Comment les Strade Bianche sont devenues le sixième monument de la saison
En un peu plus de dix ans, l’épreuve italienne est devenue l’une des courses préférées des stars du peloton et l’un des rendez-vous les plus attendus du calendrier.
- Publié le 08-03-2019 à 08h08
- Mis à jour le 08-03-2019 à 16h15
En un peu plus de dix ans, l’épreuve italienne est devenue l’une des courses préférées des stars du peloton et l’un des rendez-vous les plus attendus du calendrier. Présentées comme "l’une des plus belles courses de la saison" par Greg Van Avermaet, comme "l’un des moments auxquels je songe pendant mes longs entraînements hivernaux" par Tiesj Benoot ou encore érigée en épreuve dont on "sous-estime totalement la beauté en Belgique" aux yeux de Tim Wellens, les Strade Bianche sont parvenues à faire l’unanimité dans le peloton en un peu plus de dix ans. Construites sur les fondations d’une épreuve vintage pour cyclos nostalgiques désireux de s’attaquer aux pentes toscanes sur des vélos d’antan et en tenues d’époque (L’Eroica), les Routes blanches sont, en dépit d’un parfum très historique, l’une des dernières nées du calendrier international. Comment donc cette course créée en 2007 et dont on disputera la 13e édition ce samedi a-t-elle réussi à s’ériger aux yeux de beaucoup comme le sixième monument de la saison cycliste ? Analyse.
1. Un plateau cinq étoiles
Thomas, Gaviria, Benoot, Wellens, Fuglsang, Nibali, Van Avermaet, Alaphilippe, Stybar, Van Aert, Moscon, Mollema, Rui Costa : si Peter Sagan a décidé cette année de faire l’impasse sur les Strade pour la première fois depuis 2011 et que le champion du monde Alejandro Valverde a été contraint au forfait en raison d’une maladie contractée au retour des Émirats arabes unis, rares sont les épreuves du calendrier à pouvoir présenter un plateau mêlant vainqueurs de grands tours, spécialistes des classiques ardennaises et dévoreurs de pavés. "L’année dernière, des gars comme Bardet ou Dumoulin complétaient même l’affiche", commente Tiesj Benoot, le dernier vainqueur sur la Piazzo del Campo. "Je ne vois franchement pas quelle autre course peut avancer un plateau aussi éclectique. Si les Strade parviennent à attirer autant de grands noms, c’est parce qu’elles proposent un condensé de tout ce qui fait la beauté de ce sport et autorisent des coureurs aux profils très différents à nourrir de grandes ambitions."
2. Un parcours de cartes postales
Entre les ruelles de Sienne figées dans un charme intemporel, les vignobles du Chianti au bord desquels les pins élancés semblent tenter d’aller chatouiller les nuages et la majestuosité de l’arrivée tracée sur la Piazzo del Campo, le tracé des Strade Bianche a les allures d’un spot publicitaire pour la Toscane et libère un doux parfum d’Italie. "Même si nous n’avons pas le temps de profiter des paysages en course, on mesure tout de même que l’on évolue dans un environnement exceptionnel, juge Greg van Avermaet. Le finish sur la Piazzo del Campo est sans conteste l’un des plus beaux de la saison avec celui de l’étape du Tour sur les Champs-Élysées et participe pleinement à la magie de cette épreuve."
3. Une dimension héroïque
Au moment de franchir la ligne d’arrivée de l’édition 2018, un rictus mêlant la plénitude d’un bonheur intense et la souffrance d’une course harassante avait fait craqueler en un instant le masque de cette boue argileuse qui collait au visage de Tiesj Benoot depuis plusieurs heures déjà. Transformés en cloaque par des journées de pluies diluviennes et la fonte d’une neige qui habillait encore les collines toscanes deux jours avant l’épreuve, les onze secteurs (pour une soixantaine de kilomètres) de chemins empierrés semblaient dérouler un ruban de boue sur les vallons du Chianti. Équipés de roues carbone dernier cri ou de dérailleurs électriques, les cinquante coureurs (deux tiers du peloton ont abandonné l’année dernière !) qui ont vu l’arrivée il y a douze mois semblaient avoir retrouvé la condition des pionniers du cyclisme, ces forçats de la route qui luttaient autant contre les éléments que face à leurs adversaires. "Un parfum d’héroïsme qui donne une autre saveur à l’exploit", juge ainsi Greg Van Aermaet, six fois dans le top 10 en huit participations.
4. Une course ouverte, difficile à contrôler
À mesure que s’égraine le chapelet de ces routes blanches, le tracé des Strade Bianche semble concasser le peloton en de multiples fragments. Une course d’usure qui élimine rapidement bon nombre d’équipiers et transforme très vite l’épreuve en un affrontement d’hommes forts. "Tactiquement, cette épreuve présente de nombreuses singularités, juge Greg Van Avermaet. Il faut un peu d’expérience pour en maîtriser les codes."
Loin des plans tactiques figés dans le marbre, la science de la course, le flair et la capacité d’improvisation sont le plus souvent magnifiés dans une course pratiquement impossible à contrôler.
5. Une épreuve sans temps morts
Avec ses 63 bornes de chemin de dolomie pour un kilométrage total de 184 km, c’est près d’un tiers du parcours qui est composé de ses mythiques routes blanches. "Il n’y a pratiquement aucun temps mort dans la course, juge Tiesj Benoot. C’est intense. Beaucoup sous-estiment l’exigence d’un tracé qui compte près de 3 000 mètres de dénivelé positif et propose des pentes à 16 % à 500 mètres de la ligne d’arrivée."
Greg Van Avermaet apprécierait, pour sa part, que la distance soit accrue. "Cette course mériterait d’être disputée sur une distance plus longue, histoire de se rapprocher encore plus des grandes classiques de la saison."
Et de définitivement être érigée en monument.