Julian Alaphilipe lance sa saison: "Je remets les compteurs à zéro"

Julian, vous reprenez la compétition sur le Tour de San Juan. Dans quel état d’esprit ?

"Sans pression mais avec une grande motivation. Par rapport à l’an passé, j’ai décidé de reprendre les courses plus tôt. Il y a un an, j’avais repris en Colombie, en février. J’ai coupé plus longtemps cet hiver et j’ai voulu reprendre plus tôt. Et puis, j’aime découvrir de nouvelles épreuves. Cela me tentait de courir en Argentine. Cette reprise fait donc partie de ma préparation, avec l’envie de retrouver la compétition sans trop de pression. Mais je ne vais pas dire que je reprends sans ambition, car je ne prends jamais le départ d’une course sans ambition. Si je peux gagner, je le ferai sans hésiter. L’an passé, ma première victoire de la saison, je l’avais obtenue sur ma première course, en Colombie. C’était une surprise, mais cela voulait dire que j’avais eu une bonne préparation hivernale. Ce Tour de San Juan n’est donc pas l’objectif prioritaire de ma saison. Mais cela me fera un bon bloc de travail en Amérique du Sud avec l’enchaînement avec le Tour de Colombie (le 12 février, NdlR)."

Il y aura d’autres changements dans votre programme cette saison ?

"Je vais rester sur le même profil de programme que l’an passé. Avec les classiques ardennaises et le Tour de France. Mais je ne vise pas que cela. Il y a plein d’autres choses à faire sur une saison ! Il y aura cependant quelques changements. Comme ce début en Argentine. J’ai aussi envie de découvrir plus de courses italiennes. Je ne ferai donc pas Paris-Nice pour pouvoir disputer les Strade Bianche et Tirreno-Adriatico avant Milan Sanremo. Après mon bloc de courses en Amérique du Sud, loin de la pression médiatique, cela me fera un deuxième bon bloc d’épreuves en Italie. Pour le reste, je referai le Tour du Pays basque juste avant les classiques wallonnes."

Quel regard portez-vous sur votre saison 2018 ?

"Je me dis que j’ai placé la barre assez haut ! Et que ce sera difficile de faire aussi bien cette saison. Mais je vais essayer. Je suis très heureux de ce que j’ai réussi l’an passé. Je suis content de mes victoires, mais aussi de toutes les émotions que j’ai pu vivre avec cette belle saison. C’était beau. Mais nous sommes en 2019. Maintenant, je dois remettre le compteur à zéro. Pour repartir sur une nouvelle saison. Avec, je l’espère, le même élan."

Vous arrivez en fin de contrat dans la formation de Patrick Lefevere. Vous pensez déjà à votre équipe pour la saison prochaine ?

"Non. Je suis épanoui dans cette équipe. J’attaque ma sixième année dans ce team, je m’entends très bien avec tout le monde. Il y a une atmosphère familiale qui me correspond très bien. Tout comme j’apprécie beaucoup cette mentalité de toujours vouloir gagner, de faire la course de manière agressive. Tout cela me plaît. Changer d’équipe n’est donc pas une question que je me pose pour l’instant. Je ne pense donc pour le moment qu’à ma reprise de la compétition."

"Je me sens plus fort"

Il estime avoir franchi un sérieux cap l’an passé.

Le vainqueur de la dernière Flèche Wallonne a plus confiance en lui.

Julian, vous n’aurez plus Jungels avec vous sur les classiques ardennaises, puisqu’il se tourne vers les Flandriennes…

"Oui, je vais moins courir avec lui et c’est dommage, car je m’entends très bien avec Bob. Dans les courses et en dehors. Il a ses objectifs et j’ai les miens. Il a décidé de retourner sur le Giro, qui lui convient sans doute mieux que le Tour de France. Mais je reste persuadé que nous aurons un groupe fort au départ des classiques ardennaises."

Après une solide saison 2018, vous craignez de vivre une année sans ?

"Je n’ai qu’une seule envie, c’est de refaire le même type de saison qu’en 2018. Mais je sais que ce sera compliqué, que ce sera difficile. Et je sais aussi qu’une année moins bonne peut arriver. C’est le vélo. Tu peux être malade, tu peux être blessé, tu peux avoir des contretemps qui font que les mauvais résultats s’enchaînent. Un ensemble qui, au bout du compte, peut mener à une saison moyenne. J’espère ne pas vivre ça, mais je sais que cela peut arriver."

Vous vous sentez plus fort après cette saison 2018 ?

"Oui, j’ai senti que j’ai franchi un cap l’an passé. Cela m’a aidé à enchaîner les victoires. J’ai toujours été constant dans mes résultats, mais il y a eu une grosse différence l’an passé. Je l’avais senti directement, dès ma victoire en Colombie. Cela m’avait mis en confiance, cela m’avait confirmé que j’avais une bonne préparation dans les jambes et cela a bien lancé ma saison. Après tout s’est enchaîné, j’étais dans une spirale positive."

Ce nouveau cap franchi, comment se traduit-il en course ?

"Il me permet d’être plus tranquille. Plus serein. Car je me sens plus fort dans mes attaques, dans mes sensations. Je suis désormais capable de faire des efforts plus violents qu’avant. Et au bon moment. Cela fait partie d’une évolution. On ne gagne pas une course comme la Flèche Wallonne ou une étape du Tour de France du jour au lendemain. Je me souviens de mon premier Tour en 2016. J’y avais fait des échappées, je n’étais pas loin de gagner, mais il me manquait quelque chose. J’ai comblé ce manque, désormais. Et cela m’a permis de gagner et de ne plus être deuxième, troisième ou quatrième comme avant."

C’était lassant, toutes ces places d’honneur. Ou vous sentiez que ces grandes victoires se rapprochaient ?

"Je ne vais pas dire que je sentais que j’allais gagner, mais je travaillais dur pour y arriver et j’y ai toujours cru. Quand on ne lâche rien et qu’on bosse avec sérieux, on a des chances d’y arriver. Je dois continuer comme ça. C’est d’ailleurs ce qui est difficile. Ne pas se contenter d’une saison comme celle de 2018, mais garder cette volonté de gagner et de rester au plus haut niveau."

"Remco sera à la hauteur"

Julien Alaphilippe est un des leaders du cyclisme international. Qui reste jeune, puisqu’il n’a que 26 ans. Mais il va assister de près aux premiers pas chez les pros d’un coureur bien plus jeune que lui : son coéquipier Remco Evenepoel. Que pense-t-il de lui ? "Qu’il a du niveau, ses résultats chez les juniors l’ont montré", répond-il. "Maintenant, il arrive très tôt chez les pros. Il y a un monde de différence entre le peloton des juniors et celui des coureurs du WorldTour. Il va donc découvrir un nouveau monde. Il faut lui laisser du temps." Mais Julian Alaphilippe comprend que le jeune Belge soit passé chez les pros assez tôt. "Quand on te propose de passer pro, c’est difficile de refuser !", précise-t-il. "Surtout qu’il va être très bien encadré dans notre équipe Deceuninck-Quick Step. Avec un staff qui fait attention à lui, avec un programme de courses qui ne sera pas trop chargé. Il est là pour découvrir, personne ne va lui mettre la pression pour cette première saison chez les pros, il doit apprendre le métier. Il faut lui laisser faire ses débuts tranquillement. J’espère qu’il prendra du plaisir. Je suis curieux de voir comment il va s’adapter. Mais on peut avoir confiance en lui. Il sera à la hauteur. Il a un très bon niveau à l’entraînement. Il est super motivé. Il doit ressentir beaucoup d’excitation à l’idée de débuter avec un tel maillot ! Nous n’avons pas le même parcours. À 18 ans, je n’avais pas du tout son niveau ! Je sortais d’un apprentissage, je travaillais, je venais de signer à l’armée… Lui, il a démontré tout son talent chez les juniors. Qu’il doit désormais montrer, à son rythme, chez les pros. Mais nous serons là pour l’aider."