A la découverte du Col du Portet, le nouveau monstre du Tour
- Publié le 25-07-2018 à 07h57
- Mis à jour le 25-07-2018 à 11h46
La nouvelle ascension pyrénéenne présente un profil terrifiant. En s’élançant dans les premières rampes du Col du Portet, qui sera escaladé pour la toute première fois de l’histoire du Tour ce mercredi, les coureurs du Tour de France ne vont pas s’avancer dans l’inconnue. Les sept premiers kilomètres de l’ascension sont en effet communs avec la montée du Pla d’Adet. La station de sport d’hiver des Hautes-Pyrénées a déjà accueilli le Tour de France dix fois, entre 1976 (victoire de Raymond Poulidor) et 2014 (victoire de Rafal Majka).
La plupart des coureurs de l’édition 2018 de la Grande Boucle connaissent donc déjà les premières rampes de cette nouvelle ascension. Et ils savent qu’ils vont y souffrir, puisque la montée du Col du Portet propose trois kilomètres à plus de 10 % de moyenne entre le kilomètre un et le kilomètre quatre.
La partie de l’ascension commune avec la montée du Pla d’Adet est d’ailleurs assez terrifiante puisque les coureurs vont devoir affronter sept kilomètres à 9,5 % de moyenne depuis le pied situé à Vignec.
Le village d’Espiaube, où se trouve la bifurcation entre les routes du Pla d’Adet et du Col du Portet, va offrir un court répit aux concurrents du Tour de France avec une partie plate et même une très courte descente. Mais les favoris en dette d’oxygène ne vont pas avoir le temps de reprendre leur souffle avant que la route se cabre de nouveau.
Lors des sept derniers kilomètres, la pente oscille continuellement entre 8 et 9 %, dans un décor d’alpage propice aux belles images télévisées. La régularité de la déclivité dans cette deuxième partie pourrait être un avantage pour les coureurs, à l’instar de Tom Dumoulin, qui ne procèdent pas par à-coups. À condition que ceux-ci aient bien digéré la monstrueuse première moitié et qu’ils supportent le passage au-delà des 2.000 mètres d’altitude (à un peu plus de deux kilomètres de l’arrivée).
En cas d’arrivée groupée, la rampe finale, avec une pente nettement supérieure à 10 %, devrait départager les derniers prétendants à la victoire.
Avec 16 kilomètres à 8,7 % de moyenne, le Col du Portet présente un profil qui fait déjà de lui le col le plus exigeant des Pyrénées. Bien plus difficile que le Col du Tourmalet, qu’il surplombe de 100 mètres. Cette ascension, qualifiée de "sacré chantier" par les coureurs locaux, a tout pour devenir un mythe à très court terme. À l’instar du Mont Ventoux, auquel le Portet ressemble, de par sa dureté mais également de par l’absence totale d’ombre constatée sur ses pentes. Une donnée qui pourrait avoir son importance lors de ce premier passage du Tour de France.
Une ascension déjà mythique
Il y a plus de 50 ans, le col du Portet est déjà rentré dans la légende du sport
Le domaine skiable de Saint-Lary Soulan, composé de plus de 100 kilomètres de pistes desservies par une trentaine de remontées mécaniques, s’étend jusqu’au col du Portet. Le passage, chaque hiver, des dameuses avait d’ailleurs tendance à abîmer encore plus la route menant au sommet.
C’est justement le ski alpin qui a permis au col du Portet, il y a plus de 50 ans, de rentrer une première fois dans la légende du sport. L’hiver 1967 a en effet été marqué par un manque cruel de neige dans les massifs montagneux européens et en particulier dans les Alpes. À l’initiative de Vincent Mir, maire de Saint-Lary à l’époque, l’équipe de France de ski alpin s’était exceptionnellement délocalisée dans les Pyrénées afin de pouvoir s’entraîner sur les pentes du col du Portet avant les Jeux Olympiques de Grenoble.
Et c’est en partie grâce à cette avance prise sur la concurrence que les Français ont réalisé une véritable razzia en 1968. Jean-Claude Killy a ainsi pu réussir le Grand Chelem avec trois médailles d’or en Slalom Géant, Descente et Slalom à Grenoble. Alors qu’Isabelle Mir, fille du maire Vincent Mir, a empoché la médaille d’argent en descente.
Originalité : un départ façon F1
Au regard du format extrêmement court de cette étape (65 kilomètres), les organisateurs ont décidé d’innover pour la procédure de départ. Les coureurs seront en effet répartis dans cinq sas différents, en fonction de leur position au classement général. Le maillot jaune et ses 19 poursuivants occuperont le premier de ceux-ci et se placeront, en quinconce, sur l’une des marques au sol à la manière d’une grille de départ de Formule 1, Geraint Thomas occupant la pole position. Pour lâcher la meute, des feux rouges apparaîtront sur un écran géant et s’éteindront au moment du baisser de drapeau. Cette étape nécessitera une approche particulière et toutes les équipes ont programmé un protocole d’échauffement similaire à celui précédant un contre-la-montre avec une montée en température sur les rouleaux. Aso a d’ailleurs prévu une zone spécialement dédiée a proximité immédiate du kilomètre zéro. "L’effort sera intense d’entrée, et il faudra que les coureurs y soient préparés, " commente Tom Steels, le directeur sportif de l’équipe Quick Step.
"Comme un chrono d'un peu plus de deux heures"
Avec seulement 65 kilomètres, cette 17e étape devrait être un feu d’artifice
Si la montée du col de Portet constitue une première sur le Tour de France, le nouveau géant des Pyrénées ne constituera pas l’unique singularité de cette 17 e étape. 65 kilomètres seulement relieront en effet Bagnères-de-Luchon au sommet du Portet, ce qui fera de cette journée la plus courte étape en ligne de la Grande Boucle depuis 80 ans.
"Le kilométrage est un clin d’œil correspondant au numéro du département des Hautes-Pyrénées, sourit Thierry Gouvenou, le grand architecte du tracé chez ASO. Sur les 65 kilomètres, 43 sont en montée dont 16 bornes à plus de 8 %. Tout est donc réuni pour assister à un feu d’artifice et à un grand spectacle. Il sera intéressant de voir pour quelles stratégies opteront les différentes équipes de favoris."
L’ancien vainqueur de Paris-Roubaix amateurs se frotte également les mains à l’évocation de ce que certains appellent déjà le nouveau géant du Tour.
"Le col de Portet va s’inscrire dans la légende de la course. Chez ASO, nous disposons d’une grille d’évaluation visant à déterminer le degré de difficulté des différents cols et côtes. Et selon celle-ci, le Portet est ce qui se fait de plus difficile en France après le mont Ventoux par Bédoin ! C’est assez excitant de parvenir à proposer de nouvelles choses dans une épreuve plus que centenaire. Avec ses 2.215 m, cette difficulté constituera, de surcroît, le toit de ce Tour. Tout un symbole !"
Un asphaltage 48 h chrono
Le 2 juillet dernier, les huit derniers kilomètres du col de Portet, à partir d’Espiaube, ressemblaient encore à un sentier. La forte présence de gravillons incitait presque à utiliser un vélo gravel pour se hisser au sommet de ce nouveau géant pyrénéen. Mais en 48 h chrono, les 3 et 4 juillet, les équipes de travaux publics ont goudronné entièrement la deuxième moitié de l’ascension afin qu’elle puisse accueillir comme il se doit le Tour de France. Cet exploit a permis à des centaines de cyclotouristes d’inaugurer la nouvelle version du col de Portet le 8 juillet. Chris Froome, qui avait repéré la montée le 15 juin, devrait donc être surpris par la qualité du nouveau revêtement. Le leader de la Sky pourrait même être déçu puisqu’il a prouvé, en s’envolant dans le col du Finestre lors du dernier Tour d’Italie, qu’il aimait les montées hors des sentiers battus.