Les lieux mythiques du cyclisme: le Cauberg, c’est le mont Gilbert
La difficulté qui surplombe Valkenburg est la plus célèbre de l’Amstel Gold Race et celle où le Wallon a écrit une bonne partie de son palmarès.
- Publié le 19-04-2019 à 08h48
- Mis à jour le 19-04-2019 à 13h46
La difficulté qui surplombe Valkenburg est la plus célèbre de l’Amstel Gold Race et celle où le Wallon a écrit une bonne partie de son palmarès. Quand le printemps et son soleil pointent le bout du nez dans les ruelles de Valkeburg, il faut savoir y jouer des coudes comme à l’approche d’un mont flandrien pour y dégoter une place en terrasse. Dimanche, il conviendra même de se lever encore plus tôt pour pouvoir s’installer aux abords de la Grendelplein et de ses bars, l’un des lieux les plus prisés par le public néerlandais pour assister à l’Amstel Gold Race. C’est que l’endroit ne manque pas d’atouts. Posée au pied du célèbre Cauberg, la petite place propose trois passages live de la course mais aussi plusieurs écrans géants et… des centaines de fûts d’une bière qui a donné son nom à la course.
Les balcons s’y transforment donc en loges VIP et les talus herbeux en tribune d’honneur. "Lorsque l’on vire à angle droit pour aborder les premières pentes du Cauberg, on a le sentiment de pénétrer dans un stade de foot surchauffé", sourit Tom Dumoulin, l’icône régionale originaire de Maastricht qui a choisi cette année de faire l’impasse sur la plus grande course néerlandaise afin de se concentrer au mieux sur la conquête d’un second Giro.
Encaissée sur le vallon qui relie Valkenburg à Vilt, la montée du Cauberg s’est construit une place de choix dans l’histoire du cyclisme en pimentant d’abord le tracé de quatre Mondiaux sur route (1938, 1948, 1979 et 1998) avant de devenir l’ultime juge de paix de l’Amstel Gold Race (de 2003 à 2016).
Si son profil n’a rien d’effrayant (780 mètres à 8 % de moyenne pour son cœur), il agit pourtant sur les cuisses et les mollets comme un four incandescent. "Quand on le monte à bloc, les jambes brûlent des orteils à la hanche une fois arrivé au sommet", sourit Jelle Vanendert, le coureur de chez Lotto-Soudal, deux fois deuxième de l’Amstel. "Cette côte est très différente du Mur de Huy mais lorsque l’arrivée était encore jugée sur son sommet, la douleur était la même qu’en franchissant la ligne de la Flèche wallonne."
Un tremplin vers la gloire sur lequel Philippe Gilbert sauta à pieds joints. Quadruple vainqueur de l’Amstel Gold Race, le Liégeois a également conquis son titre arc-en-ciel sur les pentes d’une difficulté pavée jusqu’en 1969. "Si cette bosse réussit aussi bien à Phil, c’est parce qu’il peut y exploiter au mieux sa force et son punch, juge Klaas Lodewyck, le directeur sportif de l’équipe Deceuninck-Quick Step. Le Liégeois, musculairement puissant, est capable de produire de grosses accélérations sur ce type de pentes en y emmenant un braquet important pour ensuite soutenir son effort pendant trois à quatre minutes."
Une analyse qu’affine Marc Sergeant, le manager de l’équipe Lotto-Soudal qui dirigeait l’Ardennais lors de ses deux premiers succès sur l’Amstel. "Le Cauberg est une difficulté qu’il est important de parfaitement juger, avance ainsi le Brabançon. Il n’est pas possible de le négocier pied au plancher d’un bout à l’autre. Sa longueur est alors rédhibitoire. Le coureur qui attaquerait dès le pied ne pourrait faire que coincer. Philippe a très longtemps intégré la montée de la bosse néerlandaise à ses sorties d’entraînement. Je pense ainsi que lorsqu’il habitait encore en Belgique, il devait peut-être gravir le Cauberg entre vingt et trente fois par saison. Il en connaît donc chaque centimètre et le maîtrise sur le bout des doigts."
Si 18,5 kilomètres sépareront dimanche la dernière ascension de la difficulté limbourgeoise de la ligne d’arrivée de l’Amstel Gold Race, elle n’en reste pas moins indissociable. "Le cyclisme moderne fait trop souvent du contrôle la valeur cardinale des tactiques, juge Leo Van Vliet, le directeur de l’épreuve et ancien vainqueur de Gand-Wevelgem. Lorsqu’une arrivée est jugée au sommet d’une difficulté qui convient aux puncheurs, les grosses armadas vont tout faire pour neutraliser la course en amont et réduire celle-ci en une explication finale sur la dernière bosse. C’est dommage et cela constitue un danger pour le spectacle auquel nous avons été attentifs. Notre décision de modifier la finale de l’Amstel a été guidée par cette réflexion et la volonté de proposer un terrain propice aux offensives. Les vrais champions savent d’adapter à ce type de contigences. La plus belle preuve en est d’ailleurs que c’est un certain Philippe Gilbert qui s’est imposé en 2017, l’année du changement de parcours… (rires)"
L'oeil du coureur, par Jelle Vanendert: “Il y faut de la force explosive”
Deux fois second de l’Amstel Gold Race (2012 et 2014), le coureur de chez Lotto-Soudal décrypte l’ascension. Dixième l’année dernière de l’Amstel Gold Race, Jelle Vanendert s’y est aussi classé deux fois second. Avec ses onze participations à la classique néerlandaise au compteur, le coureur de chez Lotto-Soudal connaît la montée du Cauberg par cœur. “La manière dont on le négocie est forcément déterminée par son positionnement sur le parcours, juge le Limbourgeois. Avant 2012, la ligne d’arrivée de l’Amstel était tracée au sommet de la bosse avant d’être repoussée, après le Mondial de Valkenburg, dans son prolongement, deux kilomètres plus loin. Depuis 2017, la dernière ascension du Cauberg est désormais pointée à un peu moins de vingt bornes de l’arrivée. Cela change considérablement le comportement du peloton, bien moins nerveux au moment de négocier l’approche de cette difficulté dans les rues tortueuses de la cité néerlandaise. Jusqu’en 2017, la préparation était comparable à celle d’un sprint massif. Il fallait vraiment se battre pour aborder les premières pentes en bonne position. La bosse la plus célèbre de l’Amstel Gold Race propose une chaussée assez large qui permet de surprendre ses adversaires par une attaque depuis le second rang lors de laquelle il est possible d’opter pour le côté opposé. Une autre des particularités du Cauberg est qu’il présente une pente plutôt régulière (NdlR : autour des 7,5 %) avec un passage plus difficile, à un peu plus de 10 %, sur une grosse centaine de mètres. C’est là que Philippe Gilbert a construit l’essentiel de ses succès dans le Limbourg néerlandais. C’est un endroit stratégique car la vitesse que l’on peut y atteindre détermine en grande partie l’effort que l’on pourra ensuite livrer sur le long faux-plat montant qui suit l’ascension. Il est important de basculer sans s’écraser sur sa machine, de gérer l’effort dans son ensemble car la relance est parfois violente. Dans les 750 mètres de la réelle montée, on ne change pratiquement pas de vitesse. Il est donc essentiel de pouvoir déterminer dès le pied quel est le braquet le plus adapté, celui que l’on pourra emmener jusqu’au sommet. Jusqu’en 2017, quand la victoire à l’Amstel se jouait sur la montée du Cauberg, il fallait nécessairement garder le grand plateau durant toute l’ascension afin de prétendre au succès. Désormais, tout dépend du déroulement de la course à cet endroit. Il y faut en tout cas de la force explosive.”