Serge Arsenault: "Le cyclisme doit se réinventer"
L’organisateur des GP de Québec et de Montréal juge qu’il est urgent de réorganiser la discipline.
- Publié le 08-09-2018 à 07h22
- Mis à jour le 08-09-2018 à 07h48
L’organisateur des GP de Québec et de Montréal juge qu’il est urgent de réorganiser la discipline.
Son regard pétillant et dynamique pourrait se fondre dans le bleu du ciel de Québec et les eaux du Saint-Laurent. Ancien journaliste et homme de télévision, Serge Arsenault (70 ans) porte depuis 2010 les Grands Prix de Québec et de Montréal. Deux épreuves devenues, depuis, très prisées des stars du peloton mondial. Dans la suite Churchill du Château Frontenac, là où furent établis les plans du grand débarquement de la Seconde Guerre mondiale, le Québecois nous a exposé sa vision du cyclisme qu’il présentera au président de l’UCI David Lappartient dimanche, lors du GP de Montréal.
"Les coureurs, notre priorité n°1"
"Depuis le lancement des deux Grands Prix, en 2010, nous avons toujours veillé à faire des coureurs notre priorité numéro un. C’est un cliché immuable, mais ce sont eux qui font la course et il me paraît totalement logique et légitime de leur offrir les meilleures conditions de travail. Nous affrétons un avion spécial depuis Paris et jusqu’à Québec pour leur éviter des correspondances dans les aéroports, nous les logeons dans des hôtels de standing et veillons également à ce qu’ils bénéficient de repas diététiquement adaptés. Pour que les athlètes puissent digérer au mieux le décalage horaire entre l’Europe et l’Amérique du Nord, nous les accueillons dès le mardi plutôt qu’à partir du mercredi par exemple. Cet ensemble de détails a un impact sur nos dépenses puisque les Grands Prix nous coûtent environ six fois plus cher qu’une classique européenne. Avec notre budget nous pourrions professionnaliser tous les monuments du Vieux Continent (rires)... Depuis 2010, j’ai investi 70 millions de dollars dans ce projet (NdlR : environ 45 millions d’euros)."
"Les organisateurs doivent cesser de protéger leur petit territoire"
"Lorsque nous avons lancé les Grands Prix de Québec et Montréal, j’avais l’espoir que les mentalités évoluent dans un sport qui n’est pas à sa place sur l’échiquier mondial. J’ai le sentiment que cette discipline avance à la vitesse d’un vélo quand d’autres ligues ou sports se déplacent au rythme d’une Formule un… L’âge des décideurs et leur perception des besoins du cyclisme sont sans doute en cause. Il y a de grands coupables, mais je parlerais plutôt d’un système, qui n’a pratiquement pas évolué depuis 1900, que de personnes en particulier. Les organisateurs doivent cesser de protéger leur petit territoire et agir comme des seigneurs qui défendent leur château. Il est déjà tard pour prendre conscience de ce problème car nous sommes au stade trois de la maladie. Les autres sports ne nous ont pas attendus pour penser de manière globale plutôt que territoriale. Il nous faut admettre que nous sommes engagés sur la mauvaise route. On regarde les autres organisateurs comme des rivaux quand ils devraient être perçus comme des collègues d’une même ligue. Les Belges doivent cesser de penser prioritairement à protéger les courses belges, les Français les épreuves hexagonales, etc. Il est quand même fou qu’il n’y ait aucun sponsor d’envergure internationale dans le cyclisme."
"Un nouveau circuit de seize classiques"
"À mes yeux, il ne devrait pas y avoir de plan de restructuration ou de vision d’avenir en incluant tout le monde, ce n’est tout simplement pas possible. Il faut considérer que l’univers des grands tours est un monde qui n’a rien à voir avec celui des classiques. Je voudrais que l’on réussisse à créer un circuit de seize épreuves d’un jour à travers le monde en collaboration avec les équipes, avec un vrai partage des revenus. Celui-ci s’étalerait de mars à début juin puis d’août à octobre. Nous éviterions un chevauchement avec les grands tours car cela fait du tort à tout le monde. Cela signifierait qu’il n’y aurait alors, par exemple, que deux événements de cette ligue en Belgique, puisqu’il faut garder de la place pour l’Amérique ou l’Asie, mais il est urgent que tout le monde prenne conscience que cette évolution est nécessaire. Le cyclisme doit se réinventer. J’ai encore confiance mais il faut qu’on accepte d’appliquer un remède connu de tous pour sortir de cette inertie. Quand le tennis ou le golf ont compris qu’il fallait s’unir, ils ont décuplé leurs revenus. On ne peut pas avoir qu’un seul roi..."
"Une diffusion mondiale"
"Il ne faut pas voir les droits de télévision à l’international comme la principale source de revenus. L’important est, pour attirer des partenaires de poids, de s’assurer une diffusion mondiale. Même si on offrait la diffusion à l’international, cela ne me gênerait pas. Il faudrait, en revanche, que chaque épreuve réserve environ 30 % de son espace publicitaire pour les sponsors des autres courses qui bénéficieraient ainsi d’une exposition sur plusieurs rendez-vous et à l’échelon mondial. Les six mois les plus importants en termes de publicités sont, précisément, ceux durant lesquels notre circuit de classiques se tiendrait. Sur le plan télévisuel, nous pourrions offrir une qualité de production constante et standard, en faisant travailler la même équipe toute l’année ou presque. La télémétrie nous offre des outils qu’il faut mieux exploiter. Pour mieux immerger les spectateurs dans l’événement, il faut proposer la diffusion des données cardiaques, de fréquence de pédalage, de puissance et les conversations radio en temps réel."