La revanche de De Clercq
Après plus de 500 jours sans course, le coureur de Wanty-Groupe Gobert a retrouvé la compétition à Oman grâce à une hanche artificielle.
- Publié le 19-02-2019 à 07h51
- Mis à jour le 19-02-2019 à 08h01
Après plus de 500 jours sans course, le coureur de Wanty-Groupe Gobert a retrouvé la compétition à Oman grâce à une hanche artificielle.
Le bonheur a parfois de bien drôles de contours. Assis au fond d’une chaise de toile que son soigneur a dépliée sur les hauteurs de Qurayyat, au milieu d’une immense étendue où seule la roche semble la bienvenue, Bart De Clercq a les yeux encore rougis par l’effort et les jambes cerclées de veines apparentes. Classé 84e d’une 3e étape du Tour d’Oman marquée par un coup de bordure à plus de cinquante kilomètres de l’arrivée et un rythme endiablé dans la finale qui l’a renvoyé à près d’un quart d’heure du vainqueur du jour, Lutsenko, le citoyen de Herzele ne peut réprimer un sourire lorsqu’on l’invite à commenter sa journée. "On s’est fait piéger par une cassure et il ne m’a vraiment pas manqué grand-chose pour faire la jonction avec les favoris dans l’avant-dernière ascension (2,8 km à 6,5 %), mais je suis globalement satisfait de ma journée."
C’est que le coureur de chez Wanty-Groupe Gobert sait d’où il revient. Plus de 500 jours après avoir épinglé son dernier dossard, l’ancien vainqueur d’étape du Giro a conclu une interminable traversée du désert dans l’environnement aride du Tour d’Oman où il a renoué avec la compétition… grâce à une hanche artificielle.
"J’ai été victime d’une chute à l’entraînement le 2 janvier 2018, rembobine De Clercq. Lors d’une sortie avec ma compagne (NdlR : Sofie De Vuyst, pro chez Parkhotel Valkenburg), j’effectuais un demi-tour lorsque ma roue avant a glissé. Je suis tombé sur mon côté gauche avec toute la force de l’impact sur la hanche. J’ai compris que c’était grave lorsque j’ai constaté que je ne pouvais pas me relever. Après quelques minutes au sol, j’ai voulu me faire glisser vers le trottoir, mais même cela m’était impossible. Ma hanche était fracturée. J’ai déjà valsé dans le décor à plus de 60 km/h sans rien me casser et voilà qu’une glissade à l’allure d’un piéton me promettait une longue et incertaine revalidation..."
Opéré une première fois afin de consolider l’articulation à l’aide de vis et de broches, le coureur de chez Wanty-Groupe Gobert se retrouve contraint à une longue immobilisation.
"Durant six semaines, je n’ai pas pu poser mon pied au sol. Nous avions alors installé un lit médicalisé dans le salon de la maison et j’avais le sentiment d’être un vieil homme de plus de 80 ans plutôt qu’un sportif professionnel… Je voyais ma masse musculaire fondre au fil des jours et pouvais très difficilement dormir puisque je ne pouvais en aucun cas m’installer sur le flanc. L’option du placement d’une hanche artificielle m’avait déjà été proposée à l’époque, mais je voulais d’abord tenter de guérir de manière ‘naturelle’. Je ne regrette pas mon choix, même si cela a allongé le processus…"
C’est que plusieurs complications contraignent les médecins à une seconde intervention par arthroscopie en juin.
"Le cartilage avait tendance à disparaître dangereusement. Le chirurgien a donc essayé d’utiliser des cellules souches de la moelle osseuse, mais le résultat n’a pas été celui escompté. Nous avons donc opté pour la dernière option : une prothèse en titane."
Un spectre qui n’effraie pas le Flandrien.
"Je m’étais beaucoup documenté sur le sujet et savais que cela ne devrait, si tout se passait bien, pas m’empêcher de redevenir coureur pro. Durant la traversée de ce long tunnel, cette perspective a toujours été mon phare. J’ai réalisé un peu plus à quel point j’aime ce sport et ma vie de cycliste professionnel et n’ai jamais imaginé ne pas remonter sur un vélo. Deux jours après cette troisième opération (NdlR : le 16 octobre dernier), j’étais sur un home-trainer à l’hôpital avec le kiné. Après deux ou trois semaines, j’ai pu à nouveau enfourcher mon vélo de course sur les rouleaux. Quatre semaines après l’intervention, je regoûtais à une sortie au grand air. Et samedi, lors de la première étape de ce Tour d’Oman, j’ai renoué avec la compétition quatre mois après que cette hanche artificielle est venue sauver ma carrière. Une date anniversaire, en forme de clin d’œil..."
Le rêve du Tour de France
Classé deux fois dans le top 20 de la Vuelta (2012 et 2015), Bart De Clercq rêve de goûter à un autre grand tour cette saison. “Participer au Tour de France constituerait une manière de définitivement clore ce chapitre noir de ma carrière, commente le Flandrien. Je ne me fixe toutefois pas d’objectif à trop longue échéance car j’ai appris que ceux-ci pouvaient s’envoler en un instant. Les rechutes dans le processus de revalidation sont ce qu’il y a de plus difficile à vivre. Je présente encore un déséquilibre musculaire entre mes deux jambes, mais cela va doucement se résorber. Je ne ressens aucune douleur, ni sensation particulière au niveau de ma nouvelle hanche et suis heureux de constater que j’ai rapidement retrouvé mes réflexes au cœur du peloton. La peur de la chute ne me paralyse pas davantage. Bref, jusqu’ici, tout va bien (rires).”