Nicolas Portal, directeur sportif de Sky: "Kwiato le mérite, mais chapeau à Egan"
Nicolas Portal a deux atouts pour que la Sky gagne une fois encore Paris-Nice.
- Publié le 15-03-2019 à 05h52
- Mis à jour le 15-03-2019 à 06h51
Nicolas Portal a deux atouts pour que la Sky gagne une fois encore Paris-Nice. La Promenade des Anglais est encore loin, c’est vrai, mais les Sky ont toutes les cartes en main pour qu’un de leurs coureurs enlève ce dimanche la 77 e édition de la Course au soleil.
Depuis Bradley Wiggins en 2012, les hommes de Brailsford ont gagné cinq des sept dernières éditions. Richie Porte (2013 et 2015), Geraint Thomas (2016) et Sergio Henao (2017) ont inscrit eux aussi leur nom au palmarès alors qu’ils évoluaient dans la formation britannique.
Cette fois, Michal Kwiatkowski semble le futur vainqueur désigné par la Sky, mais son dauphin n’est autre que son équipier Egan Bernal, auquel ses immenses qualités de grimpeur peuvent permettre de renverser la vapeur ce dernier week-end, même malgré lui.
"Pour nous, la situation est idéale" , explique Nicolas Portal, le directeur sportif de Sky. "Le plus dur pour nous, c’était de passer les trois premières étapes. Mercredi, c’était déjà plus traditionnel. Ce matin, on n’était premier et quatrième du général, maintenant nous sommes un et deux. "
Le Français reconnaît que la hiérarchie est établie.
"Il faut être honnête, Kwiato veut gagner et il le mérite" , dit Portal. "L’an passé, il a gagné Tirreno. Au Tour UAE, il ne parlait que de Paris-Nice. Egan est ici pour apprendre, mais le plus important, c’est que l’équipe gagne. On verra samedi comment sont leurs jambes. Il y a quinze kilomètres de montée, on est en mars, il fera froid, on sera au septième jour de course, ce sera un vrai test pour Kwiato… On va entourer les deux et si l’un des deux flanche, on aura toujours l’autre carte. "
Les hommes de Portal ont creusé de grands écarts.
"Luis Leon (Sanchez) est à 24 secondes" , dit-il. "Après, c’est quasi une minute ou plus. C’est bien, mais on doit rester concentrés. Sanchez, il faut toujours s’en méfier. C’est vrai, il n’est plus tout jeune (NdlR : 35 ans), mais il a un sacré palmarès, il marche très bien en ce début de saison et il a aussi une super équipe. On ne peut pas l’écarter. Derrière, il y a encore du danger. Les coureurs qui sont plus loin peuvent tenter de gagner l’étape, se replacer au général et se lancer dans une course débridée. Il faudra contrôler tout cela. Ce vendredi, j’aime autant qu’il y ait du vent car nous serons devant, occupés à contrôler et, quand il y a du vent, si on est derrière, c’est une horreur. Devant, on souffre un peu mais derrière, il faut frotter, ça fait l’élastique… "
Au-delà de Paris-Nice, Nicolas Portal ne peut que se féliciter de ce que Bernal démontre depuis dimanche dernier.
"Egan a surpris tout le monde, même son entraîneur" , dit-il. "Chapeau ! C’était un chrono de spécialistes, avec ce vent en plus. C’est très bon pour l’avenir. L’an passé, il avait été champion de Colombie du chrono, sur un parcours plat, mais ici, c’est quand même un tout autre niveau. Il a pris du volume après le Tour, il a pris de la caisse. Avec cette semaine, il va prendre confiance. Les premiers jours dans les éventails, plus le chrono qu’il a réalisé, c’est génial. Ils s’entendent à merveille. Kwiato prend du plaisir à apprendre à Egan et lui se régale à suivre, sans pression. En fait, on a un très bon grimpeur qui sait rouler et un très bon rouleur qui sait grimper."
Le plus dur reste à faire
Au terme du chrono, Michal Kwiatkowski n’a pas creusé les écarts qu’il espérait. Michal Kwiatkowski a conforté sa position de leader de Paris-Nice, repoussant un peu plus loin tous ses rivaux, même s’il n’a pas gagné le chrono, enlevé à la surprise générale par Simon Yates dans des circonstances météorologiques particulières.
Comme tous les coureurs partis en fin de journée, le Polonais a été gêné par un vent violent. Il termine l’étape à la troisième place, premier de tous les prétendants à la victoire finale, mais il s’attendait sans doute à creuser de plus grands écarts avec tous ses adversaires.
“Les écarts sont ce qu’ils sont”, reconnaît le leader de la Sky. “J’espérais surtout gagner l’étape, c’est vrai, mais le vent m’en a empêché. On a aussi pris du temps tous les jours et, en début de semaine, je n’espérais pas être en aussi bonne position après cinq étapes.”
Kwiatkowski se félicite également de voir que son dauphin est un coureur de son équipe.
“Nous sommes venus pour gagner Paris-Nice et on se retrouve dans une position rêvée, aux deux premières places”, dit l’ancien champion du monde qui devance son jeune équipier Bernal de quinze secondes. “C’est idéal, nous avons deux atouts. C’est plus facile à deux que d’être seul à défendre le maillot jaune.”
Le Polonais se refuse à penser qu’Egan Bernal puisse être un danger pour lui.
“Egan a réalisé un super chrono”, dit-il. “Il n’est pas un danger pour moi, ni un demi-danger. Je serais très heureux s’il gagnait Paris-Nice. En regardant le classement, on voit que Sanchez est le plus proche, il est en forme, c’est notre rival, mais il reste des étapes de montagne, et d’autres dangers, comme Quintana, Kelderman, Bardet, Jungels et beaucoup d’autres.”
Philippe Gilbert: “Je me suis découragé”
“J’ai été surpris”, avouait Philippe Gilbert, auteur d’un temps moyen. “Par rapport à la reco, le vent a complètement changé et même pendant l’étape, il venait une fois d’un côté, une fois de l’autre, puis de face… Il a aussi forci pendant l’après-midi, mais c’est typique à la région, c’est souvent le cas en fin de journée.” Gilbert n’a pas été aidé par son matériel. “Je n’ai jamais eu de renseignements car, sans raison, je n’avais pas de communication radio. Klaas (Lodewijk, le directeur sportif qui le suivait) a essayé de me renseigner avec le mégaphone, mais à cause du vent et du casque, je n’entendais rien. Je sentais bien que je n’étais pas occupé à réussir une grande performance, ça m’a découragé. En plus, le parcours ne me convenait pas, il était vraiment pour les spécialistes, pas du tout technique. Maintenant, Bob (Jungels) est 5e, il joue donc le général. Ce vendredi à Brignoles, l’étape devrait se finir au sprint, sauf s’il y a beaucoup de vent, alors ce sera nerveux et il pourrait y avoir des dégâts, même si c’est un peu plus protégé dans le Var.”
L.L. Sanchez, 3e du général: “On verra”
“J’ai fait de mon mieux, j’ai fait un bon chrono. Ce n’était pas facile avec un vent violent, souvent de face dans la première partie, mais c’était la même chose pour tout le monde. Me voilà troisième du classement général, mais toutes les étapes importantes doivent encore arriver. Comme chaque fois sur Paris-Nice, Je verrai jour après jour en espérant que cela me conduise le plus haut possible dimanche.”
Bob Jungels, 5e du général: “Dur”
“Si j’en crois mes données chiffrées, c’est un des meilleurs chronos que j’aie jamais faits. Le vent a joué un rôle très important, il soufflait dans d’autres directions que lors de la reco. On n’a pas du tout roulé dans les mêmes conditions que les gars partis en début d’après-midi. Les Sky dominent, ce sera dur de les attaquer. Si j’étais le meilleur grimpeur, je prendrais sans souci des risques, car ce sera la bagarre jusqu’à Nice.”
Simon Yates, Vainqueur: “Surpris”
“Je suis vraiment surpris, c’est le premier succès de toute ma carrière, même chez les jeunes, dans un chrono. Ça m’étonne d’autant plus que c’était un parcours pour spécialiste. Cela montre que je suis en bonne forme, malheureusement, j’ai perdu du temps et souffert lors des premières étapes dans le vent. Maintenant, je vise encore un autre succès dans une des deux dernières étapes.”
Bernal n’est qu’à 15 secondes de Kwiato
Peut-être ces 4 secondes feront-elles la différence ? Le système informatique chargé de calculer le classement général a en effet attribué, à tort, 10, 6 et 4 secondes de bonification aux trois premiers du chrono, alors que seules les étapes en ligne génèrent ce bonus. Michal Kwiatkowski, qui a fini 3 e à Barbentane, a donc hérité de 4 secondes qui ne lui furent enlevées que vers 18 heures lorsque l’erreur fut découverte. Quatre secondes, c’est l’écart qui séparait l’an passé le premier du deuxième, mais aussi en 2016. Et il n’y en avait que deux en 2017 ! Le Polonais n’a donc plus “que” 15 secondes d’avantage sur son équipier Egan Bernal. Justement, le Colombien a réussi une grande performance dans le chrono. “La situation est bonne pour nous”, dit Bernal. “Nous avons deux cartes à jouer, notre objectif est de gagner Paris-Nice.
Kwiato est très fort et peut grimper très bien. Nous verrons dans les cols. C’est Michal le leader, nous avons une très bonne équipe pour l’aider en montagne. Pour être honnête, je m’attendais à perdre beaucoup plus de temps mais c’est finalement bien pour moi puisque je ne suis pas un spécialiste. Pour moi, ce serait bien de remporter une étape mais nous n’allons pas risquer le général pour une étape. Il est la priorité.”
Dylan Teuns: “Pas assez sélectif pour moi”
Dylan Teuns a fait un chrono honnête, sur un parcours qui ne l’avantageait pas.“Je vais être honnête, j’aurais préféré reprendre vingt des cinquante secondes perdues lundi, mais ce n’est pas le cas.” Occupé à se décrasser sur les rouleaux, au pied du bus de Bahrain-Merida, Dylan Teuns dresse le bilan de son chrono.
“Ce n’est pas mauvais mais pas exceptionnel” , dit le Limbourgeois, 18e de l’étape à 57 secondes de Yates. Le voici devenu le premier Belge du général, 15e, mais à 1:52 de Kwiatkowski.
“Le vent était violent” , dit-il. “Il s’est levé dans la journée. Je ne suis pas un spécialiste et ce parcours n’était pas vraiment taillé pour moi, il était moins sélectif que l’an passé, par exemple. La côte n’en était pas une, à peine 400 m durs. Ajoutez-y 300 m sur la fin, cela ne fait pas beaucoup. J’avais fait un meilleur chrono il y a un an à Saint-Étienne parce que, justement, c’était plus vallonné. La même chose récemment à Valence .”
Teuns doit-il donc se focaliser sur un succès d’étape ?
“Il faut d’abord avoir les bonnes jambes pour espérer gagner une étape, mais aussi que la finale soit dans mes cordes”, dit-il. “J’ai peur que celle de l’étape de demain (ce vendredi à Brignoles) ne le permette pas vraiment. Samedi, le col du Turini pour finir, c’est long, très long pour moi. Si ça démarre de loin, je vais souffrir, c’est quand même 15 km à plus de 7 %… Je pense quand même que les grimpeurs, Quintana, Bardet, Bernal, vont attaquer. Encore que je crois que Kwiatkowski est le leader désigné chez Sky. Ils vont retenir Bernal et le faire rouler le tempo pour Kwiatkowski.”