Alaphilippe stop ou encore ? Dix raisons pour lesquelles il pourrait gagner le Tour... ou pas!
Il ne reste que six étapes pour arriver à Paris. Le Français conservera-il son maillot jaune ou non ? Voici les raisons qui font pencher la balance dans un sens ou l’autre.
- Publié le 23-07-2019 à 06h41
- Mis à jour le 23-07-2019 à 08h36
Il ne reste que six étapes pour arriver à Paris. Le Français conservera-il son maillot jaune ou non ? Voici les raisons qui font pencher la balance dans un sens ou l’autre.
Julian Alaphilippe va-t-il gagner le Tour ? Jusqu’où peut-il tenir ? Quand va-t-il craquer ? Au fur et à mesure que le nombre d’étapes diminue et que l’on se rapproche de Paris, les questions se font plus nombreuses mais les réponses restent difficiles à donner, ou contradictoires. À chacun de se faire son opinion dans un Tour qui se révèle le plus passionnant depuis de très nombreuses années. En grande partie grâce au coureur français de Deceuninck-Quick Step.
Pourquoi il peut gagner
Pas qu’un puncheur Julian Alaphilippe est le meilleur coureur du monde. Son incontestable talent, son tempérament d’attaquant et son panache peuvent le conduire à faire tout sauter. Ça passera ou ça craquera. Considérer qu’il n’est qu’un puncheur et qu’il n’est pas un grimpeur est une erreur. Certes, ce n’est pas le pur montagnard, mais son rapport taille (1m73) - poids (62 kg), le place dans la fourchette de ses rivaux, Geraint Thomas (1m80, 70 kg), Steven Kruijswijk (1m78, 66 kg), Thibaut Pinot (1m80, 63kg), Egan Bernal (1m74, 60kg) et Emanuel Buchmann (1m81, 62kg), de loin le plus élancé de tous. Il a d’ailleurs pu grimper les cols pyrénéens avec les meilleurs. N’oublions pas qu’Alaphilippe a remporté l’an dernier le maillot à pois, en se glissant dans des échappées, c’est vrai, mais en passant en tête de nombreux grands cols, trois hors catégorie (Plateau des Glières, Montée de Bisanne, col de la Madeleine) et six de 1re catégorie (col de Romme, de la Colombière, de Menté, de Val Louron-Azet, d’Aspin et du Tourmalet).
Un tempérament offensif Son équipe est la meilleure en matière de stratégie et le tempérament offensif du Français peut lui bénéficier. Il reste six étapes et 969 kilomètres pour en finir aux Champs-Élysées. Même si trois étapes ultra-difficiles l’attendent dans les Alpes, le vainqueur de Milan-Sanremo peut mettre à profit les deux prochaines journées de course pour déstabiliser ses adversaires ou certains d’entre eux. Ce mardi, autour de Nîmes, les Deceuninck-Quick Step seraient bien inspirés de tenter quelque chose, comme ils l’avaient fait vers Albi, il y a une semaine. Ils aideraient ainsi Elia Viviani, candidat au sprint attendu dans la cité des Crocodiles, mais aussi et surtout le maillot jaune. Le parcours s’y prête car il changera plusieurs fois de direction. Le vent (on attend quand même entre 15 et 20 km/h dans la deuxième partie de l’étape) va souffler souvent de côté, ce qui est propice à la formation de bordures, et de face dans la finale.
Toujours en jaune Il est toujours en jaune après la traversée des Pyrénées. "Pour moi, Julian n’a pas encore perdu", assure Laurent Jalabert, consultant pour France Télévisions et RTL. "Il a eu un coup de mou dimanche, mais au sortir des Pyrénées, il a augmenté son avantage sur son dauphin." De fait, après les étapes de Pau, du Tourmalet et de Foix-Prat d’Albis, l’avantage d’Alaphilippe sur Geraint Thomas, son dauphin, est passé de 1:12 à 1:35
Le maillot qui transcende Le Français reconnaît que le maillot jaune transcende. Il va le porter ce mardi pour la onzième fois. Alaphilippe va lutter jusqu’à sa dernière force pour tenter de le conserver. Plus ce sera le cas, plus il va prendre confiance et instiller le doute chez ses adversaires. Chouchou des Français, le coureur de Deceuninck-Quick Step devrait être aussi littéralement porté par le public dans les cols où l’on doit s’attendre à une foule jamais vue ces dernières années avec la perspective de voir un coureur hexagonal (Alaphilippe ou Thibaut Pinot) prendre la succession de Bernard Hinault, 34 ans après la dernière victoire d’un Français.
Beaucoup de poursuivants Aucun de ses adversaires ne domine vraiment. Parmi les cinq principaux concurrents qui le suivent au classement, aucun ne sort réellement du lot, si l’on excepte Pinot en montagne, mais le Franc-Comtois n’aime pas la chaleur et s’est fait déjà piéger une fois sur le plat. Tous ont connu de bons et de moins bons moments. Le fait que ces cinq hommes se tiennent également en à peine 39 secondes peut bénéficier au Français. Chacun de ses adversaires va surtout veiller à ne pas se faire surprendre par les autres et que son travail ne bénéficie à un autre.
Pourquoi il ne gagnera pas
Un parcours trop dur
Le reste du parcours est trop dur pour lui. Pour le n°1 mondial, il y a trois épouvantails qui se dressent sur sa route. Jeudi, la première des trois étapes dans les Alpes est la plus dure. Sur 208 km, elle visite trois des cols les plus légendaires, Vars (2 109 m), Izoard et Galibier (2 642 m). Trois sommets qui culminent à plus de 2 000 mètres d’altitude. Avec la belle descente qui plonge vers Valloire sur dix-huit kilomètres (à 6,9 %) après le Galibier, Alaphilippe pourrait, comme Merckx en 1972, rétablir une situation compromise dans la montée. Vendredi, l’étape est courte mais dense. Les coureurs franchiront le toit du Tour 2019, l’Iseran, plus haut col routier de France (2 770 m), escaladé pour la 2e fois seulement par son versant le plus dur. La course finira dans la station de Tignes (2 089 m) pour la 4e des cinq arrivées en altitude, la deuxième à plus de 2 000 mètres. Enfin, samedi, entre Albertville et Val Thorens, l’ultime étape de montagne, courue sur 130 km seulement, offre un dénivelé de 4 450 mètres ! Après l’ascension du Cormet de Roselend (seulement 1 968 m !), dans la finale, cela monte sur trente-trois kilomètres pour rejoindre Val Thorens (2 365 m).
Peu de monde pour l’épauler en montagne
Le coureur français n’a pas autour de lui une équipe constituée pour défendre un maillot jaune, surtout dans la dernière partie du Tour. La formation Deceuninck-Quick Step venait sur la Grande Boucle pour gagner des étapes, notamment au sprint avec Viviani. Pour l’épauler en montagne, Alapahilippe n’aura que le seul Dries Devenyns et, s’il s’est rétabli de sa terrible défaillance de dimanche, Enric Mas.
Une position totalement inattendue
Julian Alaphilippe n’est pas préparé à ce qui lui arrive. Même s’il a effectué un stage en altitude et qu’il a reconnu de nombreuses étapes, le coureur de Montluçon, qui vit désormais en Andorre, se trouve dans une position totalement inattendue. À laquelle il n’était préparé ni mentalement ni physiquement. Ses deux premières participations au Tour se sont soldées par une 41e place en 2016 et une 33e l’an passé. C’est la première fois qu’il lutte pour un classement, et a fortiori pour la victoire, dans un grand Tour.
Un avantage pas suffisant
Son avantage n’est pas suffisant. "J’ai 1:35 d’avance, c’est beaucoup, car c’est mieux d’être en tête qu’en poursuite", dit-il, "mais c’est aussi très peu quand on sait tout ce qui arrive." En montagne, Thibaut Pinot et d’autres sont plus forts que lui. On l’a vu ce dernier week-end, Julian Alaphilippe est un peu moins costaud que plusieurs de ses adversaires et ceux-ci, sauf peut-être Buchmann, disposent aussi d’une équipe supérieure à la sienne, ce qui va leur permettre de tenter des coups tactiques. Il pourrait aussi faire les frais de grandes manœuvres que l’équipe Movistar risque de tenter, elle qui n’a quasi plus rien à perdre mais possède un effectif très solide en largeur avec un Mikel Landa qui peut, dès jeudi, se replacer dans le jeu.
Il va lâcher physiquement
Il va finir par craquer physiquement. "Je suis crâmé", avouait Alaphilippe dimanche soir. Sa saison a été longue puisque le Français a couru le Tour de San Juan en janvier et a enchaîné ensuite les rendez-vous, brillant dans les classiques (victoires aux Strade Bianche, Milan-Sanremo et à la Flèche wallonne). Il en sera d’ailleurs à son 53e jour de course ce mardi pour seulement 40 à Thomas, 41 à Kruijswijk, 51 à Pinot, 48 à Bernal et 45 à Buchmann. "Même une pile Duracell finit par se vider un jour…", disait Patrick Lefevere ce week-end à propos de son coureur dont il espère pourtant qu’il tiendra jusqu’à Paris…