Les lieux du mythiques du cyclisme : "Frank m’avait cassé dans La Redoute" se remémore Michele Bartoli
Vingt ans après le succès de VDB sur Liège-Bastogne-Liège, l’Italien se souvient de leur duel dans la célèbre côte.
- Publié le 26-04-2019 à 08h00
- Mis à jour le 26-04-2019 à 15h10
Vingt ans après le succès de VDB sur Liège-Bastogne-Liège, l’Italien se souvient de leur duel dans la célèbre côte. PHIL, PHIL, PHIL. Les centaines d’encouragements peinturlurés en lettres blanches sur l’asphalte de La Redoute par une fan japonaise du dernier vainqueur de Paris-Roubaix s’interrompent soudainement à hauteur d’une petite chapelle, là où la pente est la plus raide. Représenté de profil, dans un dessin stylisé, Frank Vandenbroucke semble y jauger le coup de pédale de tous ceux qui passent. Comme si le vainqueur de Liège-Bastogne-Liège 1999 s’apprêtait à poser une attaque.
Si les affres du temps gomment les contours de nombreux instants, l’encre de certains souvenirs semble indélébile. Vingt ans après le succès de VDB sur la Doyenne, les images de son duel avec Michele Bartoli sur les hauteurs de Remouchamps restent dans toutes les mémoires.
"La mienne y compris, sourit l’Italien. Cette année-là, Frank m’avait cassé dans La Redoute… Il s’agissait sans doute pour lui d’une forme de revanche car un an plus tôt, lors de mon second succès sur Liège-Bastogne-Liège, c’est moi qui l’avais fait souffrir au même endroit (rires) ! Si je ferme les yeux et que je repense à notre sprint sur le sommet de cette difficulté mythique, j’ai le sentiment que mes jambes brûlent à nouveau !"
Un mano à mano qui a participé à construire la légende de La Redoute. "J’ai vu que le parcours de Liège-Bastogne-Liège a été totalement remanié cette année, poursuit le Toscan. Je pense que la bosse de Remouchamps pourrait, dès lors, retrouver un rôle clé dans le scénario de la course. Ces dernières années, je trouvais cela dommage de voir les favoris avaler la pente au train, sans que l’un d’eux ne se dresse jamais sur les pédales. Selon moi, quand un grand nom passe à l’offensive dans un lieu mythique et y pose les jalons de son succès, celui-ci prend alors une tout autre dimension. C’est d’ailleurs probablement pour cela que l’on se souvient encore de la victoire de Frank en 1999 ou que l’on associe toujours mon nom à La Redoute aujourd’hui."
Une difficulté sur laquelle celui qui est aujourd’hui entraîneur et s’occupe, entre autres, de Nairo Quintana, revient régulièrement en pèlerinage. "Je ne dis pas cela car je m’adresse à un journaliste belge, mais je vous assure que la Belgique a toujours été pour moi une seconde patrie. J’y ai remporté certains de mes plus beaux succès (NdlR : Liège-Bastogne-Liège 1997 et 1998, Tour des Flandres 1996 et Flèche wallonne 1999) et votre pays conserve donc une place à part dans mon cœur. Je reviens trois à quatre fois par an en Belgique. À chaque fois ou presque, j’enfourche mon vélo pour aller escalader la Redoute. Mais j’approche de la cinquantaine (48 ans) et ne roule désormais plus que deux à trois fois par semaine. Mon coup de pédale n’est donc plus le même et je souffre sur les pentes ardennaises… J’ai aussi conservé beaucoup d’amis chez vous."
Il y a bientôt dix ans, Michele Bartoli a pourtant vu s’en aller l’un des Belges auxquels il était le plus attaché.
"Frank était pour moi un réel ami, poursuit l’ancien coureur de la Mapei. Sur le vélo, notre rivalité sportive pouvait être terrible. Nous ne nous faisions absolument aucun cadeau. Mais dès que nous descendions de machine, nous nous entendions à merveille. Nous étions capables de faire la part des choses. Frank est d’ailleurs venu à plusieurs reprises chez moi, en Toscane. Il possédait une personnalité qui ne peut laisser indifférent, c’était un gars spécial pour qui j’avais beaucoup d’affection. Même après nos carrières respectives, nous sommes restés très régulièrement en contact. Jusqu’au bout… On se passait un coup de fil une fois par semaine."
Dimanche, lorsqu’il s’installera devant son écran de télévision pour suivre le final de la Doyenne, Michele Bartoli verra probablement les images du direct s’entremêler avec des flashs plus fugaces lorsque les coureurs aborderont les premières pentes de la Redoute. "C’est presque inévitable", conclut le Toscan dans un sourire.
L'oeil du cycliste par Maxime Monfort: “L’approche est extrêmement importante”
Installé à deux kilomètres du pied de la Redoute, le Wallon nous en livre tous les détails. Du bout de son jardin, posé sur les hauteurs d’Aywaille, Maxime Monfort pourrait presque deviner la Redoute à l’horizon. “Ce n’est pas pour autant que je l’intègre à chacun de mes entraînements”, sourit le coureur de chez Lotto-Soudal. En voisin, et avec ses dix participations à Liège-Bastogne-Liège au compteur, le Wallon en maîtrise toutes les malices. “Sur la Doyenne, l’approche de la Redoute est incontestablement l’un des moments où le placement est le plus important, juge-t-il ainsi. Durant toute la longue descente qui nous ramène du sommet du Maquisard jusqu’à Remouchamps, cela roule très vite, souvent à près de 70 km/h. La lutte pour les places à l’avant du peloton est intense, mais il ne sert à rien de se positionner trop rapidement en tête car l’effort à y fournir est beaucoup plus important que lorsque l’on bénéficie de l’aspiration. Il faut trouver le bon timing. Arrivé en face de la célèbre Auberge du Cheval blanc, les positions sont prises car une relance étire alors le peloton qui reste en file indienne un peu plus loin sous l’effet d’un rond-point.”
On traverse alors l’Amblève pour aborder les premiers contreforts.
“Après le pont, les ruelles sont étroites et tortueuses et il est, là aussi, très difficile de remonter dans le ‘paquet’ car le tempo y est élevé. On laisse le plus souvent tomber le petit plateau quand on passe sous la bretelle de l’autoroute. Dans la ligne droite où sont souvent garés les motorhomes des supporters, la vitesse doit tourner autour des 25 km/h. On arrive ensuite au virage où est installé le chapiteau des supporters de Philippe Gilbert et juste après lequel la pente se fait un peu moins raide, ce qui permet une relance. On cherche alors à reprendre de la vitesse pour négocier la partie la plus raide, à la chapelle (NdlR : 17 % sur une centaine de mètres). L’effort se prolonge ensuite sur les 500 derniers mètres où l’ultime rampe (14 %) fait vraiment mal aux jambes. Une fois arrivé au sommet, c’est souvent là que les vraies différences se font. Les plus costauds enclenchent très vite le grand plateau pour relancer quand d’autres ont besoin de reprendre leur souffle. Avec le nouveau final de cette année, la Redoute va retrouver ses lettres de noblesse. Je m’attends à des attaques de la part de certains favoris à cet endroit !”
EN IMAGES: Reconnaissance de Liège-Bastogne-Liège avec l'équipe de la Fédération Wallonie Bruxelles
“Je suis Cameron sur Instagram”
Les premiers pas de Cameron Vandenbroucke, la fille de Frank, sous le maillot de l’équipe Lotto-Soudal n’ont pas échappé à Michele Bartoli. “Oui, j’ai vu qu’elle avait rejoint les rangs de la formation belge, je la suis sur Instagram, sourit le Toscan. Les noms Vandenbroucke et Lotto à nouveau associés, cela réveille forcément des souvenirs… La ressemblance physique entre la jeune fille et son papa est absolument saisissante. Et quand je la vois sur son vélo, son allure me rappelle celle de Frank.”