Tennis et études pour les jeunes talents Belges: Daniel Meyers fête ses 6 ans à la tête de Hope and Spirit
- Publié le 02-05-2018 à 15h00
Daniel Meyers fête les 6 ans de sa fondation qui est un projet en avance sur son temps. Hope and Spirit souffle ses 6 bougies avec le sentiment du devoir accompli. "Grâce à nos réserves financières, nous sommes certains de poursuivre l’aventure jusqu’au 10e anniversaire."
La création de Hope and Spirit est le fruit d’une succession de rencontres au hasard d’une vie. Tout a démarré il y a 7 ans au Khamchatka, dans le détroit de Bering. "J’y ai chopé une pneumonie très sévère qui m’a obligé à rentrer en Belgique", confie Daniel Meyers qui a passé 38 jours aux soins intensifs.
À cause d’un traitement à la cortisone, il a pris beaucoup de poids. "Je suis parti en cure dans une clinique où j’ai perdu 25 kilos en 2 mois. Mais je m’ennuyais."
À cette occasion, il a croisé un ami à Marbella, Manolo Santana. "Il avait reçu des terrains de la ville pour bâtir un club. Nous avons discuté."
Cette rencontre a été déterminante car elle a ramené Daniel Meyers dans le giron du tennis. "Il m’a redonné goût", confie-t-il en rappelant qu’il avait quitté ce milieu à la suite du comportement des joueurs professionnels. "Je n’avais gardé que deux amis de cet univers sportif : Guy Forget et Mansour Bahrami."
De retour en Belgique, il s’inscrit au Royal Léopold Tennis Club et prend des cours avec le professeur Costa Salakenos à raison d’entraînements le matin et l’après-midi. "Un jour, un gars vient me parler. Il s’appelle Dimitar Grabul. Il est Macédonien. Il me raconte sa vie et me demande de l’entraîner."
Dans la foulée, il croise la route d’un autre joueur qui bouleversera la suite de son programme : Mirza Basic. "Il voulait s’entraîner avec moi au Léopold en même temps que Dimitar."
S’ensuivent deux semaines de rêve pour les trois hommes. "Basic me demande de venir en tournoi à Zagreb." La notion d’Hope and Spirit prend une tournure plus concrète dans la tête de Daniel Meyers. "Son profil m’intéressait car il avait entrepris des études d’avocat tout en tentant de percer sur le circuit ATP."
Ce jeune gamin venu de Bosnie inspirait le slogan de la fondation : le tennis, c’est bien. Les études et le tennis, c’est mieux. "J’avais le joueur idéal pour lancer mon projet."
Cette fondation d’utilité publique était destinée à des jeunes belges entre 14 et 18 ans, mais elle a démarré grâce à l’impulsion d’étrangers, se mettant au service de jeunes joueurs belges. Très vite, Hope and Spirit attire l’attention dans le milieu. Cinq joueurs cumulent tennis et études.
"Les parents pensent tous avoir donné naissance au futur Federer. Moi, je suis présent pour leur assurer un plan B si le tennis ne fonctionne pas aussi bien qu’espéré."
En tant que président de la fondation, il ne peut suivre chaque gamin sous peine d’en avantager l’un au détriment de l’autre. "J’ai l’avantage de ne pas être payé par ces joueurs pros , ce qui me laisse une liberté totale dans leur gestion. Mon deal coaching prévoit que ces joueurs me remboursent les frais que j’ai engagés pour eux le jour où ils entrent dans le Top 100 et de verser 25 % de leur prize money à la fondation. A priori, ce jour-là, ils en auront les moyens."
Un joueur a besoin d’avoir un coach à ses côtés au moins 15 semaines par an. En additionnant les frais de fonctionnement et le salaire du coach, la note annuelle s’élève à 40.000 euros. "Cette prévision est optimiste car un bon coach coûte plutôt 5.000 euros net par mois. Moi, je suis mes gars bénévolement jusqu’à 32 semaines par an."
"Deux Top 100 en 6 ans, une belle réussite"
Entre Pro Team et boursiers, il a trouvé un bon équilibre.
Lorsqu’il a lancé Hope and Spirit, le système de bourses était encore à peaufiner. "La première année, nous avons lancé le projet avec une sélection moins sévère. La deuxième année, nous en avons sélectionné huit."
Lors de la 6e année, l’équipe compte 18 boursiers qui sont classés entre les 10 et 50 meilleurs belges. "Il faut savoir que les jeunes sont protégés par les fédés . Moi, j’essaye d’agir en complémentarité pour offrir le meilleur cadre à certains jeunes. La mise à disposition de bourses Hope and Spirit ne plaît pas à tout le monde."
En réalité, l’approche est très différente. Là où les fédérations ont des moyens pour amener les jeunes dans le Top 100, Hope and Spirit détecte des jeunes prêts à s’investir autant dans leur tennis que leurs études.
Seul hic, les boursiers doivent s’exiler aux USA pour combiner études universitaires et tennis de haut niveau parce que le système scolaire en Belgique ne favorise pas l’éclosion de sportifs pros. "En plus, le niveau des matches universitaires est très élevé. Des gars comme Isner sont sortis de cette filière. Aux States , il est possible d’obtenir une bourse qui couvre 100 % des frais. Une organisation, Overboarder, nous aide à envoyer ces jeunes dans les meilleures conditions."
Ces boursiers reviennent vers 23 ans de leurs études aux États-Unis avec une connaissance de l’anglais, un diplôme et la perspective de vivre 10 années sur le circuit sans pression car ils ont une porte de sortie, sans oublier l’expérience de vie.
Meyers attend les premiers produits Hope and Spirit revenus au pays. La fondation fête ses 6 ans. Les premiers ont passé 2-3 ans en Belgique avant de s’envoler vers les USA où ils achèveront en 2018 leurs études.
Hope and Spirit a également relancé certains joueurs comme Ruben Bemelmans ou Kimmer Coppejans qui n’entraient plus dans les systèmes fédéraux. "Prenez toutes les structures de formation à l’exception des fédés et citez-en moi une qui ait formé deux joueurs du Top 100. Il n’y a que Hope and Spirit : Ruben Bemelmans et Mirza Basic. En 6 ans, nous avons réussi de grands pas."
La fondation a souvent été critiquée sur la présence de joueurs plus âgés et d’étrangers. Daniel Meyers s’énerve, mais répond calmement qu’il devait composer un Pro Teampour entraîner les jeunes. "Ces joueurs ne touchent pas un euro de la fondation et partagent la philosophie du projet."
Aujourd’hui , H et S Representative est composé de 7 athlètes : Steve Darcis, Mirza Basic, Vincent Millot, Kimberley Zimmerman, Ryhad Mehry (boxe), Fabrice Martin et Margaux Bovy.
Basic, l’ambassadeur idéal : avocat et Top 100
Mirza Basic, qui a battu hier Gaël Monfils à Munich, restera lié dans la belle histoire de Hope and Spirit.
Un lien d’amitié l’unit à Daniel Meyers qui en parle comme de son fils tout en restant réaliste. "Il est musulman, ce qui complique parfois l’alimentation. Il a le tempérament du Sud. Comme il a connu la guerre, il est d’un naturel méfiant. Mais ce gars a un talent fou. Nous avons bossé sur les carences physiques. Il me racontait au début qu’il n’avait pas besoin de bosser son physique vu son jeu."
Fin 2017, Basic a connu un premier déclic à Moscou. Cette saison, il fait un quart de finale à Doha. Son titre à Sofia (ATP 250) l’a révélé au grand public, notamment son succès face à Stan Wawrinka. Hier, il a gâché le retour de Gaël Monfils à Munich 6-2, 3-6, 6-3.
Derrière le joueur se cache un homme tout aussi remarquable. Son père est chirurgien. Sa maman est avocate. Mirza Basic, qui a étudié le droit, a suivi sa propre voie sportive grâce à un mécène qui lui a prêté 100.000 euros lorsqu’il avait 15 ans. "Mirza doit encore rembourser cette somme d’argent aujourd’hui. Il a eu l’intelligence de comprendre que la carrière de joueur de tennis laissait beaucoup de temps libre qu’il a consacré à l’étude du droit. Il a passé ses examens à Sarajevo."
La personnalité de Basic plaît à Meyers qui voit en lui un gars responsable et poli. "Je ne prendrai qu’un seul exemple. J’ai croisé des joueurs assistés à 100 %. Mirza, il se gère tout seul. Il organise ses voyages, ses réservations…"
À presque 27 ans, Mirza Basic, devenu enfin un joueur mûr, file vers ses plus belles années sportives. "Je compte profiter de ses dernières années de carrière pour porter encore plus haut les couleurs de la fondation."