Lieux mythiques du cyclisme: au pied du Mur de Huy
Escaladé à trois reprises ce mercredi sur la Flèche wallonne, le Mur de Huy est le juge de l’épreuve.
- Publié le 23-04-2019 à 15h27
- Mis à jour le 24-04-2019 à 10h36
Escaladé à trois reprises ce mercredi sur la Flèche wallonne, le Mur de Huy est le juge de l’épreuve.
Comme les bornes SOS installées en bordure d’autoroute, les six chapelles blanches posées sur les contreforts du serpentin d’asphalte semblent parées à répondre à l’urgence. Quand le mollet se fait frémissant et que la cuisse devient brûlante, la prière du cyclo asphyxié par l’exigence de la pente aura ici toutes les chances de recevoir l’écho du Puissant.Bâties en bordure d’un chemin auquel elles ont donné leur nom, les chapelles offrent au Mur de Huy une dimension un peu plus sacrée et solennelle.
"Elles ont été bâties pour accueillir les pèlerinages dédiés à Notre Dame de la Sarte, détaille Jacques Mouton, l’échevin du Tourisme de la Ville de Huy. Au XVIIe siècle, plusieurs guérisons dites miraculeuses ont eu lieu autour de l’église posée à proximité de la ligne arrivée de la Flèche wallonne et un véritable culte s’est installé autour de cet endroit. Désormais notre Ville célèbre Notre Dame tous les sept ans, dans une grande fête qui réunit près de 100 000 personnes autour du 15 août."
Les pèlerins du quotidien portent aujourd’hui plus souvent le short de lycra qu’ils n’égrènent les perles d’un chapelet.
"Il ne nous est pas possible de quantifier le nombre de cyclistes qui s’attaquent chaque jour au Mur de Huy, mais ils se comptent par centaines au cœur du printemps et de l’été, continue Jacques Mouton. Le Mur de Huy est devenu le plus grand ambassadeur de notre ville. Lorsque je voyage à l’étranger et que je signale que je suis hutois, mes interlocuteurs font alors très souvent le lien avec le juge de paix de la Flèche wallonne. Nos restaurateurs et cafetiers accueillent des cyclistes amateurs parfois venus des États-Unis ou d’Australie pour se mesurer à l’un des kilomètres les plus exigeants d’Europe."
Pour pleinement exploiter la caisse de résonance mondiale de la Flèche wallonne (diffusion des images télévisées dans plus de 150 pays), les autorités locales ont eu l’idée, voici plusieurs années, de barrer l’asphalte du chemin des chapelles de trois lettres en caractère gras : Huy. "Les téléspectateurs peuvent ainsi très facilement identifier l’endroit, sourit l’échevin. Le Mur est un authentique outil de promotion touristique, un patrimoine qu’il faut mettre en valeur."
Un ultime juge de paix devenu théâtre de l’arrivée de la Flèche wallonne en 1985. Si l’âpreté de la pente (1 300 m à 9,3 %) invite certains à la réserve en amont et que le contrôle des armadas de puncheurs résume parfois la Flèche en une sublime course de côtes, le Mur de Huy continue de captiver.
"C’est vrai que la tendance actuelle est de remanier régulièrement les parcours afin de sortir les équipes de leur zone de confort et de leur maîtrise, analyse Marc Sergeant, le manager de la formation Lotto-Soudal. Les tracés de l’Amstel Gold Race ou de Liège-Bastogne-Liège ont ainsi été totalement repensés ces dernières années. Je considère toutefois qu’il serait vraiment dommage de déplacer la ligne d’arrivée de la Flèche wallonne. Le Mur c’est un truc spécial. Il ne faut pas que toutes les courses d’un jour se ressemblent trop dans la nature de leur parcours. Or, quel autre classique présente une arrivée comparable à celle de la cité mosane… ?"
Pour se convaincre du pouvoir magnétique de la difficulté hutoise, il suffit d’aller s’y poser ce mercredi.
"Ils seront encore près de 40 000 à s’installer sur ses flancs, avance Jacques Mouton. Pouvoir voir passer les coureurs trois fois en un même lieu à une vitesse qui permet de les identifier presque un à un, c’est quelque chose d’unique. C’est cette proximité qui fait la magie du cyclisme. Les fans peuvent lire la douleur sur chaque visage."
Celui de Julien Mortier s’habillera très probablement de rictus de souffrance mercredi en fin d’après midi. Avant-dernier de l’édition 2018, le Hennuyer s’était refusé à jeter le gant comme une septantaine de ses collègues. "Quand, comme moi, on n’est pas un grand champion, on tente d’abord de prendre l’échappée matinale afin d’assurer une bonne visibilité à l’équipe, avance le coureur de chez Wallonie-Bruxelles. Je mettrai ensuite un point d’honneur à boucler cette épreuve avec ce qu’il me reste de forces car c’est pour disputer des épreuves comme celle-là qu’on commence souvent le vélo. Dans la dernière des trois montées du Mur de Huy, il est impossible de gérer, on finit comme on peut… (rires) Mais le public a le pouvoir de vous porter. Et d’adoucir quelque peu la pente… (rires)"
"Le passage après l’épingle, c’est la clé"
Né à une trentaine de bornes de Huy, Tim Wellens a grandi dans la fascination du Mur.
Lorque l’on demande à Tim Wellens de nous décrire la montée finale du Mur de Huy sur la Flèche wallonne, le débit et la précision du Limbourgeois pourraient presque nous laisser penser qu’un copilote de rallye déroule ses notes sans jamais jeter un œil sur son cahier. "Depuis le sommet de la côte de Cherave (NdlR : à 5,5km de l’arrivée) jusqu’à l’entrée dans le centre-ville de Huy, le peloton est étiré sous l’effet de la bosse, puis par le très haut tempo assuré par certaines équipes en bord de Meuse. On y roule souvent à près de 60 km/h. On enchaîne ensuite deux ronds-points entre lesquels il est possible de se replacer et de regagner quelques places. C’est toujours un peu le chaos à cet instant de la course et il est important de batailler pour conserver sa position car, à la sortie du second giratoire, on attaque une première rampe sur le grand plateau, à haute vitesse. Si vous n’y êtes pas bien placé, cela coûte pas mal d’énergie de remonter dans le groupe. Au moment de quitter la chaussée principale, la rue du marché, pour virer à droite et s’engager sur la place Saint-Denis et le chemin des Chapelles, cela devient tout à coup beaucoup plus étroit et ce rétrécissement agit, alors, comme un entonnoir sur le peloton. Il convient donc, là aussi, de tourner dans les cinq ou dix premières positions. On laisse tomber la chaîne sur le petit plateau pour tenter de gérer son effort comme on peut jusqu’à la célèbre épingle où est désormais installée la stèle Criquielion. Beaucoup disent qu’il est préférable d’emprunter l’extérieur car la pente y est plus douce (NdlR : 19 % contre 25 % à l’intérieur) mais je ne saurais pas véritablement vous dire quelle est la meilleure trajectoire car je n’ai encore jamais été en position de gagner la Flèche (rires, 7e l’année dernière) . Suit ensuite, après un replat d’une trentaine de mètres, un virage droite derrière lequel se cache une nouvelle rampe terrible. C’est là que les favoris produisent, en général, une progressive accélération et que se joue véritablement la victoire. Si vous devez actionner votre changement de vitesse pour engager une plus grande couronne, c’est très mauvais signe (rires)… Mon meilleur temps sur le Mur est de 3:14 pour un effort moyen de 560 watts." Les spécialistes apprécieront !