Vainqueur samedi du Tour de Lombardie, le Français vient d’enchaîner quatre victoires en un plus d’un mois. Pas un hasard Tatouée à l’intérieur d’un biceps droit qui se contracte lorsqu’il brandit le poing rageur du vainqueur, la formule avait quelque chose de prémonitoire. "Solo la victoria è bella" : la maxime que Thibaut Pinot s’est fait graver, en italien, dans la peau a pris un tout autre écho ce samedi, sur les bords du lac de Côme. Vainqueur en solitaire d’un somptueux Tour de Lombardie que Vincenzo Nibali dynamita dans les terribles pentes du mur de Sormano (2 km à près de 16 % avec un passage à 27 %), à près de 50 kilomètres de l’arrivée, le Français de 28 ans a du même coup élargi son registre en remportant la course qu’il considère comme "la plus belle". Catalogué dès sa première participation (10e à Paris en 2012) comme le potentiel prochain vainqueur français du Tour, le Vosgien a démontré qu’il était bien plus qu’un spécialiste des courses par étapes.
1Une équipe branchée classiques
Si Pinot est devenu le premier vainqueur tricolore en Lombardie depuis Laurent Jalabert en 1997, ce n’est sans doute pas un hasard qu’il ait accroché le premier monument de sa carrière sous le maillot de la formation Groupama-FDJ. Son boss, Marc Madiot, est en effet totalement imprégné d’une culture des classiques que l’on dit moins prégnante dans une France qui ne jurerait plus que par la grand-messe de juillet. Le Mayennais, ancien double vainqueur de Paris-Roubaix, sait faire passer dans son discours tout ce qui fait le charme de ces courses qu’il aime tant. Un sens de la transmission qui a porté Arnaud Démare au sacre sur Milan-Sanremo (2016) et Frédéric Guesdon sur l’"Enfer du Nord" (1997). Les deux derniers vainqueurs français de deux autres monuments…
2La Lombardie, un monument pas comme les autres
Toujours installé dans le petit village vosgien de Melisay, Pinot n’aime rien de plus que la quiétude d’un endroit où il aime goûter à la pêche, dans un étang qu’il s’est offert. Une nature paisible qui colle bien à sa personnalité à la vie comme en course. Le coureur de chez Groupama-FDJ n’est pas de ceux qui apprécient jouer des coudes toute la journée dans le peloton pour s’y faire une place. Dernier monument de la saison, le Tour de Lombardie est aussi, selon la majorité du peloton, le plus exigeant. Un tracé sans temps mort qui ne laisse aucune chance aux coureurs en moindre forme ou pas totalement investis mentalement dans l’ultime grand rendez-vous de l’année. L’écrémage s’opère donc très tôt, à la pédale plutôt qu’au placement. Samedi, à 50 kilomètres de l’arrivée, il ne restait ainsi plus qu’une quarantaine de prétendants au pied du mur de Sormano, avant que Vincenzo Nibali ne place une attaque décisive qui le porta en tête de course en compagnie de Pinot (les deux hommes furent ensuite accompagnés, un temps, par Bernal et Roglic).
3 Envoûté par "la plus belle"
En prélude à cette 112e édition du Tour de Lombardie, Thibaut Pinot avait avoué qu’il lui fallait aimer une course et y prendre du plaisir pour parvenir à y exprimer la pleine mesure de son formidable potentiel. Et il n’aime aucune autre épreuve plus que la "classique des feuilles mortes"… "C’est très difficile à expliquer, mais la Lombardie me ressemble totalement. J’y adore tout ! L’ambiance, le tracé, les paysages, les petits villages que l’on traverse… Pour moi, c’est de loin la plus belle. Elle me fascine depuis que je suis gosse. J’ai encore en tête les images du doublé de Bettini et Cunego. Ce sont eux qui m’ont transmis la passion de cette course. Plus largement même, j’adore l’Italie et y courir. J’y aime les gens, la sonorité de la langue, la gastronomie, le café… (rires)"
4Un enchaînement de courses parfait
Pour arriver au mieux de sa forme sur le Tour de Lombardie, Pinot avait choisi de préparer l’échéance sur une forme de mini-tournée italienne. "J’ai couru quatre fois en cinq jours dans la semaine précédant la ‘classique des feuilles mortes’ puisque j’ai enchaîné Tour d’Émilie, GP Beghelli, les Trois Vallée Varésines et Milan-Turin (qu’il a remporté). Une approche idéale qui ressemble un peu à une course par étapes et m’a permis d’élever, au fil des jours, le niveau de ma condition."
5 Une confiance au zénith
Double vainqueur d’étapes sur la dernière Vuelta, Pinot y avait livré les indices d’une condition étincelante qui l’aurait autorisé à revendiquer un autre rôle que celui de lieutenant de luxe pour Julian Alaphilippe sur le dernier Mondial. "J’étais extrêmement fort à Innsbruck mais n’ai pas quitté l’Autriche frustré", assure le Français. "Au départ, tout le monde était d’accord sur la tactique. J’avais, par contre, faim de montrer par la suite ce que je valais moi aussi. Peut être que le rendez-vous arc-en-ciel a exacerbé mon appétit." Vainqueur de la première course d’un jour de sa carrière mercredi dernier sur Milan-Turin, Pinot y avait reçu la confirmation de son état de grâce. "Dès les premiers coups de pédale samedi, jai senti que j’étais sur un nuage… La clé, c’était d’attaquer. Je me suis forcé à rester calme puis, lorsque Nibali a attaqué dans Sormano, j’ai dit ‘bingo !’ Gagner en solitaire ici devant Vincenzo, c’est comme un rêve…"