de course pour rebrousser chemin et revenir vers Val-d’Isère…"
Informée des conditions météorologiques qui sévissaient de l’autre côté de l’Iseran grâce aux différents éclaireurs et patrouilleurs de l’organisation qui précèdent le passage du peloton, la direction de course pris alors très rapidement la décision d’arrêter l’étape au sommet du col de l’Iseran.
"C’est en concertation avec Thierry Gouvenou (le directeur de course) et le président du jury des commissaires que nous avons posé ce choix, expliquait Christian Prudhomme. Il n’y avait aucune autre décision possible. Elle a été communiquée à tous les directeurs sportifs par le canal d’information officiel de la course, Radio Tour, mais il n’a pas été facile de faire passer le message à des coureurs en lutte pour la victoire finale dans le Tour de France… Il faut dire qu’à l’endroit où ils évoluaient à cet instant, il ne pleuvait pas. Il leur était donc difficile d’imaginer ce qui se passait quelques kilomètres plus loin. Nous avons tenté de déblayer la route mais une opération de ce type nécessite une intervention de deux à trois heures. Quand les éléments se déchaînent de la sorte, on est impuissant. La nature est plus forte que tout ! Les commissaires ont donc relevé les temps manuellement, à l’ancienne, au sommet de l’Iseran. Nous ne pouvions pas imaginer que la vérité sportive du toit de ce Tour puisse être balayée après la bataille entre favoris à laquelle nous avions assisté."
Les hommes de tête, ainsi qu’une bonne partie du peloton, montèrent donc dans les voitures des équipes à hauteur de Val-d’Isère où ils durent patienter un moment avant de pouvoir reprendre la route en direction de Tignes où était logée la plus grande partie des formations. "J’ai déchargé les invités que j’avais avec moi dans la voiture après que nous soyons remontés à cette hauteur afin de pouvoir emmener nos coureurs à l’hôtel, souriait Jean-François Bourlart. Ils ont été compréhensifs. Notre deuxième voiture VIP en a fait de même si bien que nos athlètes étaient les premiers à l’hôtel…"
Monfort : "Un moment de flou"
La décision des organisateurs n’a pas tout de suite été claire à tous les étages de la course.
Si c’est Christian Prudhomme en personne qui est venu confirmer à Egan Bernal et Simon Yates, dans la descente de l’Iseran, que la 19e étape avait bien été arrêtée au sommet du toit de ce Tour, la communication de la décision n’a pas été aussi claire à tous les étages de la course.
Présent dans le gruppetto, Maxime Monfort eut ainsi d’abord vent de certains bruits.
"Une rumeur de neutralisaiton a commencé à circuler dans notre groupe, mais notre directeur sportif n’était pas véritablement au courant", commentait le coureur de chez Soudal-Lotto. "Un peu plus loin, tout le monde a ensuite su que l’étape était, à tout le moins, neutralisée et même potentiellement annulée. On nous a alors fait savoir que nous pouvions nous arrêter au sommet pour enfiler une veste afin d’attaquer la descente bien au chaud. Trois kilomètres avant d’arriver tout en haut de l’Iseran, nous avons finalement appris que l’étape était arrêtée. Il y eut donc un moment de flou avant que nous ne recevions l’information définitive. Cela n’a pas véritablement d’impact pour les coureurs évoluant à mon échelon de la course, mais il n’en va pas de même pour des gars qui bataillent pour un classement général. La décision posée par ASO était la bonne, mais elle n’a pas été claire immédiatement selon moi."
Contrairement aux hommes de tête déjà lancés dans la descente au moment où ils prirent pleinement conscience de ce qu’il se passait, Maxime Monfort put monter dans un véhicule de son équipe au sommet de l’Iseran.
"L’équipe avait positionné deux voitures ainsi qu’un van à cet endroit et nous avons embarqué à leur bord une fois que nous avons eu la confirmation définitive que nous ne devions pas rejoindre Val d’Isère à vélo. Ce n’est qu’une fois sur le chemin de l’hôtel que nous avons pu regarder les images sur un téléphone portable et que nous avons pu comprendre tous les tenants et aboutissants de la décision. Il faut dire qu’il faisait sec à l’endroit où nous sommes montés dans les voitures."
Des spectateurs frustrés: “On avait pris cinq jours de vacances à Tignes pour venir voir passer le Tour…”
Les miliers de spectateurs placés dans la montée finale de Tignes, depuis parfois plusieurs jours, sont, forcément, repartis quelque peu frustrés. Postés à une centaine de mètres de la ligne d’arrivée, Patricia, Bruno et leurs deux enfants avaient programmé leurs vacances dans la station des Alpes pour l’occasion. “Quand le tracé du Tour a été dévoilé, nous nous sommes dit que ce serait sympa de voir passer le Tour en montagne”, commentait Bruno, le papa de cette famille originaire du Nord.
“Nous avons donc réservé un appartement pour cinq jours à Tignes dans la perspective de cette 19e étape, en nous disant qu’on assisterait peut-être au tournant du Tour. C’est plutôt loupé… Les images se passent de commentaires, la décision posée par les organisateurs était la seule envisageable, mais cela n’en demeure pas moins frustrant. Nous sommes arrivés mercredi et repartons dimanche. On se console un peu en se disant qu’on a goûté à l’ambiance du Tour en voyant passer la caravane (rires)... On va maintenant essayer d’apercevoir quelques coureurs stars à proximité des hôtels, qu’ils quitteront ce samedi matin.”