US Open: Osaka, ça pourrait être fou !
La joueuse de 20 ans fait face à un énorme défi. Portrait d’une joueuse inclassable.
- Publié le 08-09-2018 à 07h21
- Mis à jour le 08-09-2018 à 11h08
La joueuse de 20 ans fait face à un énorme défi. Portrait d’une joueuse inclassable. Personne ne reste jamais indifférent à Naomi Osaka. Ovni du tennis mondial, elle en est peut-être aussi la future patronne. Tiraillée entre plusieurs identités culturelles, joueuse émotive à la puissance ravageuse, jeune femme pleine de doutes dans un monde d’ambitieuses, Naomi Osaka est inclassable. Et c’est parce qu’elle est unique que son potentiel sur et hors des courts est immense : les sponsors se l’arrachent depuis ses 18 ans, les fans l’adorent, les médias ne la lâchent pas.
Surtout pas depuis cet Open d’Australie 2016 où elle avait atteint le troisième tour sans perdre un set en venant quasiment de nulle part. La Japonaise avait débarqué sur la grande scène du haut de 1,80m comme si elle avait toujours été là : un charisme hallucinant, un jeu à la Serena Williams et une pépite en interview. Timide, certes, mais avec une candeur et un sens de la répartie qui la dispensent de tout média training. Deux ans plus tard, après quelques sorties de route dues à des blessures et à une sensibilité à fleur de peau, Osaka va disputer sa première finale de Grand Chelem, après avoir disputé son premier huitième à Melbourne cette année, face à l’idole de son enfance, Serena Williams. Et sans Williams il n’y aurait pas eu d’Osaka.
C’est en effet parce que son père s’est trouvé un jour de 1999 scotché devant un double des sœurs Williams à Roland-Garros qu’il a décidé d’être le nouveau Richard Williams : il avait deux filles, Mari et Naomi nées à 18 mois d’écart, il en ferait des championnes. Samedi, comme lors de leur rencontre à Miami, Osaka ne sera pas nerveuse en affrontant Williams : "Toute ma vie, j’ai toujours voulu l’affronter alors je ne vois pas pourquoi je serais stressée."
Leonard François est Haïtien, installé à New York, quand il part au Japon et rencontre Tamaki Osaka. Les filles, nées à Osaka, garderont d’ailleurs le nom de leur mère pour des raisons pratiques au Japon et n’en changeront pas quand, alors que Naomi a trois ans, la famille part pour les États-Unis. Long Island, voilà où sont les premier souvenirs de celle qui sera au minimum 11e mondiale lundi. Depuis 2006, c’est la Floride qui est sa maison et plus précisément Boca Raton où se trouve l’académie de Chris Evert. Osaka, bien que Japonaise, aurait pu jouer pour les États-Unis mais quel était l’intérêt d’aller partager l’attention et les dollars des sponsors avec Sloane Stephens ou Madison Keys ? Aucun. Alors elle jouera pour le Japon, et ce malgré la rupture de quinze ans avec la famille de sa mère qui ne supportait pas l’arrivée de cet étranger noir.
Si depuis les liens se sont normalisés, la mère de Naomi Osaka parle encore aujourd’hui d’avoir été traitée comme la disgrâce de la famille. Mais elle a toujours parlé japonais avec ses filles, leur cuisinait japonais aussi et leur enfilait des kimonos pour les fêtes nationales. Le Japon vit toujours très fort en Naomi Osaka qui s’y rend régulièrement, même si à la différence de sa sœur Mari elle n’ose pas parler japonais couramment. D’où ses réponses en anglais aux médias de son pays.
Il n’est pas toujours facile pour la gamine de 20 ans de naviguer entre les attentes des différents pays, et il reste une distance avec les autres joueuses japonaises du circuit. Mais elle a quand même réussi à se faire adopter dans son pays natal tout comme dans le monde entier : métissée et fière de l’être, elle a le potentiel de faire avancer énormément de débats au Japon tout en héritant d’un pouvoir d’attraction mondiale supérieur à celui de Kei Nishikori. Naomi Osaka, c’est ce qu’on appelle à New York un "game changer". À condition qu’elle l’assume.
Titrée à Indian Wells cette année, tombeuse dans la foulée de Serena Williams à Miami, c’est une déprime qui l’a fauchée après. Trop de pression, trop d’attentes, trop d’attention pour une gamine aussi introvertie que son jeu est spectaculaire. Osaka, qui n’ose même pas aller parler aux autres filles dans les vestiaires, est régulièrement sauvée par son ambition. "Je veux être la meilleure", voilà ce qu’elle répète en boucle. Du coup, ça la force à verbaliser ses peurs, à l’image de ce message posté avant l’US Open où elle disait avoir retrouvé le plaisir de jouer malgré la pression. Coachée par Sascha Bajin, ancien sparring partner de Serena Williams, Osaka n’aime rien tant que les grands courts et alors que Tokyo 2020 approche, imaginez l’euphorie du tennis japonais face à la success story Naomi Osaka. Si elle venait à gagner samedi, ce serait un raz-de-marée.