Quelle vie après une victoire en Grand Chelem ?
Depuis vingt ans, les lauréates d’un Major ont connu des fortunes très diverses.
- Publié le 03-08-2017 à 19h40
Depuis vingt ans, les lauréates d’un Major ont connu des fortunes très diverses. Toute joueuse qui se respecte rêve en accédant sur le circuit WTA de toucher le Graal qui prend l’apparence soit d’une première place mondiale, soit d’un titre en Grand Chelem. Pour aligner les précieuses sept victoires à Melbourne, Paris, Londres ou New York, il faut que le puzzle se mette parfaitement en place. Les paramètres physiques et mentaux s’accompagnent aussi d’un petit brin de chance.
Nous avons analysé les vingt dernières éditions des quatre Majors afin de déterminer une liste reprenant toutes les lauréates. Nous avons tenté de mesurer l’impact sur la carrière des grandes championnes qui sont encore en activité aujourd’hui à l’exception des cas de Marion Bartoli et Flavia Pennetta. Sur les 80 titres analysés, 33 sacres ont été signés de raquettes rangées au placard. Les Hingis, Graf, Sanchez, Capriati, Pierce, Novotna et Davenport étaient en fin de cycle en 1998-1999.
Le chemin le plus évident semble mener vers la gloire, mais il n’est pas le seul. Trois joueuses déjà retraitées ont marqué la première décennie du XXIe siècle : Justine Henin (x7), Kim Clijsters (x4) et Amélie Mauresmo (x2). Dans une moindre mesure, Anastasia Myskina, Na Li, Ana Ivanovic, Marion Bartoli et Flavia Pennetta ont inscrit leur nom dans l’histoire.
Qui parle de Grand Chelem ne peut faire l’économie d’une joueuse d’exception : Serena Williams. Elle incarne la joueuse absolue sur le circuit. Elle a non seulement atteint le sommet, mais elle s’est inscrite dans une longévité extraordinaire. Quand elle a disputé ses premiers tournois, elle affrontait sur le circuit les Hingis, Davenport, Majoli, Martinez, Monami, Sanchez...
Elle a traversé les générations des Henin, Clijsters, Mauresmo, Ivanovic, Sharapova, Wozniacki, Kerber sans jamais être dépassée par les nouvelles jeunes.
Depuis son premier titre glané en 1999 où elle avait battu 6-3, 7-6 la Suissesse Martina Hingis, Serena Williams savait qu’elle venait de poser la première pierre d’un édifice qui prendrait des dimensions historiques. Près de vingt ans plus tard, la future maman, qui fêtera ses 36 ans en septembre, compte encore revenir sur le circuit. Ses titres en Grand Chelem lui ont conféré une image d’icône qu’elle a savamment entretenue sur et en dehors des courts. Cette joueuse charismatique, qui est la sportive préférée des Américains, a bousculé les codes du tennis pour imposer son style. Sa fortune est colossale et composée en partie des 85 millions amassés uniquement avec ses prize-money, ce qui en fait une extraterrestre dans l’univers de la petite balle jaune.
Elle éclipse toutes les autres joueuses, mais deux autres ont réussi à se faire une petite place au soleil. Sa sœur Venus a remporté sept titres dont quatre en 2000 et 2001. L’aînée de la famille n’a ensuite ramassé que les miettes laissées par sa petite sœur. Avec sept sacres, elle a ouvert la voie à la famille en prenant la pression sur ses épaules durant les premiers pas de Serena. Si son dernier titre remonte déjà à 2008, elle s’en offert une cure de jouvence en atteignant la finale à Wimbledon cette année. À 37 ans, elle fait de la résistance.
Sur la troisième marche du podium, figure Maria Sharapova. La Russe a réussi là où de nombreuses stars ont sombré. Elle a mené une grande carrière sportive tout en diversifiant ses activités. Véritable businesswoman, elle a percé sur le circuit à 18 ans en remportant Wimbledon. Elle remportera les quatre trophées des quatre Majors. Sans Serena, son palmarès aurait été encore plus beau. Un contrôle positif au Meldonium a sérieusement écorné son image de femme idéale. Cette année, elle est revenue. À 30 ans, elle n’a pas encore dit son dernier mot.
Les deux histoires insolites
Petra Kvitova a déjà 27 ans et un énorme capital sympathie. Double lauréate à Wimbledon, elle a toujours été régulière. Un cambriolage, qui a mal tourné, a ruiné son année 2017, qui devait être l’une de ses plus belles années. Blessée par un cambrioleur en décembre, elle a été opérée à la main gauche. Elle revient doucement. Elle a tout : le jeu et la force mentale.
Victoria Azarenka a fait le choix de la maternité. À 28 ans, la jeune maman, qui a remporté deux titres à Melbourne (2012 et 2013), compte sur l’énergie de son fils Léo pour arracher un 3e sacre.
Leur calvaire a commencé
Au printemps 2008, Roland Garros avait à peine eu le temps de pleurer la retraite de Justine Henin qu’une nouvelle reine était née. La Serbe Ana Ivanovic a profité d’une période d’errance sur le circuit pour battre en quart Schnyder (WTA 10), en demi Jankovic (WTA 3) et en finale Safina (WTA 13), soit trois joueuses qui n’avaient presqu’aucune expérience des grands matchs en Major .
Dans la foulée, elle grimpait à la première place de la hiérarchie. La Serbe attirait les regards tant pour son talent que sa beauté. Les pontes de la WTA se frottaient les mains en voyant l’émergence d’une joueuse à haut potentiel charismatique qui n’avait que 21 ans. La confirmation ne vint jamais. À l’exception d’une demi-finale à Roland en 2015, elle a touché le fond à de nombreuses reprises, car non seulement elle n’a pas géré la pression médiatique, mais surtout elle a été trahie à de nombreuses reprises par son corps. "J’étais assez flattée par l’attention médiatique, mais elle était écrasante, car j’étais si jeune" , relativisait-elle au moment d’annoncer son départ à la retraite alors qu’elle n’avait que 29 ans.
Angélique Kerber avait réalisé l’un des exploits les plus improbables en battant à l’Open d’Australie 2016 Serena Williams en finale. Elle devenait n°1 huit mois plus tard et sombrait sous la pression.
Un coup d’éclat et puis s’en va
Deux joueuses ont profité de cet improbable coup d’éclat pour prendre la poudre d’escampette. Marion Bartoli a attendu sa 47e participation à un tournoi du Grand Chelem pour soulever enfin le trophée. Nous sommes en juillet 2013. La Française, 15e tête de série, profite de circonstances exceptionnelles. En finale, elle affronte une inexpérimentée moins bien classée (Lisicki, WTA 23). Tout son parcours avait été très light avec Svitolina (avant qu’elle ne monte en puissance), McHale, Giorgi, Knapp, puis en quart Stephens (WTA 17) et en demi-finale Kirsten Flipkens. Rarement un titre de Grand-Chelem n’a été décerné à une joueuse qui n’avait battu aucun Top 15 ! Tout le mérite de la Française a été d’en profiter. Dans la foulée, elle annonçait sa retraite. "J’avais effectivement de l’envie et de l’excitation, mais je ne peux plus physiquement. Mon corps ne peut plus", avait-elle dit.
L’Italienne Flavia Pennetta avait signé l’autre grande surprise des deux dernières décennies en remportant l’US Open en 2015. Elle ne l’a pas volé. Elle a dû battre en huitième Samantha Stosur (une ancienne lauréate en Major), en quart de finale Petra Kvitova (WTA 5 et double lauréate en Major) et en demi-finale Simona Halep (WTA 2). En finale, elle a juste profité d’un coup de pouce de sa compatriote Roberta Vinci qui avait éliminé Serena W{illiams qui visait le Grand Chelem calendaire. Alignée dans 49 tableaux du Grand Chelem, l’Italienne, âgée de 33 ans, a profité de ce coup d’éclat pour partir par la plus grande porte.
Un one-shot qui suffit à leur bonheur
À 33 ans, Samantha Stosur se maintient dans le Top 50, mais la lauréate de l’US Open 2011 n’est plus candidate à un 2e titre en Major . En 2011, l’Australienne s’était offert le luxe de battre la locale de l’épreuve, Serena Williams, en finale. "J’ai débuté sur le circuit mondial il y a dix ans, et je rêvais de gagner un Grand Chelem. C’est une grande sensation." Une sensation sans lendemain car, en 6 ans, elle n’a jamais retrouvé une place en finale d’un Grand Chelem. Elle a traversé son âge d’or (2011-2014) sans profiter des errances du circuit WTA. Son mental a toujours été fragile lors des grands rendez-vous et surtout lorsqu’elle jouait à domicile.
Francesca Schiavone restera dans les annales pour son sourire contagieux. La championne transalpine, alors âgée de 29 ans, avait remporté non seulement son premier et unique titre en Grand Chelem, mais elle était devenue la première joueuse italienne à jouer une finale de Major . Elle avait éliminé successivement Kirilenko au 4e tour, Wozniacki en quart, Dementieva en demi et Stosur en finale. Depuis ce titre en 2010, elle a acté 16 défaites au premier tour en 28 apparitions ! À 37 ans, elle s’amuse toujours, mais son talent reste limité. Francesca Schiavone, c’est surtout un mental de battante qui a joué avec ses moyens. À 37 ans, la 71e joueuse mondiale joue toujours.
Un cas à part
Dans ce paysage VIP, il y a d’abord un cas unique : Svetlana Kuznetsova . La Russe a remporté l’US Open 2004 et Roland Garros 2009. À 32 ans, elle est revenue dans le Top 10 après six années de galère où elle est, notamment, descendue à la 85e place en 2013. La Russe a toujours résisté à la pression et poursuivi son petit bonhomme de chemin. Cette infatigable travailleuse suit sa route sans être perturbée.
Jeunes et très ambitieuses
Deux joueuses ont encore l’avenir devant elle. Garbine Muguruza , 23 ans, a déjà réussi ses conquêtes de Paris et de Londres. Elle gère la pression et est prête à devenir la reine pour une longue durée. Elle devra se méfier de Jelena Ostapenko , qui est perçue comme une peste par les joueuses du circuit. À 20 ans, la Lettone est un phénomène depuis son titre à Paris.