Sur la tombe de Vandenbroucke: Un mythe impérissable
Dix ans après sa disparition, VDB est idolâtré comme au temps de sa splendeur.
- Publié le 12-10-2019 à 07h10
- Mis à jour le 12-10-2019 à 20h18
Dix ans après sa disparition, VDB est idolâtré comme au temps de sa splendeur. La dernière demeure de Frank Vandenbroucke, au cimetière de Ploegsteert, est un lieu de pèlerinage. Les nombreux bidons qui ornent la tombe du vainqueur de Liège-Bastogne-Liège 1999 ne sont d’ailleurs pas sans rappeler ceux qui fleurissent la stèle Tom Simpson, autre lieu de culte cycliste, cramponné sur les flancs du mont Ventoux. La roue carbone portant les inscriptions "VDB For Ever" , placée à l’avant du caveau, a bien vécu. Et le mythe entourant l’enfant terrible du cyclisme belge semble inaltérable. "Ce que je remarque, c’est que c’est un personnage hors du commun. Au risque de m’exprimer un peu trop fort, je pense qu’il devient mythique. À Ploegsteert, le cimetière ne désemplit pas et ce sont des groupes entiers qui viennent le voir. Certains disparus sont vite effacés des mémoires mais j’ai la sensation que lui ne sera jamais oublié", analyse Jean-Jacques, le père du champion disparu. "Il y a beaucoup d’émotion à l’approche du dixième anniversaire de sa disparition car on a l’impression que c’est arrivé hier. Mais c’est une fierté de voir que toute la Belgique est encore derrière Frank. Il reste ancré dans la tête des gens", souligne Chantal, la mère du coureur ploegsteertois.
Le Café de la Grand-Place de Ploegsteert, qui fut autrefois le quartier général des supporters et de la famille du champion, bénéficie toujours de l’incomparable aura de Frank Vandenbroucke. "J’ai repris l’établissement il y a un peu plus d’un an. Je n’ai malheureusement pas pu conserver le nom originel d’Hostellerie de la Place. Mais je reçois de nombreux cyclistes tout au long de l’année, encore plus depuis le documentaire diffusé cette année à la télévision flamande. Les fans viennent et se photographient devant son maillot de champion de Belgique (NdlR : VDB remporta le National 1992 chez les juniors)", explique Anne-Sophie, la gérante de l’établissement.
Le culte que vouent toujours les supporters de Frank Vandenbroucke à leur idole, et qui est encore palpable dans le centre-ville de Ploegsteert, n’est finalement pas si irrationnel. Car le lauréat de Liège-Bastogne-Liège 1999 a accédé au rang de mythe de son vivant. "Frank était très charismatique. Même durant sa carrière, il a toujours attiré les foules. Et sa disparition tragique, assez jeune, n’a rien enlevé à sa popularité", avance Jean-Michel Clatot, secrétaire des supporters de VDB et ami du champion. Frank Vandenbroucke est aussi le symbole d’une certaine idée du cyclisme, aujourd’hui disparue. "Son annonce avant la Doyenne lorsqu’il a déclaré où il allait dé marrer, c’est resté dans les annales. Il l’a dit et il l’a fait. Je ne crois pas que quelqu’un oserait faire cela aujourd’hui", témoignent en chœur Jean-Jacques et Chantal, les parents de Frank. Des paroles qui font écho à celles prononcées par Cameron Vandenbroucke. "Il était sûr de lui quand il a dit qu’il allait attaquer dans la côte de Saint-Nicolas. C’est comme lorsqu’il a promis de gagner pour Sarah à la Vuelta. Et il l’a fait deux fois. Il n’aurait jamais laissé quelqu’un d’autre gagner. Mais il était au-dessus du lot et même avec un incident mécanique, il aurait triomphé", indiquait la fille du champion disparu, au printemps dernier. Cette façon de courir et de se comporter a marqué l’imaginaire collectif au point de faire de Frank Vandenbroucke une légende. Et de celles qui ne meurent jamais.
L'année VDB
De nombreuses commémorations ont eu lieu en l’honneur du champion disparu.
2019, c’est l’année Frank VDB. C’est un anniversaire heureux avec les vingt ans de sa victoire dans Liège-Bastogne-Liège et malheureux avec les dix ans de sa disparition.” Cette analyse de Jean-Michel Clatot résume bien l’actuel état d’esprit des supporters de Frank Vandenbroucke, décédé le 12 octobre 2009 au Sénégal. L’ami du champion organise avec les autres supporters du coureur ploegsteertois le mémorial VDB For Ever, tous les troisièmes dimanches du mois de juin. Et en cette année 2019 si particulière, la randonnée cyclotouriste a réussi a attiré la bagatelle de 1 300 participants. Une autre balade cycliste a lieu, ce samedi, sur les terres de VDB.
Le monde professionnel rend également hommage au vainqueur de Liège-Bastogne-Liège. Depuis son retour au calendrier, Binche-Chimay-Binche a pris le nom de Mémorial Frank Vandenbroucke à l’initiative de son oncle Jean-Luc. Mardi dernier, les parents du champion disparu ont ainsi été mis à l’honneur à l’occasion de l’épreuve wallonne remportée par le coureur ploegsteertois en 1996. “Binche organise toujours quelque chose de magnifique en l’honneur de Frank”, s’est d’ailleurs réjouie la mère de VDB en marge de la 32e édition de Binche-Chimay-Binche, enlevée par Tom Van Asbroeck.
Ce vendredi, Stijn Vanderhaeghe a présenté son livre VDB Forever au musée Koers de Roulers, à l’occasion de l’ouverture d’une exposition consacrée au champion disparu et réunissant 34 artistes. Ce dimanche, une messe commémorative sera donnée en l’église de Ploegsteert en l’honneur du plus grand champion qu’a connu le village situé au carrefour du Hainaut, de la Flandre et de la France. La commune, qui fait partie de l’entité de Comines-Warneton, devait se doter cette année d’une stèle en l’honneur de Frank Vandenbroucke. Mais les travaux en cours sur la Grand-Place du village ont fortement retardé la mise en place de cet édifice. “On ne pensait pas, au moment de sa disparition, que dix ans après, il y aurait encore autant de manifestations en son honneur”, a indiqué la mère du champion à l’occasion de Binche-Chimay-Binche. Il est vrai que la Belgique n’a manifestement pas oublié son champion.
Un immense talent gâché
VDB n’a exprimé la plénitude de son potentiel qu’en début de carrière.
Frank Vandenbroucke est devenu une légende bien avant sa disparition tragique. Le champion belge a d’abord conquis le cœur des foules sur la route et grâce à une extraordinaire précocité. Vainqueur de sa première course professionnelle, à seulement dix-neuf ans à l’occasion du Tour Méditerranéen 1994, VDB n’a cessé de monter en puissance lors des cinq saisons suivantes, avec des succès de prestige sur Gand-Wevelgem et Paris-Nice. En 1999, le Ploegsteertois, au sommet de son art, s’était imposé avec la manière sur Liège-Bastogne-Liège avant de remporter, au panache, deux victoires d’étapes lors de la Vuelta.
Mais l’ascension fulgurante de l’enfant terrible du cyclisme belge s’est stoppée nette. Les affaires de dopage et les frasques en tout genre de Frank Vandenbroucke ont fini par avoir raison de son immense talent. Ses supporters avaient pourtant cru à un retour au sommet de VDB au moment où le Ploegsteertois avait terminé deuxième du Tour des Flandres 2003. Mais le compteur de victoires du champion belge est resté désespérément bloqué à l’année 1999, si l’on occulte, bien sûr, l’anecdotique succès aux Boucles de l’Artois, acquis en 2009, quelques mois avant sa tragique disparition au Sénégal.
À la manière d’une rockstar, Frank Vandenbroucke a donc brûlé la vie par les deux bouts, avant d’atteindre une postérité qui n’est pas promise au commun des mortels.