Arnaud Démare et la rage de vaincre
- Publié le 26-07-2018 à 22h39
- Mis à jour le 26-07-2018 à 22h40
Le Français, ballotté, chahuté depuis le début du Tour, a répondu en s’imposant à Pau En franchissant en vainqueur la ligne d’arrivée tracée sur la rue du Maquis Le Béarn qui jouxte la place de Verdun, à Pau, Arnaud Démare a poussé un cri qui en disait long sur la rage qui trouvait ainsi un exutoire.
Le Français ponctuait victorieusement une étape durant laquelle tous ses équipiers s’étaient mis à la planche à son profit. "J’en ai gagné de plus belles, mais celle-ci fait vraiment plaisir et elle est importante", explique le coureur picard, peu heureux jusqu’ici sur le Tour (il avait obtenu deux 3es places, une 4e et une 5e), à la peine dans les montagnes et dont, surtout, la probité avait été mise en cause (voir par ailleurs).
"Ça valait le coup de souffrir, c’est le genre de victoire que je n’aurais sans doute pas obtenu il y a un an ou deux." L’an dernier, justement, après avoir gagné à Vittel, le 4e jour, l’ancien champion de France était arrivé hors délais lors de la 9e étape, la première de haute montagne. "Je sais que je ne suis pas le meilleur en montagne", sourit Arnaud Démare. "Avec l’équipe, on a mis l’accent dessus, j’ai travaillé dans les Alpes, j’ai monté deux fois Les Glières, la Colombière, la Croix de Fer… la préparation a payé. C’est une récompense encore plus belle, obtenue en troisième semaine. Je savais, dès que le parcours a été connu, que ce serait un Tour dur, avec un tracé difficile, des enchaînements montagneux pas faciles. Je savais que ce serait chaud pour moi dans les cols pour rentrer dans les délais."
Le coureur de Groupama-FDJ, l’équipe de Marc Madiot avec laquelle il a prolongé de deux ans cette semaine, affirme avoir fait preuve de caractère dans les montagnes ces derniers jours. "Je pensais à cette possible victoire, ici à Pau, dimanche aux Champs (Élysées) dans les moments difficiles, je m’accrochais pour cela, même si on n’est jamais sûr qu’il y aura un sprint", dit-il. "C’est pour cela que j’ai franchi la montagne, là où beaucoup de sprinters ont mis pied à terre. Je suis fort dans la tête, tant que je suis dans les délais, je ne mets pas pied à terre. Je suis venu au Tour pour cela, pour ce succès. C’est pour ce moment, que je me donne tant de peine, c’est une super-récompense. J’ai tellement travaillé pour cela." Démare a tenu aussi à dédier son succès à son entourage. "C’est pour l’équipe qui a cru en moi, ma famille, ma femme, les gens qui m’ont soutenu", poursuit-il. "J’ai été très supporté en montagne. Le public criait : Arnaud, les Champs, ne lâche pas. Dans ces moments de souffrance, on pense à tout, à rien. Ce n’est pas facile, on pense à la victoire qui peut sourire le lendemain et aujourd’hui encore, durant l’étape, j’ai pensé à cela, à lever les bras, à ne pas décevoir tous ceux qui me soutiennent."
Dimanche, le Français obtiendra une nouvelle possibilité, sur les Champs-Élysées. "Mais d’abord, il y a demain (l’étape de ce vendredi)", assure le vainqueur du jour. "Il faut gérer ce succès, l’euphorie, passer une bonne nuit, bien récupérer et souffrir à nouveau. Ce sera le dernier moment difficile, je vais me battre. Ça va vous surprendre, mais j’ai de bonnes jambes. Sinon, je serais à la maison."
Madiot : "Greipel a donné un coup de main"
Le manager souligne l’esprit qui animait son équipe touchée par les accusations
On l’imagine, Marc Madiot était ce jeudi un manager particulièrement heureux, à Pau. Le Mayennais avait pourtant la victoire modeste, moins exubérante que ce fut parfois le cas par le passé. "Je suis évidemment pleinement heureux", expliqua pourtant le patron de Groupama-FDJ. "C’est un succès qui ne me surprend qu’à moitié. Dans le bus, j’avais senti qu’il y avait de la hargne, de la rage. Toute l’équipe a assuré grave, même le petit Gaudu. Les huit coureurs et le staff ont gagné ensemble. Ludvingsson a effectué un énorme travail, un boulot d’exception. Il a tenu la maison pendant 150 kilomètres."
Le double vainqueur de Paris-Roubaix s’enflamme, son œil pétille. "Les gars avaient le sens du maillot, du sacrifice, du collectif", dit Madiot. "C’est une belle récompense. Dans la montagne, c’était compliqué, mais on n’a jamais rien lâché, tous les gars ont continué à y croire autour d’Arnaud. Ce succès, c’est un peu une délivrance mais surtout la concrétisation du travail effectué depuis des années. Nous sommes capables de nous rassembler autour d’un homme quand il le faut, on l’a fait au championnat de France, autour de Roux, ici autour d’Arnaud. On le fera plus tard à la Vuelta , autour de Pinot. Cette saison, on a gagné vingt courses avec onze ou douze coureurs différents."
Le manager de la formation française a aussi évoqué les accusations émises par André Greipel et expliqué l’effet qu’elles avaient eues sur son groupe et son sprinter. "Il n’a pas collaboré directement à la victoire, mais il a donné un coup de main", a terminé Marc Madiot.
A propos de Greipel: "Ces doutes m’ont blessé"
Sans le vouloir sans doute, André Greipel, qui l’avait mis en cause la veille sur Twitter en le soupçonnant d’avoir été aidé dans la dernière montée, a certainement motivé Arnaud Démare. L’Allemand avait beau s’être rétracté et excusé en début de matinée, ses attaques ont laissé des traces. "Cela m’a touché énormément et blessé, surtout venant de quelqu’un que j’appréciais", a répété Démare, victorieux pour la troisième fois cette saison après des étapes de Paris-Nice et du Tour de Suisse. "Je regrette qu’on puisse remettre en cause mes performances, j’ai travaillé dur pour en arriver là. Je me bats pour rentrer dans les délais, cette victoire, c’est la meilleure réponse que je peux lui apporter." Le coureur de Groupama-FDJ doit composer avec une réputation écornée depuis que sa victoire à Milan-Sanremo avait été mise en doute par un ou deux coureurs affirmant l’avoir vu remonter la Cipressa accroché à la voiture de son équipe après un incident mécanique. "On ne peut jamais satisfaire tout le monde, il y a toujours de la jalousie", affirme-t-il. "Il y a toujours des doutes quand on gagne, quand on se bat. À Milan-Sanremo, il y avait des commissaires, des arbitres, si j’avais commis une faute, j’aurais été sanctionné. Comme ici, au Tour. Il y a également énormément de caméras, des commissaires. Dans l’étape de Bagnères-de-Luchon, la voiture de Bora s’est arrêtée et elle m’a suivi pendant quarante kilomètres, ils ont vu que je ne lâchais rien."