Les confidences de Marcel Kittel: "J’ai tiré un trait sur 2018"
Kittel a passé des mauvais moments lors de ces derniers mois.
- Publié le 27-11-2018 à 21h23
- Mis à jour le 28-11-2018 à 08h26
Kittel a passé des mauvais moments lors de ces derniers mois. Marcel Kittel est l’un des meilleurs sprinteurs de ces dernières années, à n’en pas douter. L’hiver dernier, il a signé un contrat lucratif de deux saisons en faveur de la Katusha-Alpecin, quittant Quick-Step par la grande porte. Douze mois plus tard, l’Allemand a manqué sa première saison en faveur de l’équipe suisse. À Saitama au Japon, Marcel Kittel est revenu sur une année 2018 bien contrastée où il n’a remporté que deux courses.
Marcel, cela a été une saison difficile pour vous…
"J’ai sans doute connu une de mes saisons les plus compliquées de ma carrière. J’ai quand même gagné deux courses et j’ai décroché plusieurs podiums mais en comparaison avec les années précédentes, ce n’est pas ce que j’attendais."
Comment expliquez-vous cette saison moyenne ?
"Une des premières raisons, c’est la fatigue. J’ai été très émoussé par la saison 2017. Maintenant, j’ai pris une longue période de repos (NdlR : il a mis fin à sa saison après le Tour d’Allemagne, fin août). Je ressens de meilleures sensations au niveau de mon corps. De temps en temps, les choses ne s’emboîtent pas comme il faut ça se voit directement dans les résultats. Mentalement, tu accuses ensuite le coup. J’ai tiré un trait sur 2018 et je suis focalisé sur la prochaine saison."
Peut-être aussi que la concurrence s’améliore dans les sprints ?
"D’abord, je me concentre sur moi puis je pense aux autres. C’est la première chose à faire. Si je m’entraîne correctement, les sensations sur le vélo vont revenir et les résultats vont en découler."
Vous avez quitté la Quick-Step qui a aligné victoire sur victoire en 2018…
"Je ne pense pas à ce qui se serait passé si j’étais resté là. De temps en temps, tu prends des décisions qui marchent ou pas. Je ne regrette pas mon choix, pas du tout. J’ai toutes les cartes en main pour revenir au plus haut niveau."
Vous avez aussi connu quelques soucis avec certains membres du staff chez Katusha, est-ce réglé à ce jour ?
"Pour les journalistes, il y a toujours des problèmes. Ils adorent trouver des histoires à raconter. J’ai toujours dit qu’il y avait eu des discussions en interne avant le Tour de France. Maintenant, c’est réglé. Je ne pense pas qu’il faille encore en parler. Je suis content que l’équipe m’ait donné le temps et l’espace pour terminer ma saison un peu plus tôt. Les dirigeants n’avaient pas à autoriser cela mais ils l’ont fait. Maintenant, je peux me préparer à 100 % pour la prochaine saison."
Quel est le plan pour revenir à votre meilleur niveau ?
"C’est simple, je vais m’entraîner dur et me focaliser sur mes qualités. Je vais devoir trouver un bon équilibre entre les périodes de travail et de repos. Peut-être qu’après ma chute au Tour de France 2017, je suis revenu un peu trop vite. Je suis optimiste pour l’avenir."
"Les gens restent très pessimistes"
L’ancien protégé de Patrick Lefevere analyse le cyclisme allemand.
Après une saison en dents de scie où il n’a levé les bras qu’à deux reprises à Tirreno-Adriatico, Kittel a bien envie de montrer à tout le monde qu’il n’est pas un sprinter fini. La concurrence des jeunes aux dents longues, comme Gaviria ou Groenewegen, ne lui fait pas peur.
"Mon premier objectif est de bien débuter la saison 2019 " , raconte le coureur âgé de 30 ans. "Mon retour au premier plan passera par un bon début d’année, j’en suis convaincu. Si je commence bien, mes sensations vont revenir et les choses se dérouleront correctement pour la suite."
Il était devenu, un peu malgré lui, le porte-drapeau de la nouvelle génération de cyclistes allemands après les scandales des années 2000. Il voit tout doucement des jeunes teutons émerger dans le peloton, pour son plus grand plaisir. "En Allemagne, les gens restent très pessimistes autour du cyclisme " , témoigne-t-il. "Nous avons de vrais bons professionnels dans le peloton et plusieurs talents qui vont arriver. L’avenir semble rose pour le cyclisme allemand. Ce serait faux de dire que tout est oublié dans mon pays. Mais il faut regarder les faits. Les médias sont de nouveau intéressés par le vélo, les sponsors y réinvestissent depuis plusieurs années. Ce sport est sur la bonne voie."
Les déboires actuels de Jan Ullrich, l’unique vainqueur allemand du Tour de France et symbole de la génération noire du cyclisme germanique, sont dans toutes les têtes de nos voisins. "Il reste quelques hésitations du grand public à propos de ce qu’il s’est produit dans le passé et c’est compréhensible " , souffle Kittel. " Les investisseurs, par exemple, réfléchissent plutôt deux fois qu’une avant de mettre de l’argent dans le cyclisme. Nous, les coureurs, devrons continuer à faire notre sport comme nous l’avons toujours fait. Nous devons aussi essayer d’être aussi bons que possible en tant que modèle pour les suivants."
"Il restera toujours des personnes qui ne nous aiment pas" , ajoute le quintuple vainqueur du Grand Prix de l’Escaut. "Par contre, elles sont de moins en moins. Personnellement, je suis dans une position plus confortable que ces dernières années. Quand je dis que je suis cycliste professionnel, de temps en temps, je reçois encore des réactions stupides. Je n’ai pourtant plus le sentiment de devoir me cacher. Dans les années 2000, c’était totalement différent."
La concurrence d’Ackermann
Parmi les nombreux talents allemands qui sont arrivés dans le peloton, on peut citer Maximilian Schachmann, Pascal Ackermann ou encore Max Walscheid. Ackermann est sans aucun doute celui qui a tout en main pour prendre le flambeau de Marcel Kittel. Avec la Bora-Hansgrohe, Ackermann a décroché ses 9 premières victoires chez les pros cette année-ci. Il a littéralement explosé aux yeux du grand public en gagnant des étapes en Romandie, au Dauphiné, au Tour de Pologne et encore en s’adjugeant chez nous la Brussels Cycling Classic. De plus, il a remporté le championnat d’Allemagne, montrant un peu plus à l’échelle nationale qu’il sera à suivre de très près à l’avenir. À 24 ans, l’équipier de Sagan ne laisse sûrement pas de marbre Marcel Kittel.
“L’image positive que dégage notre sport à nouveau, c‘est un grand accomplissement au niveau des jeunes et de la relève” , souligne Kittel. “J’ai eu énormément de bons retours des Allemands qui s’étaient déplacés pour suivre le départ du Tour de France à Düsseldorf, en 2017. Le retour du Tour d’Allemagne, c’est un bel événement. Pascal (Ackermann) a été incroyable cette saison. Il possède une superbe équipe à ses côtés. Il est à un bon endroit et mentalement, il a passé un cap. Il a gagné en confiance ; c’est bon pour la suite.”
“Vous ne pouvez que redescendre”
Avec les bons résultats en cyclisme de notre grand voisin, on devra sans aucun doute encore avoir à faire aux cyclistes allemands dans un futur proche. Cette bonne spirale tranche avec l’équipe allemande de football, qui vient de conclure sa pire année civile en 2018, ponctuée par une élimination au premier tour du Mondial. “Vous savez, quand vous vous situez dans les étoiles comme la Mannschaft l’était depuis des années, vous ne pouvez faire qu’une seule chose : redescendre ! ”, analyse Kittel. “Tu ne peux pas rester au sommet éternellement. En vélo, nous remontons la pente, petit à petit.”