Les 12 temps forts de la carrière de Boonen (2/12): Début d’une belle histoire pour Tom Boonen
Fin 2002, Tom Boonen casse son contrat avec US Postal et rejoint Patrick Lefevere. Il roulera quinze ans dans l’équipe Quick Step dont il a été et est toujours l’âme et le moteur.
- Publié le 28-03-2017 à 16h17
- Mis à jour le 11-04-2017 à 10h31
Fin 2002, Tom Boonen casse son contrat avec US Postal et rejoint Patrick Lefevere. Il roulera quinze ans dans l’équipe Quick Step dont il a été et est toujours l’âme et le moteur. Trois mois après son éclosion à Paris-Roubaix où il est monté sur le podium, à 21 ans seulement, Tom Boonen remporte un premier bouquet chez les pros. Nous sommes le 11 juillet 2002 et il gagne, au sprint, la 2 e étape de l’Uniqa Classic, une petite course à étapes autrichienne de quatre jours. Il devance Davide Bramati. Lequel sera durant les quatre saisons suivantes son équipier et, ensuite, son directeur sportif. Car quelques mois à peine après ses débuts, l’Anversois s’apprête déjà à prendre une décision qui va orienter la suite de sa carrière et portera même sur quinze ans.
"Dès son excellent début de première saison, marqué par cette troisième place à Roubaix, j’ai alerté la direction de l’équipe", regrette encore Dirk Demol, alors directeur sportif chez US Postal. "J’ai dit qu’il fallait revaloriser son contrat et sa situation au plus vite pour qu’il ne parte pas, mais ça a duré trop longtemps et il a quitté l’équipe. J’en ai été malade. J’étais proche de lui depuis des années et je me rendais compte que ce serait un champion comme on en voit peu. Ma seule satisfaction, c’est d’avoir participé à son éclosion."
Boonen se rend compte que celle-ci pourrait être étouffée, que ses ambitions dans les classiques risquent d’être contenues dans une équipe où tout tourne autour d’Armstrong. "Un jour de 2002, je reçois un coup de fil d’un de mes coureurs qui me dit : Paul, quelqu’un veut te parler, je te le passe, se souvient Paul De Geyter, manager sportif. "Au bout du fil, j’entends une voix : ‘ Bonjour, je suis Tom Boonen, j’aimerais vous rencontrer’. Chez US Postal, on le pressait de travailler avec Bob Stapleton, le manager de Lance Armstrong. Il a refusé. Il n’était pas content de son sort, il voulait partir et trouver une équipe où il obtiendrait plus de liberté. "
Une indemnité de 70.000 €
Paul De Geyter se met en chasse d’un nouvel employeur.
"Un matin, pendant le Tour de France, j’ai reçu un coup de téléphone" , raconte Patrick Lefevere. "C’était De Geyter. C’était important et urgent qu’on se voit, que je pouvais offrir un contrat à Tom Boonen, dont il était devenu l’agent. Je savais que Tom était lié pour deux ans à US Postal et je ne voulais pas avoir le moindre problème. J’avais connu ça avec Frank Vandenbroucke quand il avait quitté Lotto à l’hiver 1994 pour venir chez Mapei. Cela avait fini au tribunal. C’est vrai, je savais que Tom n’était pas heureux. Au début du Tour, je l’avais vu plusieurs fois avec son père traîner à l’hôtel où nous logions à Luxembourg. Mais, je ne voulais pas d’ennuis avec Johan Bruyneel alors j’ai dit à De Geyter que je ne serais d’accord que s’il me ramenait un papier signé et une indemnité de rupture pas trop élevée. Malgré Dirk Demol, Bruyneel a fini par accepter."
Lefevere avancera une indemnité qui s’élèvera à 70.000 €, avant de la retenir mensuellement sur le salaire de celui qu’il vient d’engager pour deux ans mais auquel il proposera bien vite une prolongation revalorisée, persuadé que plusieurs de ses collègues veulent l’attirer.
"On a toujours prolongé le contrat de Tom avant qu’il n’arrive à son terme ", reconnaît Lefevere qui le suivait depuis des années.
C’est naturellement que Tom Boonen est venu au cyclisme. À la charnière des années 70 et 80, son père, André, a été coureur durant six saisons, dans les modestes équipes Mini Flat, Masta ou Eurosoap. À onze ans, le fils aîné (Tom a un frère, Sven de deux ans son cadet) remporte sur le circuit de Zolder des championnats interscolaires, tant sur la route qu’en cyclo-cross. Il débute donc chez les aspirants. Il évolue alors au club de Balen, son village de Campine, à Mol.
"Je le connaissais depuis son plus jeune âge" , se souvient Patrick Lefevere. "Tom était alors aspirant, comme mon fils aîné, Dieter, que je suivais. Tous les deux sont nés en 1980. Yvan Vanmol, notre médecin m’a fait venir un jour dans sa région pour voir une course. Son fils courrait aussi. C’était en Hesbaye. Tom disputait cette course, mais aussi d’autres gars qui étaient au moins aussi forts que lui, Gert Steegmans, Roy Sentjens et Sébastien Rosseler. Avec Tom, ils gagnaient tout dans leur région et même au-delà. Mais, chez les jeunes, les deux premiers battaient régulièrement Boonen."
Ce que confirme Vanmol.
"J’ai vu débarquer Tom dans mon cabinet pour la première fois quand il avait douze ans ", se souvient celui qui, depuis lors, est toujours resté son médecin chez Quick Step. "J’avais déjà soigné son père auparavant, lorsqu’il courrait. Tom avait de grandes capacités physiques, mais pas supérieures à celle de Gert Steegmans par exemple. Si Boonen a réussi sa carrière au-delà des attentes et Steegmans pas, c’est en raison de son exceptionnelle force de caractère, de son tempérament de gagneur. Chez les jeunes, ce n’était pas encore évident."
Au point que quand, quelques années plus tard, Patrick Lefevere réfléchit à lui proposer son premier contrat professionnel, il reçoit un avis négatif.
"Herman Frison dirigeait alors notre équipe espoirs, Saeco-Mapei, qui formait les jeunes. Comme Vansummeren, Van Goolen, Rosseler, Dockx, Kashechkin, Muravyev… Sans doute pour protéger ou favoriser ses propres coureurs, il m’a découragé d’engager Tom et je l’ai écouté" , regrette Lefevere. ‘Il ne fait que suivre, il ne roule jamais, il est trop lourd, il a un gros c… ’ m’a-t-il dit alors. "
Il répond avec les pédales
Une affirmation déjà avancée par José De Cauwer, alors sélectionneur national, pour justifier de ne pas le prendre au mondial espoirs à Plouay. Non retenu, Tom Boonen avait pris sa revanche en gagnant Paris-Tours.
"J’aurais déjà dû en tenir compte, il avait répondu avec les pédales " , reconnaît Lefevere. "En fait, à l’époque, lui courrait dans le club de Courtrai, moins solide que notre équipe ou que les Merckx Boys de Valerio Piva. Il se retrouvait souvent seul dans les finales face à des blocs."
Après un an chez US Postal, Boonen part chez Quick Step-Davitamon après un bras de fer avec la formation américaine. Cette première saison chez Lefevere ne sera pas aussi étincelante qu’espéré, en raison de plusieurs pépins physiques. Boonen finit pourtant 5e du Het Volk qu’écrase sa nouvelle équipe. Jugez-en : cinq hommes s’échappent dont quatre Quick Step. Museeuw gagne, Bettini est 3e, Vandenbroucke 4e devant Boonen. Au milieu du doublé de Peter Van Petegem au Tour des Flandres et à Roubaix, Boonen termine 3e à Gand-Wevelgem où il a commis le péché de jeunesse de lancer le sprint de trop loin. Avant de manquer de peu de battre Erik Zabel sur la 11e étape de la Vuelta, il enlève pourtant son premier succès sous son nouveau maillot lors de la 3e étape du Tour de Belgique, à Haacht.
"C’est une belle victoire mais pas encore une grande" , dit-il.