Coups de coeur et coups de griffes: l’année cyclisme 2018 dans le rétro
Retour sur quelques-uns des principaux exploits qui ont marqué la saison cycliste écoulée ainsi que sur plusieurs affaires et drames qui l’ont empoisonnée ou ternie.
- Publié le 29-12-2018 à 08h08
- Mis à jour le 29-12-2018 à 11h22
Retour sur quelques-uns des principaux exploits qui ont marqué la saison cycliste écoulée ainsi que sur plusieurs affaires et drames qui l’ont empoisonnée ou ternie.
Coups de coeur
À Philippe Gilbert, la palme du courage
L’image est restée gravée dans toutes les mémoires. Celle de Philippe Gilbert, abordant seul en tête un peu trop rapidement un des premiers lacets de la descente du col de Portet d’Aspet, dans la 16e étape du Tour. Le Liégeois a raté ce virage, a percuté un petit muret et basculé dans le ravin. Le monde a retenu son souffle, tandis que ses anciens compagnons d’échappée passaient devant le lieu d’un drame qu’ils ignoraient. Plusieurs minutes plus tard, Gilbert, groggy, fut remonté par des suiveurs. Le temps de rassurer les caméras et le Wallon repartait pour les 65 derniers kilomètres d’une étape devenue calvaire. À l’arrivée, en 142e position, à 31 minutes du premier, il tomba en larmes dans les bras de Julian Alaphilippe qui s’était imposé. Le genou bandé et ensanglanté, il monta sur le podium pour y recevoir le prix de la combativité. Mais la douleur était la plus forte. Emmené à l’hôpital, l’ancien champion du monde dut bien se résoudre à l’évidence. Il souffrait d’une fracture de la rotule gauche qui le contraignit à abandonner. Huit semaines plus tard, Philippe Gilbert revenait à la compétition, à Isbergues. Où l’Ardennais s’imposa !
Quand Chris Froome fait boum
Le 25 mai au matin, le Tour d’Italie, qui en est à sa 19e étape, semble joué. Victorieux de trois étapes, maillot rose depuis treize jours, Simon Yates est bien parti. Pourtant, dans cette difficile antépénultième journée dans les Dolomites, le Britannique est d’emblée en difficulté. Le drame se joue, il reste 87 kilomètres lorsqu’il est scotché à la route dans le Colle delle Finestre. Yates sombre et rejoindra l’arrivée avec 38 : 51 de retard. Tom Dumoulin, vainqueur un an plus tôt, devient le virtuel leader. À huit kilomètres du sommet du col de Finestre, Chris Froome décolle. Au moment où la route devient un mauvais chemin empierré. Il reste 80 kilomètres et encore deux ascensions. Les écarts ne cesseront de grandir. Froome effectue en solitaire un exploit peu commun. Le plus grand sans doute jamais réalisé par le Kenyan Blanc peu adepte du panache. Cette 19e étape entre dans les annales. Elle nous replonge à l’époque où les courses n’étaient pas téléguidées, aseptisées, où elles étaient ouvertes à la folie, aux exploits et aux coups de panache. Il était 4e du général, avec 3:22 de retard, le voici leader avec 40 secondes d’avance sur Dumoulin. Un avantage qu’il maintiendra pour enlever son 3e grand tour.
Les Quick Step avaient une faim de loup
Jamais dans l’époque moderne, une équipe n’avait autant gagné que la Quick Step Floors cette saison. Les hommes de Patrick Lefevere ont enlevé en 2018 pas moins de 73 victoires du calendrier UCI, dont trente-huit d’une course WorldTour, reléguant très loin leurs suivants (Sky avec 43, Mitchelton avec 37…). Surtout ils ont effacé des tablettes les 71 succès conquis par les coureurs de Mapei, en 2000. Une formation dirigée alors par… Patrick Lefevere. The Wolfpack (la meute de loups) n’a jamais été rassasiée. Cette gargantuesque orgie a commencé en janvier dès la 3e étape du Tour Down Under où Viviani s’était imposé, pour se terminer en Chine, neuf mois plus tard le 21 octobre, au Tour de Guangxi, où Fabio Jakobsen enleva la 6e étape. Entre-temps, au rythme d’un succès tous les quatre jours, douze autres coureurs ont apporté chacun leur pierre à l’édifice : Samyn, Nokere, Handzame, La Panne, Harelbeke, À Travers les Flandres, Tour des Flandres, Escaut, Flèche wallonne, Liège-Bastogne-Liège, San Sebastian, Hambourg, Isbergues, les Tours de Dubaï, Grande-Bretagne, Slovaquie… Sans compter des championnats nationaux, une kyrielle d’étapes sur les Grands Tours et la médaille d’or du mondial de chrono… par équipes.
Coups de griffes
Le cyclisme empoisonné par le cas Froome
Le lundi 2 juillet, cinq jours avant le départ du Tour de France, l’UCI publie un communiqué dans lequel la fédération internationale explique que Christopher Froome a été blanchi par le Tribunal antidopage indépendant de l’UCI, dix mois après un contrôle anormal au salbutamol. Ainsi se termine une triste affaire qui a empoisonné des mois durant le cyclisme à la suite d’un contrôle urinaire aux résultats anormaux, subi par le Britannique lors d’une des étapes du Tour d’Espagne précédent, que Froome a d’ailleurs remporté. Des traces de salbutamol, un bronchodilatateur, à proportion de 2 000 nanogrammes par millilitre, soit le double de la limite autorisée, étaient apparues. La nouvelle connue (deux mois après le contrôle), Froome s’était défendu, arguant de la prise, dans des doses permises et prescrites, de Ventoline (dans laquelle se trouve du salbutamol) pour soigner son asthme à l’effort, une maladie répandue chez les sportifs d’efforts longs. Tandis que, comme les règlements l’y autorisaient, Chris Froome courait (et gagnait le Giro), que son équipe Sky ne l’écartait pas, l’affaire dura, s’englua, s’empêtra, et la polémique enfla. Les uns et les autres y allant de leur appréciation, de leur commentaire, provoquant une nouvelle publicité négative pour le cyclisme, principale victime une fois encore.
Quand le rêve tourne au cauchemar
La saison 2018 a malheureusement été tragiquement marquée par la disparition de deux jeunes coureurs belges, emportés par un arrêt cardiaque. Des décès venus s’ajouter à une trop longue liste. Le Tournaisien Jimmy Duquennoy est décédé inopinément, chez lui, début octobre, alors qu’il regardait la télévision avec sa compagne. Le coureur de l’équipe wallonne WB-Aqua Protect-Veranclassic avait 23 ans et n’avait pu être ranimé. Même s’il avait programmé de faire un pas en arrière en 2019 en quittant le cyclisme professionnel pour continuer à courir pour son plaisir, le Hennuyer avait réalisé son rêve d’enfant en se glissant dans une longue échappée lors de Paris-Roubaix, le 8 avril. C’est précisément lors de la Reine des Classiques, également la course de ses rêves, que Michael Goolaerts perdit la vie. Tandis que Duquennoy s’escrimait devant le peloton, le coéquipier de Wout Van Aert fut victime d’une crise cardiaque avant de s’effondrer dans le deuxième des 29 secteurs pavés, à Viesly. Pris en charge par les services médicaux de la course, l’Anversois, 23 ans lui aussi, avait été héliporté à Lille, où il devait décéder dans la soirée. Deux drames qui s’ajoutent à tous ceux, moins tragiques heureusement, qui ont touché les trop nombreux cyclistes, coureurs ou non, de toutes les catégories, victimes de plus en plus souvent d’accidents avec des véhicules sur des routes de moins en moins accueillantes.
Le sport cycliste a aussi ses hooligans
Il y a toujours eu, et partout, des imbéciles. Le Tour de France 2018 nous l’a démontré une fois encore et singulièrement lors de l’étape de l’Alpe d’Huez, marquée par de trop nombreux incidents. La Grande Boucle se hissait pour la trentième fois de son histoire sur les fameux 21 virages menant à la station de l’Oisans et, malheureusement, la finale de cette 12e étape, normalement légendaire, fut marquée par le triste comportement de nombreux pseudo-supporters aux gestes honteux et déplacés dans une épreuve sportive. Le cyclisme et ses coureurs ne méritaient pas cela de la part de ces hooligans, excités par l’effet d’un mauvais cocktail composé d’alcool, d’une longue attente, de drogue et de soleil, qui insultèrent (et même frappèrent ou tentèrent de le faire) Chris Froome, le maillot jaune Geraint Thomas et les Sky dans leur ensemble. Une petite minorité qui gêna aussi l’ascension de tous les autres concurrents, les plongeant régulièrement dans l’opacité et l’air irrespirable des fumigènes que ces idiots allument à défaut de pouvoir briller autrement. Vincenzo Nibali, un des favoris du Tour, fut la principale victime de ces débordements (fracture de la 10e vertèbre) qui suscitèrent la nausée et la gueule de bois chez tous les amoureux et passionnés du sport cycliste.