Les 12 temps forts de la carrière de Boonen (8/12): Le 10 avril 2011, la traversée du désert
En 2010 et 2011, Tom Boonen a peu gagné et il a dû accepter sur ses classiques la domination de Fabian Cancellara.
- Publié le 04-04-2017 à 14h23
- Mis à jour le 04-04-2017 à 15h00
En 2010 et 2011, Tom Boonen a peu gagné et il a dû accepter sur ses classiques la domination de Fabian Cancellara. On l’a un peu oublié aujourd’hui, mais la remarquable carrière de Tom Boonen ne fut ni un long fleuve tranquille, ni l’addition de plus de quinze saisons riches d’innombrables succès. Boonen fut englué deux ans de suite dans des affaires qui relevaient plus des faits divers que de l’actualité sportive.
En 2008 et 2009, il eut à s’expliquer sur sa consommation de cocaïne et sa conduite dangereuse. Les deux saisons suivantes furent surtout marquées par plusieurs échecs sportifs et des soucis de santé. Boonen avait pourtant débuté de belle manière l’année 2010 en ayant remporté quatre succès à la veille de Milan-Sanremo, dont une étape de Tirreno, la seule victoire qu’il ait jamais enlevée en Italie.
Personne ne le savait encore, lorsqu’il descendit du podium dressé à Montecatini Terme, en Toscane, le 10 mars 2010, mais l’ancien champion du Monde allait rester onze mois sans gagner à nouveau ! Dans la foulée, le coureur de Quick Step termina pourtant deuxième sur la Via Roma, derrière Oscar Freire, lequel l’avait déjà devancé en 2007.
"Il était plus fort que moi, tout simplement, il n’y avait pas de honte à avoir été battu par lui", témoigne-t-il encore sept ans plus tard.
Boonen aborda cependant confiant la série des classiques et courses flandriennes, mais se heurtera pourtant à un solide bec de gaz.
Le duel de titans avec Cancellara
Au G.P. E3, qu’il a déjà remporté quatre fois, il ne peut contenir l’accélération soudaine de Fabian Cancellara dans les derniers hectomètres. Il est deuxième… La revanche est prévue au Tour des Flandres, huit jours plus tard. Sur le Molenberg, Boonen et Cancellara s’échappent et c’est ensemble qu’ils abordent le mur de Grammont, avant dernière difficulté de la course qui termine encore à Meerbeke. Sur le haut du mur, le Suisse lâche irrémédiablement le Belge, impuissant à le suivre. Il lui prend douze secondes en quatre cents mètres, sur les pentes mêmes où Boonen était entré dans la légende en 2005, puis encore l’année suivante. Il finira plus d’une minute après son adversaire.
"Il roulait à 60 à l’heure !" Comme les autres victimes de Cancellara, Tom Boonen se résigne à la performance de son bourreau. La performance de Spartacus fait penser à celle d’un certain Eddy Merckx, trente-cinq ans plus tôt.
Ce jour-là, le Cannibale emmène avec lui le seul Frans Verbecck qu’il tue à petit feu, inexorablement. À l’arrivée, le Brabançon avoue au micro de Fred De Bruyne, l’ancien champion devenu reporter de la BRT. "Il n’y a rien à faire, Fred. Il roule cinq kilomètres plus vite que nous. "
Une semaine après le Ronde, Cancellara se prend encore pour Merckx, cette fois en s’envolant à cinquante kilomètres du vélodrome de Roubaix. Il a démarré sur l’asphalte en profitant de ce que Boonen était descendu se ravitailler à sa voiture. Surpris, le Belge n’est jamais revenu sur son rival. Écœuré, il termine cinquième.
Six semaines plus tard, c’est le tollé. À la suite de révélations et de plusieurs films qui font le buzz sur internet, le vainqueur du Ronde et de Roubaix est soupçonné d’avoir utilisé un vélo à assistance électrique lors des classiques qu’il a dominées.
Publiquement, Tom Boonen n’a jamais voulu incriminer son adversaire, mais dès après le Tour des Flandres il a fait part à son entourage de son incompréhension à avoir été lâché irrémédiablement comme il l’a été sur le mur.
À Roubaix, consciemment ou non, il avait pourtant soufflé au pied du bus de son équipe, garé en bordure du vélodrome, une réflexion qui a posteriori pourrait prendre un autre sens : "Cancellara est fort. Ok. Mais il n’est pas imbattable. On ne lui a pas installé deux moteurs de jet dans le c… "
De tout cela, Boonen et les Quick Step ne veulent plus parler et si Cancellara a beau déclarer que "Tom et moi avions du respect l’un pour l’autre. C’était bien de courir contre lui ", l’Anversois s’est souvent contenté du minimum de louanges à propos de son grand rival.
Le raté du Ronde 2011
"Les cinq saisons passées chez Quick Step, ça reste mes plus belles années", se souvient Sylvain Chavanel à propos de ces années. "Sur ces classiques, l’équipe était tournée à cent pour cent pour lui. Tom était décontracté, même quand ça ne réussissait pas. Il courrait uniquement pour gagner. C’était premier ou rien du tout. À l’époque, ceux qui sortaient du lot, c’était Cancellara et Boonen. "
La suite de la saison ne sera pas plus agréable. Boonen chute deux fois très lourdement sur le genou gauche, au Tour de Californie d’abord, à celui de Suisse ensuite. Il est blessé et doit déclarer forfait pour le championnat de Belgique alors qu’il est le tenant du titre, puis pour le Tour de France. Une blessure qui, malgré le repos, va perdurer et nécessitera une opération, puis une longue revalidation, laquelle le privera de la seconde partie de la saison, le Tour d’Espagne et le Mondial, notamment. Boonen reprend seulement début octobre au Circuit Franco Belge, mais sans prétention aucune.
L’année suivante, Boonen est bien décidé à redevenir le nº 1 et Sylvain Chavanel sera un des principaux acteurs à ses côtés.
En février, l’Anversois met fin à une période de disette de onze mois au Qatar. Il s’impose ensuite pour la deuxième fois à Gand-Wevelgem, mais il n’est pas impérial au Tour des Flandres où, une fois encore Cancellara s’envole sur le haut du Leberg. Revenu sur Sylvain Chavanel qui a anticipé, le Suisse va pourtant caler sur la fin. Il commence à réclamer à boire et à manger. Une fringale et la menace de crampes le font plier sur les pentes du mur.
Ce jour-là, la tactique des Quick Step n’est pas la bonne qui fait privilégier la carte Boonen au détriment de Chavanel, pourtant l’un des trois plus forts, avec Cancellara et… Gilbert, mais qui est empêché de relayer le Suisse, qu’il aurait ensuite lâché lors de son coup de barre. Plus loin, dans les derniers kilomètres, ce sont les relais du Français qui empêchent Boonen de revenir sur le trio de tête dans lequel Nick Nuyens a pris place et que celui-ci va dominer au sprint.
Chavanel n’ose pas lancer le sprint tandis que Boonen essaie de revenir in extremis. Le Français finit 2e, le Belge 4e…
"Nous n’avions pas vraiment eu l’occasion d’en parler après la course parce que, comme toujours, je rentrais chez moi, en France, après la course ", rappelle Chavanel. "On ne s’est revu que pour la reconnaissance de Paris-Roubaix. Dès qu’on a commencé à rouler, Tom est venu me parler, gêné de ce qui s’était passé le dimanche précédent. Je l’ai directement mis à l’aise. Je lui ai dit que moi aussi j’avais commis une erreur, que c’était le cyclisme… Tout était oublié."
Trois jours plus tard, les deux hommes n’auront pas l’occasion de montrer leur cohésion retrouvée sur les secteurs pavés de la Reine des classiques. Boonen casse son dérailleur dans la Trouée de Wallers-Arenberg, puis chute deux fois. Il quitte, pour la première et dernière fois, Paris-Roubaix à cinquante kilomètres de l’arrivée.
Chavanel ne peut prendre son relais car la machine crève aussi et chute lourdement. Le soir même, malgré la déception, Tom Boonen envoie un SMS de félicitations au vainqueur surprise de la Reine des classiques, Johan Vansummeren, avec lequel il a l’habitude de s’entraîner depuis des années.
Deux autres chutes vont ruiner la deuxième partie de sa saison. Au Tour, une commotion le contraint à l’abandon en fin de première semaine, tandis qu’il se fracture la main gauche à la Vuelta et ne peut donc disputer le Mondial de Copenhague promis à un sprint que gagnera Mark Cavendish.