"Yanina doit s’inspirer de Sharapova"
Qui se cache exactement derrière Wickmayer ? Michel Bouhoulle, son coach, nous l’a révélé à Melbourne. Interview avec le coach d'une revenante.
- Publié le 22-01-2015 à 19h31
- Mis à jour le 22-01-2015 à 19h37
Qui se cache exactement derrière Wickmayer ? Michel Bouhoulle, son coach, nous l’a révélé à Melbourne. "Je ne l’aurais pas cru", n’a-t-elle pas hésité à dire. Il n’y avait plus qu’une Belge à l’Australian Open après deux tours et quatre jours de tournoi. Il s’agissait de Yanina Wickmayer (WTA 80). Après une année difficile marquée par la maladie de Lyme et une chute au classement WTA, l’Anversoise, 25 ans, aspire à un nouveau départ. Mais au fond, qui se cache exactement derrière la n°2 belge ? Michel Bouhoulle, son nouveau coach, a levé un coin du voile.
Michel, Yanina nous a dit qu’elle ne s’attendait pas à être la dernière Belge à Melbourne. Êtes-vous aussi étonné qu’elle soit au troisième tour ici ?
"Non. Je ne suis pas surpris. Lorsque j’ai vu le tirage au sort, je trouvais que le tableau était assez ouvert pour elle si elle passait le premier tour. C’est vrai que Yanina a démarré la saison en mode mineur, mais ce n’est pas facile. On cherche des repères, on cherche des victoires… Elle n’a pas joué son meilleur tennis ici, mais elle s’est battue. Et elle est récompensée. C’est ce que je lui ai dit. En début de saison, il faut plutôt s’attendre à jouer mal que bien. Et si on comprend ça, on n’aura pas de frustrations. Après, être la dernière Belge, c’est bien mais c’est anecdotique…"
Avez-vous été surpris par la défaite de David Goffin ?
"Oui. Je m’attendais à ce qu’il batte Baghdatis. Mais bon, Baghdatis reste Baghdatis. Il faut le jouer. La logique voudrait que ce soit David qui aille le plus loin par rapport à son statut et à son niveau, mais c’est tout de même nettement plus dur du côté masculin. Il ne faut pas se le cacher…"
Comment l’avez-vous retrouvée lorsque vous avez recommencé à travailler avec elle fin de l’année dernière ?
"De par la chance que j’ai de la connaître depuis très longtemps, je peux plus facilement la toucher sur des points qu’elle n’accepterait pas d’autres personnes. Sa grande force, c’est son insouciance, le fait qu’elle n’ait peur de rien et de personne. Elle a aussi un mental d’acier. Ces deux choses s’étaient toutefois un peu étiolées. Je lui ai aussi rappelé que son rêve premier, depuis toute petite, c’était de rentrer dans le Top 10 . Vu ce qui lui est arrivé dans sa vie, elle a parfois perdu le fil conducteur."
À quoi fonctionne Yanina Wickmayer ? On dit souvent que les filles, c’est très émotif…
"Yanina a besoin de beaucoup de structure, de stabilité. Et ça, elle n’en a quasiment jamais eu. C’est ce que nous avons essayé de mettre en place avec l’aide de SDA et le Tennis Club du Bercuit. Même si elle a beaucoup de caractère, Yanina aime bien être dirigée. C’est une fille qui marche également beaucoup à l’humain. Il faut la mettre en confiance. Quand on voit que Panova, 150e mondiale, a failli battre Sharapova, on se dit que chez les filles, tout est possible. Il faut y croire. Il faut y aller."
En dehors du court, comment est-elle ?
"C’est une jeune femme qui a du caractère. Et parfois mauvais caractère… Si on ne la connaît pas bien, cela peut poser des problèmes. Elle a du répondant. Elle veut avant tout réussir, réussir, réussir, et de ce fait-là, elle a peut-être oublié pendant tout un temps que réussir, c’est bien, mais qu’il faut aussi penser à prendre du plaisir. J’essaie de lui rappeler cette notion, de lui dire qu’elle a une vie extraordinaire, elle voyage, elle voit des endroits du monde où des gens n’iront jamais. Il y a plein d’éléments dans le monde du tennis qui peuvent entraîner des blocages, mais il faut les prendre comme des stimulants. J’essaie de l’amener dans une énergie très positive. Elle a toutes les qualités pour être forte, mais il faut bien les canaliser."
Les jours où elle ne joue pas, vous en profitez pour visiter, faire d’autres choses…
"Non, pas vraiment. On va juste manger le soir dans le quartier qui avoisine notre hôtel, le Grand Hyatt. Quand elle est en tournoi, Yanina préfère rester dans sa bulle. J’essaie qu’elle soit un peu plus cool, qu’elle ne se lève pas tous les jours à 7h du matin. Elle fait tout comme le service militaire ! Elle a de l’expérience désormais. Ce n’est pas parce qu’on se lève à 7h du matin qu’on va gagner son match. Il faut aussi prendre du plaisir, car alors le talent et les qualités vont exploser. Je dis ça, mais je suis le premier à être à moitié timbré (sic) quand elle joue. Il n’empêche, c’est important."
Vous aimeriez la voir jouer comme qui ?
"Son plus beau modèle sur le plan du jeu, c’est Sharapova. Elles ont beaucoup de points communs. Le physique déjà. Elles aiment toutes deux frapper fort dans la balle, ce sont des guerrières… Je pense qu’elle doit s’en inspirer, d’autant que depuis qu’elle est toute petite, c’est toujours une joueuse qu’elle a bien aimée."
Quelle est la différence entre une Sharapova et une Yanina ?
"La confiance."
Bêtement ? Rien d’autre ?
"Peut-être un travail encore plus accompli aussi. Il y a des choses dans le jeu qu’il faut amener chez elle. Un peu plus de solidité et de justesse surtout. Yanina peut sortir des coups de dingue, mais derrière, elle va faire huit fautes. Il faut aussi jouer avec sa tête."
Quel est l’objectif pour cette année ? Retour dans le Top 50 ?
"Oui. Cela me semble réaliste. Il faut avancer par paliers."
Vous aviez parlé du Top 10 …
"J’ai dit ça, c’est vrai. Mais c’est à long terme. Et puis, cela fait partie de mon caractère. Je n’avais pas envie de faire le truc à la Belge non plus. Si grâce à SDA, on met les moyens, un encadrement, des gens autour d’elle, c’est pour réussir quelque chose. T’as été 12. Tu peux être 10. Je trouve que ce n’est pas plus compliqué qu’avant. Maintenant, il ne fallait peut-être pas le prendre au pied de la lettre. Cela commence par gagner des matches, peut-être même un tournoi. Simplement, j’estime qu’elle a le potentiel pour, c’est tout…"
"J’ai un faible pour Muguruza"
De retour sur le circuit, quatre ans après avoir coaché Yanina Wickmayer pour la dernière fois, Michel Bouhoulle a dû quelque peu se remettre dans le bain. "Je trouve que le jeu n’a pas fort évolué", nous confia-t-il. "Je regarde surtout les joueuses pour ce qu’elles dégagent sur un court, plus que pour leur jeu en lui-même. J’aime bien Sharapova car c’est une guerrière. Et j’ai un petit faible aussi pour cette Espagnole, Muguruza. Je trouve que c’est une belle athlète. Et elle joue bien au tennis aussi."Sandrine Corman, son épouse, n’est-elle pas jalouse de le savoir parmi toutes ces filles ? "J’ai 42 ans. Je suis marié. Je suis heureux. Il y a quinze ans, peut-être qu’il aurait pu y avoir des prises de tête, mais là, nous sommes tous deux bien loin de ça. Tout va bien. Sandrine, elle, aime bien Nadal, justement pour son côté battant." Et quand on lui demande qui il voit gagner le tournoi, il vient avec une réponse quelque peu inattendue. "Après Yanina, bien entendu ?" sourit-il. "Je vois bien Kvitova. C’est elle qui m’a l’air la plus sereine. Elle vient de gagner à Sydney. Je ne vois pas Serena s’imposer en tout cas. Elle joue mal…"