La première prof de tennis de David Goffin se confie: "Il avait déjà un truc en plus"
Durant trois ans, David Goffin a appris à jouer au tennis à Barchon sous les ordres de Michèle Gurdal.
- Publié le 21-02-2017 à 10h52
- Mis à jour le 21-02-2017 à 15h25
Durant trois ans, David Goffin a appris à jouer au tennis à Barchon sous les ordres de Michèle Gurdal. Sis à une volée amortie de l’E42 à hauteur de Blegny, l’Euro Barchon TC ne manque pas de charme quand on pousse la porte du club-house. Quelques membres attablés autour d’une assiette rient bruyamment. La décoration est sommaire. Derrière le bureau du juge-arbitre, quelques coupures de presse à la gloire de David Goffin rappellent que le Liégeois a effectué ses premiers pas sur l’un des six terrains bleus. La moquette nous surprend. "Non, non pas du tout", coupe Michèle Gurdal. "La moquette, c’est excellent pour apprendre car la balle s’accélère. Elle oblige les enfants à frapper plus tôt."
Michèle Gurdal, icône du tennis belge des années 70, a enseigné son art de la petite balle jaune à des milliers d’enfants. Deux d’entre eux ont éclos au plus haut niveau : Dominique Monami et David Goffin.
"Je connaissais les parents de David qui jouaient au tennis à Verviers. Son grand-père, aussi, était un sportif", se souvient la première prof de tennis de David. "Avec son frère Simon, ils sont restés trois ans à Barchon avant d’être happés par le centre tennis-étude de Mons. David est resté fidèle jusqu’à quatorze ans à son premier club. Il ne manquait jamais les interclubs."
Une douceur illumine son visage quand elle replonge dans ses années Goffin. "Il était petit et calme voire impassible. Il ne s’énervait jamais. J’étais impressionnée par sa vivacité. Il s’entraînait deux à trois fois par semaine avec une concentration qui en disait long sur ses ambitions. À l’époque, il ne parlait pas d’un Top 10 mondial ou plus."
Son départ s’inscrivait dans le cycle normal de son parcours. "Il n’est jamais sorti du lot durant sa jeunesse, mais j’avais compris qu’il avait un truc en plus. Les gens voyaient juste un garçon frêle qui était trop gentil avec tout le monde."
Depuis vingt ans, David Goffin entretient un lien particulier avec Barchon. Chaque année, il revient saluer Michèle Gurdal et les autres professeurs du club. "Il sait d’où il vient même s’il a bien grandi dans le milieu. Son parcours est exceptionnel. Il n’était pas le plus puissant, mais il a réussi à mettre toutes les pièces du puzzle pour accomplir son rêve. Vous n’imaginez pas tout le travail qui se cache derrière cette réussite. Il est présent dans le Top 20 depuis trois ans."
Même s’il est membre du Top 10, David Goffin possède une marge de progression selon sa première entraîneuse. "Il doit continuer son jeu vers l’avant. Sa volée doit être plus décisive. Il ne la frappe pas assez tôt. La balle redescend déjà un peu. Il a beaucoup amélioré son service, mais il doit encore gagner en force. J’aimerais aussi qu’il soit plus méchant avec la balle."
Michèle Gurdal, à 64 ans, commence à lever le pied sur les terrains. Elle aimerait se recaser dans des fonctions plus stratégiques. "Mais, il y a une cabale contre moi. On ne veut pas que j’occupe des postes à responsabilité. Pourtant, j’ai une grande expérience."
Sur son CV, elle a notamment détecté Goffin. "Il n’a pas bouleversé ma vie, mais je suis fière d’avoir contribué à son formidable parcours."
"L’argent est arrivé en 1975"
Elle est un phénomène en Belgique, mais son expertise n’a jamais été exploitée.
Michèle Gurdal est un phénomène du côté de Liège. À 65 ans, elle déploie toujours une énergie inouïe pour guider les premiers pas de ses élèves sur un court de tennis. Avant d’endosser cette lourde tâche, la Verviétoise d’origine, qui habite à Spa, a écrit quelques grandes lignes de l’histoire du tennis féminin belge.
"J’ai commencé à jouer à sept ans alors que j’étais dans une famille nombreuse qui pratiquait en masse le tennis. J’ai fini par rejoindre le centre national situé au Beau Site à Bruxelles. À dix-huit ans, mes parents payaient toujours pour me faire voyager. Je passais onze mois sur douze à l’étranger. À l’époque, la fédération ne voulait pas des filles."
Dans les années 70, l’argent ne coulait pas à flots. "Je dirais que le tennis est devenu un business lorsque les managers ont débarqué en 1975. Jusque-là, je ne gagnais pas beaucoup d’argent."
Au vu de son expérience, elle a logiquement été intronisée capitaine de Fed Cup où elle a lancé des filles comme Wasserman et Devries. Entre ses cours à Barchon, elle ne compte plus les heures passer à lire les journaux ou regarder les matches en direct.
"Je prends tout, se marre-t-elle. Je m’étais réveillée toutes les nuits pour l’Open d’Australie. J’avoue que le tennis féminin est moins intéressant pour le moment. Les départs de Kim Clijsters et de Justine Henin ont nui à l’image de la WTA."
Il est étonnant de constater qu’un tel joyau de notre tennis n’ait jamais occupé des postes en vue au niveau de la fédération.
"L’encadrement est meilleur aujourd’hui. Le réservoir de bons joueurs est si grand que les joueurs ne manquent pas de sparring-partner. Quant à moi ? On ne s’est jamais servi de moi. On ne me demande rien. Il y a même eu une cabale contre moi. Je suis experte dans le domaine. Pourtant, on me laisse au placard."
L’appel est lancé. À 65 ans, Michèle Gurdal a de l’expérience à revendre à un échelon national.
Face à Navratilova à Wimbledon
Michèle Gurdal mange du tennis depuis plus de 55 ans. Quand elle ne donne pas cours à la Magic Tennis School (300 élèves), elle regarde les matches à la télévision ou elle lit des magazines consacrés à la passion de toute sa vie. Elle aurait aimé avoir 20 ans aujourd’hui, car, dans les années 70, le tennis ne jouissait pas d’une telle notoriété. "Mais, je ne regrette rien, coupe-t-elle. Je suis fière de mon parcours", poursuit l’ancienne 56e mondiale qui a occupé le Top 100 entre 1971 et 1980. "J’ai cumulé 40 titres de championne de Belgique toutes catégories confondues." Elle a joué un huitième de finale à Wimbledon en 1975 contre Billie Jean King. Elle a aussi affronté Martina Navratilova en 1976 à Wimbledon. "Quand on monte sur le terrain, on ne regarde que la balle. Navratilova, elle faisait les points et les fautes. Avec Evert, il y avait des échanges."