Saive: “Jouer pour une équipe peut vous transcender”
Des finales, mondiales ou européennes, Jean-Michel Saive en a beaucoup joué. L’avis d’un… expert !
- Publié le 26-11-2015 à 21h49
- Mis à jour le 26-11-2015 à 22h10
Des finales, mondiales ou européennes, Jean-Michel Saive en a beaucoup joué. L’avis d’un… expert !
Du haut de ses désormais 46 printemps, quand il porte son regard vers le passé, Jean-Michel Saive n’y voit qu’un chapelet fait de victoires. D’autres, moins modestes que lui, affirmeront sans doute que plus encore que des victoires, ce sont de véritables exploits qu’il faut lire dans ce palmarès long comme un jour sans fin.
Nous, on s’interdira de faire une distinction que lui-même place d’office hors-jeu. Par contre, on s’autorisera à écrire qu’ils sont rares, dans notre pays, ceux qui comme lui ont répondu si souvent présent à l’appel d’une finale, qu’elle soit individuelle ou collective et, surtout, qu’elle s’arrête aux contours, flatteurs, d’un Championnat du Monde ou d’Europe. Ce gros paquet d’expérience puisé au plus profond du Graal de la haute compétition fait de notre pongiste le plus célèbre un témoin averti de la manière dont il faut gérer une finale comme celle que vont aborder aujourd’hui les protégés de Johan Van Herck.
“Il existe forcément des différences notoires entre une finale à titre individuel ou collectif. Individuellement, tout dépend en effet de toi et de la manière dont tu te gères toi-même. Collectivement, bien d’autres facteurs sont de nature à influencer le groupe mais, aussi, les individus qui forment ce groupe. Ainsi, la priorité essentielle, consiste à savoir gérer les états d’âme possibles des non-sélectionnés. Si ces derniers, malgré la déception, n’acceptent pas l’idée d’entrer à fond dans le trip, alors tu peux être amené à vivre des moments difficiles. Nous l’avions par exemple vécu l’année où Thierry Cabrera, fâché par sa non-titularisation, avait quitté le groupe la veille du premier match de notre finale européenne. Son attitude avait en effet amené tous les autres sélectionnés à subir encore plus de pression que celle qui existait déjà…”
Après les hommes, il y a la tactique. Elle aussi, pour être efficace, doit être acceptée par tous. “La tactique, oui, mais surtout la position des joueurs pour aborder la finale. Là aussi, tout le monde doit adhérer au choix du capitaine, sans quoi les problèmes vont surgir. Moi, je préférais toujours savoir qui jouerait avant moi et qui serait aligné après moi. Cela avait le don de me rassurer. Et ton leader de l’équipe, donc ton numéro 1, comme c’est déjà celui qui a le plus de pression sur lui, tu dois tout faire pour qu’il se sente bien…”
Quid, alors, de l’adversaire ? La manière de le jauger est-elle la même, qu’il s’agisse d’une finale individuelle ou collective ? “Non. Car il existe des joueurs que le fait de jouer pour une équipe ou un pays transcendent. Ils sont portés à la fois par l’équipe et le public et peuvent donc signer des victoires qu’ils n’obtiendraient jamais dans une compétition individuelle…”
Et la pression ? Retrouve-t-on, là aussi, un élément tout à la fois porteur ou déstabilisateur ?
“Rien que tout le cérémonial qui habille une finale peut en effet influer dans un sens ou dans l’autre. Je me souviens que pour ma première finale du Championnat d’Europe individuel, face à Rosskopf, je me suis senti étouffé plus par la pression du public que par la finale elle-même. À l’inverse, à Birmingham, là où je me suis emparé du titre européen, je suis entré dans cette finale en me disant qu’il était hors de question que je la perde. En fait, chacun réagi selon ses émotions du moment…”
Et les siennes, pour cette finale Belgique - Grande-Bretagne, surfent sur une vague positive. “Bien sûr, Andy Murray détient beaucoup de clés, mais les Belges n’ont, eux, rien à perdre. Et souvent ce sentiment façonne les plus beaux exploits…”
On ne demande qu’à croire cet expert des finales gagnées ou perdues…
"Il faut rester dans sa bulle"
Comment gérer la préparation puis l’attente de son match ?
“Le contexte dramatique que tout le pays connaît en ces jours difficiles constitue, forcément, une première pour tout le monde”, explique Jean-Mi. “Impossible, donc, pour moi, de préciser la manière dont ce climat peut, oui ou non, influer directement sur les joueurs. Seule certitude, menaces terroristes ou pas, il convient de savoir se mettre dans une bulle et, surtout, de ne pas en sortir. Même et surtout pour celui qui, aujourd’hui, sera amené à disputer la seconde rencontre. Celui-là doit impérativement faire fi de tous les éléments extérieurs qui pourraient venir parasiter son échauffement. Mais j’admets que ce n’est pas facile à réaliser. Ce ne l’était déjà pas à l’époque où je disputais régulièrement des finales, alors j’imagine, aujourd’hui, avec l’importance prise par les réseaux sociaux !”
Et ce second joueur du jour, doit-il assister, dans la salle, au premier match ?
“C’est une question de sensibilité personnelle. Moi j’ai toujours préféré me tenir à l’écart, mais je voulais qu’on me tienne au courant de l’évolution du score, même quand j’étais au plus fort de mon échauffement. Mais l’attente est moins longue en tennis de table, je le concède, que lors d’un match de tennis qui peut s’éterniser. Là, l’apport positif du staff doit prendre toute sa plénitude. À la fois sur le plan mental et physique…”