Manger gras pour maigrir : le drôle de régime du peloton
Comme Bardet, les coureurs de la formation Sky sont adeptes du régime cétogène, très à la mode chez les athlètes d’endurance.
- Publié le 27-07-2018 à 12h01
- Mis à jour le 27-07-2018 à 12h03
Comme Bardet, les coureurs de la formation Sky sont adeptes du régime cétogène, très à la mode chez les athlètes d’endurance. Perdu dans une veste de pluie trop ample qui avait pris sur lui les allures d’une bâche, Chris Froome faisait tourner mercredi soir des gambettes sur lesquelles ses veines ressemblaient aux cordes d’une harpe. Comme tous les autres prétendants à la victoire finale sur les Champs-Élysées, le Britannique est arrivé parfaitement affûté au départ de Vendée. Le fruit d’une diète désormais très en vogue chez les athlètes d’endurance : le régime cétogène. Décryptage d’une méthode également utilisée par Romain Bardet.
Le régime cétogène, c’est quoi ?
Le régime cétogène repose sur un principe de base plutôt simple : une alimentation très pauvre en sucre mais plus riche en graisses. Notre corps produit naturellement du glucose à partir des protéines et des graisses présentes dans notre organisme et il n’est donc pas nécessaire d’en apporter en surplus. En observant cette diète, le foie produit de petites molécules, les cétones, qui deviennent la principale source d’énergie de l’organisme. "Le corps est bien fait, nous explique Serge Niamké, le médecin de la formation Astana. Lorsque vous le privez d’une ressource, il va en trouver d’autres. Le régime cétogène, que l’on appelle aussi low carb , repose sur cette vérité. La filière glucidique (utilisation des sucres) est, normalement, la première utilisée en cas d’effort physique. Avec un régime adapté, on peut l’amener à davantage puiser dans les graisses et les protéines."
Selon une récente étude universitaire, la contribution des lipides chez les athlètes d’endurance adeptes du régime cétogène serait de 88 % pendant l’effort contre 56 % chez les autres. Pour faire simple, la combustion des graisses corporelles devient le nouveau carburant de l’organisme.
Quels sont les intérêts pour un cycliste ?
"Le régime cétogène présente deux principaux avantages pour un coureur, continue Serge Niamké. Il amène à réduire le taux de masse grasse, puisque le corps va principalement puiser dans ses ressources, mais il va aussi apprendre à l’organisme à travailler comme un diesel. En apprenant à celui-ci à utiliser d’autres filières, il va conserver en mémoire cet itinéraire si, du moins, on effectue de temps à autre certains rappels. Pour être très concret, lorsqu’un coureur évoluera à une intensité moyenne, il utilisera alors principalement ses ressources lipidiques et non plus glucidiques. Cela va permettre à l’athlète d’étendre sa zone d’endurance et de conserver l’utilisation des sucres pour les efforts intenses avec une efficacité alors accrue. Pour caricaturer quelque peu, l’absorption d’un gel peut alors avoir l’impact d’une bombe énergétique. C’est un peu comme lorsqu’on vous prive de dessert. Quand vous y avez droit, celui-ci n’en est que meilleur (rires)…"
À quelle période effectuer cette diète ?
"Il faut être prudent avec cette méthode car elle peut agir sur l’organisme comme une véritable tempête hormonale, juge Servaas Bingé, le médecin de la formation Lotto-Soudal. Un suivi médical est absolument nécessaire. Ce type de régime peut difficilement être combiné avec des séances intensives sur le vélo ou de grosses charges d’entraînement. Il faut donc placer cette diète de manière intelligente et réfléchie dans un programme de courses." Selon Serge Niamké, une connaissance de la physiologie de l’athlète est également impérative. "Le mieux est de procéder à un premier essai lors de l’un des stages hivernaux, afin d’étudier la réponse de l’organisme. L’idéal est évidemment de coller au plus proche de l’objectif, mais cela doit être réfléchi de manière intelligente… Il arrive que certains coureurs procèdent à certains jours de diète cétogène durant une course par étapes, à l’approche d’une journée exigeante, de manière que l’organisme réapprenne à utiliser la filière énergétique lipidique."
Que mange le coureur durant cette diète ?
Saumon, avocat, légumineuse, poulet, œufs : le régime cétogène s’appuie sur des aliments riches en bons lipides. "On va tenter d’aller chercher de bonnes graisses, explique Bingé. Il est également important de v eiller à varier suffisamment la nature des aliments pour conserver une palette suffisamment large de nutriments."
Une alimentation millimétrée chez Sky
L’équipe britannique a révélé certaines informations relatives à la diététique de Froome sur le Giro
Certains y liront une volonté de transparence, d’autres l’interpréteront comme une énième opération séduction dans le travail d’image de l’équipe britannique. Quelques jours avant le début de ce Tour de France, le Team Sky a confié à la BBC certaines données relatives à la diététique de Christopher Froome lors du dernier Giro. Une alimentation millimétrée.
Des bonbons pour récupérer
Peter Sagan avait popularisé la chose lors de son succès sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne en 2017 lorsqu’il avait engouffré une poignée de Haribo à peine la ligne d’arrivée franchie : oui, les bonbons peuvent s’inscrire dans un protocole de récupération. Celui de Froome se compose des célèbres gommes en forme de cerises, de 400 grammes de riz arrosé de sirop, de quatre tranches de banane, et d’une boisson visant à reconstruire les fibres musculaires.
Une perte de poids de 500 grammes en une semaine
Un plan diététique a été couché sur papier par le staff du Team Sky. La dernière semaine étant la plus ardue du récent Tour d’Italie, il était prévu que Froome perde 500 grammes entre la 14e et la 18e étape. Alors qu’il affichait ainsi 69 kilos sur la balance le jour de sa victoire au sommet du Monte Zoncolan, le Kenyan blanc était descendu à 68,5 kg pour son coup de force sur le col de Finestre.
Un apport énergétique calibré pour chaque effort
En amont de chaque étape, le staff du Team Sky étudie le profil du jour et définit la répartition des efforts sur celle-ci. Chaque ascension est ainsi étudiée pour déterminer la puissance moyenne et maximale qu’elle nécessitera ainsi que la durée d’effort qu’elle représentera. En fonction de toutes ces données, une stratégie nutritionnelle extrêmement précise est mise sur pied. Chaque ravitaillement est ainsi composé de manière précise et les coureurs savent précisément à quel moment et quel aliment il leur faudra absorber.