La Sky dit stop: quelles conséquences pour l’avenir de l’équipe?
Avec l’annonce du retrait de son sponsor titre fin 2019, l’avenir du Team Sky s’écrit en pointillés et soulève plusieurs questions.
- Publié le 13-12-2018 à 07h38
- Mis à jour le 13-12-2018 à 11h39
Avec l’annonce du retrait de son sponsor titre fin 2019, l’avenir du Team Sky s’écrit en pointillés et soulève plusieurs questions. Quand l’équipe la plus riche de l’histoire du cyclisme voit son principal bailleur de fonds quitter le navire, c’est, forcément, une petite révolution qui s’annonce. Officialisé mercredi matin, le retrait de Sky comme sponsor principal de la formation sextuple lauréate du Tour de France au 31 décembre 2019 soulève une série de questions.
1. Pourquoi la société Sky a-t-elle décidé de quitter le cyclisme ?
Sans entrer dans tous les détails économiques de l’évolution de l’actionnariat du plus important bouquet TV payant en Europe, l’essentiel est de savoir que celui-ci est passé sous pavillon américain début octobre puisque le groupe Comcast (propriétaire de NBC) en est devenu l’actionnaire principal. Un changement important qui impacte toute la stratégie globale et marketing du groupe. Autrefois propriété de Rupert Murdoch, Sky s’était investi dans le cyclisme sur les conseils du fils du magnat des médias, James, fou de vélo. "Le cyclisme ne parle pas beaucoup aux Américains, analyse Rik de Veirman, directeur de l’agence A New Agency World spécialisée dans le marketing sportif. Ce retrait tient donc d’un changement de cap radical en matière de sponsoring. Car bien que Sky se soit investi depuis maintenant neuf saisons dans le cyclisme (NdlR : le Team Sky a été créé en 2010), sa position dominante reste porteuse en termes de notoriété. Si cette société n’était pas passée sous pavillon américain, il aurait par exemple été judicieux pour elle de demeurer dans le vélo en qualité de co-sponsor par exemple."
2. Quels coureurs sont sous contrat avec la structure britannique au-delà de 2019 ?
Douze des vingt-huit coureurs qui porteront le maillot du Team Sky en 2019 possèdent un contrat allant au-delà de la prochaine saison. Après Froome, en juin 2017, qui avait prolongé son engagement jusqu’à fin 2020 pour un salaire flirtant avec les 5 millions d’euros annuels, Geraint Thomas avait fait monter les enchères l’été dernier en profitant de son succès sur le Tour et de l’intérêt de plusieurs autres écuries, dont la future formation CCC de Greg Van Avermaet, pour finalement apposer sa signature au bas d’un bail portant jusque 2021. Début octobre, Dave Brailsford avait présenté fièrement la prolongation hors norme de sa pépite colombienne Egan Bernal pour… les cinq prochaines saisons. Kwiatkowski (2020), Moscon (2020) ou Rowe (2021) sont les autres grands noms liés à long terme avec Tour Racing Limited, la société qui possède et pilote le Team Sky et dont la structure sera, elle aussi, amenée à évoluer puisqu’elle était directement propriété à 85 % de Sky.
3. Cette annonce est-elle susceptible de, déjà, agiter le prochain marché des transferts ?
Annoncé mardi soir aux coureurs et membres du staff lors d’un des premiers rassemblements collectifs organisé à Majorque, le retrait de Sky n’a pas encore fait chauffer les téléphones des différents managers d’équipes et de coureurs. La donne pourrait toutefois être très différente si l’officialisation d’un nouveau partenaire ne tombait avant la fin du mois d’avril, une période traditionnellement charnière dans les premières tractations et mouvements du mercato. Si, dans son communiqué officiel, le Team Sky a précisé que le futur de l’équipe serait déterminé avant le début du prochain Tour de France, le 6 juillet à Bruxelles, Dave Brailsford devra assurément apporter certaines garanties à ses hommes (du moins ceux en fin de contrat au 31 décembre 2019) avant cette date s’il souhaite éviter un exode semblable à celui dont fut victime BMC, où les Teuns, Dennis ou Porte n’avaient pas attendu juillet pour décider de leur avenir.
4. Comment les stars du Team Sky ont-elles accueilli la nouvelle ?
En dépit de la victoire de son équipier Geraint Thomas sur le dernier Tour de France, Christopher Froome demeure la tête de gondole du Team Sky avec ses six succès en grands tours mais aussi le leader naturel dans la vie du groupe de coureurs. "Même si on ne peut jamais prédire le futur, nous voulons tout faire pour rester ensemble en 2020, a commenté le Britannique sur son compte Twitter. Nous avons de grandes ambitions pour 2019 et cette nouvelle ne va faire qu’accroître un peu plus notre motivation. Mais nous ne sommes pas du tout finis ! Cette équipe est spéciale. Nous évoluerons peut-être sous d’autres couleurs en 2020 et avec un autre nom sur notre maillot, mais nos valeurs resteront alors intactes."
5. Sera-t-il aisé pour Dave Brailsford de trouver un nouveau partenaire ?
Si plusieurs études marketing ont déjà démontré que le cyclisme offre le meilleur rapport sur investissement pour un partenaire, Dave Brailsford devra toutefois s’armer de son bâton de pélerin et d’une bonne dose de courage et de patience pour dénicher de nouveaux sponsors dans les prochains mois. En dépit des 73 succès de ses hommes en 2018, Patrick Lefevere a, par exemple, dû s’escrimer jusque début octobre pour dégoter un nouveau partenaire (Deceuninck) lui permettant de boucler un budget toutefois revu à la baisse. Jim Ochowicz, lui, n’a pu valider la pérennité de la structure BMC (qui debviendra CCC) que durant le dernier Tour de France. " La mission de Dave Brailsford ne sera pas simple d’autant, qu’il se met en quête d’un partenaire prêt à s’engager, idéalement, pour un bail de trois ans ou plus sur une base annuelle de près de 40 millions d’euros, commente Rik De Veirman, spécialisé en marketing sportif. On parle donc ici d’un contrat à 120 millions si on demeure sur la base des mêmes standards et d’un grand partenaire titre ! C’est colossal et peu de sociétés dans le monde peuvent délier à ce point les cordons de leur bourse." Entre le paquet mystère livré à Bradley Wiggins avant le Tour 2012, le contrôle anormal de Chris Froome sur la Vuelta 2017 et ce que certains présentent comme la "robotisation" de coureurs trop captivés par l’écran de leur capteur de puissance, l’image de l’équipe bleu-azur s’est considérablement fissurée depuis un peu plus d’un an sur le Continent mais aussi en Angleterre. "Le cyclisme y est toutefois présenté comme le nouveau golf et poursuit son boum, mais le Brexit pourrait compliquer la donne", conclut Rik De Veirman. Selon certains échos, la banque HSBC, déjà partenaire de la fédération britannique, constituerait une piste de choix.