Le gratin du tennis se souvient du choc entre Nadal et Federer en 2008, la finale de tous les superlatifs
Flash-back sur le duel Nadal-Federer de 2008.
- Publié le 05-07-2018 à 15h04
- Mis à jour le 05-07-2018 à 15h05
Flash-back sur le duel Nadal-Federer de 2008.
C’était il y a dix ans. Et ceux qui ont assisté à la finale de ce Wimbledon 2008 entre Rafael Nadal et Roger Federer en tremblent encore. Au sommet de leur art, les deux champions ont livré un combat titanesque qui s’est terminé à la lumière de la lune par la victoire de l’Espagnol. On n’avait plus assisté à un tel duel depuis le choc entre Björn Borg et John McEnroe en 1980.
"L’engouement est assez étonnant"
Dix ans plus tard, l’arbitre du match Pascal Maria revient sur la rencontre.
Il est rentré dans l’histoire du jeu le 6 juillet 2008 en arbitrant cette finale épique remportée par Rafael Nadal aux dépens de Roger Federer. Au bout de la nuit, l’Espagnol remportait son premier Wimbledon : 6-4, 6-4, 6-7 (5), 6-7 (10), 9-7. Désormais retraité des grands courts et directeur adjoint des relations internationales à la FFT, même s’il reste juge-arbitre sur une dizaine de tournois par an, Pascal Maria nous a confié comment il avait vécu ça. Lui à qui on reparle toujours de ce match.
Êtes-vous étonné que dix ans après, ce match soit encore culte ?
"Oui, l’engouement est assez étonnant, surtout cette année avec ces dix ans d’anniversaire. Et ça m’étonne aussi car on a quand même eu depuis, et encore aujourd’hui, un pool de joueurs qui ont cassé les records de semaine en semaine. Mais non, ça ne m’étonne pas plus que ça car c’était vraiment un match assez extraordinaire à beaucoup de points de vue."
Quand vous y repensez, quelles sont les images qui viennent ?
"Le tennis proprement dit, la petite pénombre qui tombe, le challenger qui fait tomber le roi chez lui, Rafa qui monte voir son clan au-dessus du panneau de score… Mais surtout le tennis, la beauté de ce match, l’excitation qui en est née. Et puis la fameuse balle de match sauvée par Federer dans le quatrième set, je m’en souviens encore comme si c’était hier et ça me donne des frissons. Et puis la force mentale de Rafael Nadal..."
Comment aviez-vous géré cette fin de match dans l’obscurité ?
"Cela relève de la décision du juge-arbitre uniquement, donc moi je ne fais que suivre les recommandations. On était en contact depuis pas mal de temps avec le juge-arbitre Andrew Jarrett qui était au bord du court, et aussi avec le superviseur. On savait qu’on entrait dans une période critique, surtout quand on n’a plus été en mesure d’utiliser le Hawk Eye à partir de 5-4 dans cette dernière manche. On avait décidé qu’à 8-8 partout on allait arrêter."
Vous avez eu le temps de savourer ce match historique ou ce n’est pas possible quand on est sur la chaise ?
"Oui, on y arrive et il faut le savourer ! Autant on est là pour arbitrer, appliquer les règlements parce que c’est notre devoir, autant il faut aussi apprécier et se rendre compte de ce qu’on vit, d’où on est. C’était ma première finale de Wimbledon, et ma dernière. Une finale de Grand Chelem, c’est toujours un rêve. Ma dernière a été celle de la Decima de Nadal à Roland-Garros d’ailleurs."
Vous avez dû aussi faire des jaloux en 2008 !
"Oui, la jalousie il y en a beaucoup dans l’arbitrage. (rires) Mais ça vous rend meilleur, et puis si elle saine, ça va."
Est-ce que les gens viennent souvent vous parler de ce match ?
"Oui là car ça fait dix ans, donc il y a eu beaucoup de demandes. Mais je me force à dire que si vous ne vous souvenez pas de l’arbitre d’une telle rencontre, c’est qu’il a fait du bon boulot. Mais oui on m’en parle, et puis j’ai la chance que l’arbitrage se soit très bien passé sur ce match. Je ne suis pas comme certains de mes collègues : pour moi, l’arbitre ne fait pas partie du match. Il y a deux joueurs qui écrivent l’histoire, l’arbitre est le témoin et s’assure que l’histoire est écrite proprement."
Avez-vous eu l’occasion d’en parler ces dernières années avec Roger et Rafa ?
"Pas du tout ! Et en général, je n’ai jamais reparlé d’aucun de mes matches avec qui que ce soit comme joueurs. C’est assez rare en fait. Mais maintenant que j’ai pris ma retraite, j’aimerais bien le faire un jour s’ils veulent."
Dans quel état étiez-vous à la fin de ce match ?
"Totalement vidé par la tension ! Cela commençait à 15 heures, donc moi je rentre dans mon match assez tôt, vers 13 heures. Je commence à avoir les mains moites, la boule au ventre, etc. Je m’enferme une heure avant le match dans un bureau et je commence à me concentrer. Donc moi ça a duré de 13 heures à environ 21 heures et même si on a eu des pauses à cause de la pluie moi je ne sortais pas du tout du match, je n’allumais pas mon téléphone, je ne parlais à personne, je ne décompressais pas. Après je suis quand même allé au bal de Wimbledon : je m’en souviens un peu vaguement, je l’ai survolé car même si j’étais présent physiquement, j’étais vidé mentalement. Cela m’a pris 48 heures pour redescendre."
Vous avez dit que Roger et Rafa étaient parmi les plus compliqués à arbitrer car ils étaient d’une exigence incroyable…
"Oui, ‘compliqués’ ce n’est peut-être pas le terme et ce n’est pas lié à leurs caractères : eux sont compliqués parce qu’ils sont tellement perfectionnistes avec eux-mêmes qu’ils attendent la même chose de votre part ou de leur équipe. Ils mettent la barre très haut et vous ne voulez surtout pas la descendre, donc vous vous forcez à être au niveau. Cela demande une certaine concentration. Ce qui est bien !"
Quand ils vous serrent la main à la fin de ce match, avez-vous dit quelque chose de spécial ?
"Non, car ce n’est pas dans les mœurs. On a juste envie de leur dire bravo, je l’ai peut-être dit aux deux car on n’a pas envie de le dire à l’un et pas à l’autre. Vous essayez encore une fois de rester à votre place."
Rafael Nadal: "Un pas important dans ma carrière"
Alors qu’on fête le 10e anniversaire de la célèbre finale de Wimbledon 2008, les deux principaux acteurs semblent être les plus calmes sur le sujet. Alors que les documentaires et autres articles pleuvent, on peine à leur arracher de grandes confidences ou bons sentiments. Il faut dire que Rafael Nadal et Roger Federer ne sont pas sortis de cette rivalité, au contraire ils s’y sont replongés à fond depuis deux saisons.
Alors pour le vainqueur de l’époque, c’est un peu "circulez, rien à signaler, laissez-moi me concentrer sur Wimbledon 2018". Rafa n’a pas trop envie de verser dans la nostalgie : "Je ne pense pas à cette finale tous les jours. Je me concentre sur ma routine quotidienne mais oui évidemment cette finale a été un pas très important dans ma carrière, surtout après avoir perdu deux finales. C’est sans doute l’un des matches les plus émouvants que j’ai jamais joués. Tout le monde sait que c’était un rêve pour moi de gagner ici. Mais ça fait longtemps tout ça désormais… Ce qui est bien c’est que je suis encore là."
Roger Federer: "J’ai un peu essayé d’oublier"
Federer, à qui on faisait remarquer que lui non plus n’avait pas l’air trop passionné par cet anniversaire, fut surpris que ce soit l’impression donnée. "Vraiment ? Ok. Pourtant j’aime bien en parler, aucun souci. Je pense que c’est parce que l’on en a joué bien d’autres depuis celui-là mais on comprend évidemment pourquoi on en parle de nouveau beaucoup cette année. Ce fut sans doute pour moi l’une des pires défaites de ma carrière, aucun doute là-dessus. J’étais tellement proche d’en gagner six de suite. Un vrai crève-cœur. Avec Rafa on en parlera sans doute quand on sera plus vieux (sourire)."
Ce que le Suisse trouve le plus drôle dans tout ça, c’est que les gens ont une meilleure mémoire du match que lui ! "Je donnais cette interview sur Tennis Channel et ils ont mentionné plein de choses qui m’étaient totalement inconnues. Honnêtement, je pense que pour moi c’est l’un de ces matches que j’ai un peu essayé d’oublier. Je me souviens qu’il faisait sombre, je me souviens du passing le long de la ligne, vaguement mon discours, quasiment pas les interruptions de la pluie."
Andy Murray: "J’avais reçu des places pour cette finale"
Andy Murray, le quatrième mousquetaire s’en souvient d’autant plus de cette finale parce qu’il était dans le stade ! "C’était un match brillant, avec tellement de rebondissements ! J’étais là dans le stade à regarder, j’avais eu des places pour assister à la finale avec un ami. Je suis parti après l’une des interruptions et j’ai vu la fin à la maison. Je ne sais pas si c’est l’un des plus grands matches de tous les temps mais sans aucun doute l’un des meilleurs entre Roger et Rafa. J’ai eu de la chance dans ma carrière d’avoir à me battre contre eux, j’ai beaucoup appris."
Novak Djokovic: "Ils continuent de m’inspirer"
À l’époque, Novak Djokovic avait remporté son premier Majeur en Australie et commençait ses années de lutte face au duo de devant. "Je me souviens que Rafa avait déjà échoué plusieurs fois ici face à Roger et que finalement il a réussi à gagner, juste avant la nuit. J’ai un énorme respect pour eux deux et ils continuent de m’inspirer : dire qu’après tout ce qu’ils ont accompli, après les blessures aussi, ils ont réussi à revenir…"
George Murphy, ramasseur de balles lors du match de 2008: "Des frissons quand j’y repense"
George Murphy n’oubliera jamais ce jour de 2008 où il a ramassé les balles autour de Rafael Nadal et Roger Federer pendant la finale. "J’avais 16 ans à l’époque, et je pense qu’en termes de tennis rien ne pourra battre pour moi cette finale de Wimbledon. Cela restera pour toujours dans ma mémoire. J’avais été ramasseur de balles pendant pratiquement les deux semaines du tournoi donc il n’y avait plus trop de stress même si l’on pouvait sentir la tension dans le stade. J’étais surexcité."
Ramasser les balles quand on en arrive là ça devient une seconde nature. Il a donc pu savourer le match. "Je me souviens du jeu décisif, des échanges incroyables, des réactions passionnées de la foule après chaque point dans le cinquième set. Et puis ça a duré si longtemps que j’ai pu revenir sur le court une heure de plus en dernière rotation. Quand les gens apprennent que j’étais ramasseur de balles pendant ce Wimbledon, c’est la première question qu’ils me posent : ‘oh mais étais-tu sur le Federer - Nadal qui a fini quasiment la nuit (rires) ?’ Je fais un peu partie de l’histoire de ce sport et ça me donne encore des frissons à chaque fois que j’y repense ou que j’en parle. Et dix ans plus tard, Nadal et Federer sont toujours là !"