Goffin s’attaque au plus grand espoir français
Corentin Moutet, 19 ans, aura pour mission de prendre la relève des quatre mous-quetaires du XXIe siècle.
- Publié le 30-05-2018 à 07h21
- Mis à jour le 30-05-2018 à 10h54
Corentin Moutet, 19 ans, aura pour mission de prendre la relève des quatre mous-quetaires du XXIe siècle.
La génération des Tsonga, Gasquet, Monfils et Simon a rendu de fiers services à la France. Les premières rides rappellent que ces quatre Bleus Fantastiques ont largement dépassé leur pic de forme. Aujourd’hui, l’Hexagone a besoin de sang neuf. Parler de crise est prématuré, mais la FFT cherche avec insistance des relais de la génération de ceux qu’on surnommait les Mousquetaires. Alors que la France célèbre encore son titre en Coupe Davis, elle est brutalement retombée sur terre… battue à RG. Aucun Français dans le Top 15, cette situation est inédite depuis dix ans. Entre Benoît Paire (1989) et Quentin Halys (1996), il n’y a qu’un seul Français dans le Top 150. Lucas Pouille incarne le renouveau.
Si on descend dans les âges, les Bleus sont tombés sous le charme d’un gamin de 19 ans : Corentin Moutet. Il est le local de l’étape vu que ce Parisien vit à quelques centaines de mètres du site de RG. Dimanche, il a créé un mini-événement en remportant son premier match en trois sets gagnants.
Mercredi, il s’attaque à un Top 10 d’un autre niveau, David Goffin. Le Liégeois n’a pas l’intention de se perdre sur le chemin de la deuxième semaine.
Champion de France dans toutes les catégories depuis ses douze ans, Corentin Moutet incarne l’espoir de toute une nation qui cherche l’héritier de Yannick Noah depuis 35 ans.
L’émergence potentielle de Corentin Moutet est vue comme un cadeau tombé du ciel. Du haut de son mètre 75, ce terrien a été protégé par Thierry Tulasne avec qui il a entretenu ensuite des relations tumultueuses. "Avec lui, j’ai toujours eu l’impression de ne pas être assez fort. On me répétait sans arrêt que je manquais de respect, que je ne m’entraînais pas assez. J’ai perdu confiance. Je pourrais tout lâcher pour la musique", avait-il lancé dans la presse qui était trop critique sur ses jets de raquette.
S’il est le premier à engueuler l’arbitre, il sera également le premier à s’excuser et regretter ces quelques mots échangés. Corentin Moutet doit encore accepter de rater des points. Un certain Roger Federer a été victime du même symptôme avant de se transformer en gentleman. La comparaison s’arrête là.
Malgré ses menaces, il est toujours affilié à la FFT. Il est même sur le point de rejoindre le Top 100. "Cela s’est fait, on ne va pas dire naturellement, parce qu’il y a eu du travail, mais en fait je ne me voyais pas finir dans un bureau, confiait-il dans le Figaro. J’aime la liberté et je n’aime pas du tout les contraintes. Le tennis, c’est bien pour ça. Il y a des contraintes, mais c’est moi qui me les impose. Et si je perds, j’assume."
Adolescent sensible, il aurait pu choisir une autre voie : l’univers culturel. Quand ses doigts dansent sur son piano, il suscite une émotion comparable à une attaque de coup droit de Federer. Il ne cache pas ses goûts pour la lecture en insistant plus sur son côté sportif qu’intello.
S’il écoute "souvent de la musique française" et joue de temps en temps du piano, il ne lit "pas autant que ça" : "J’adore acheter des livres. Mais le nombre de livres que je ne lis pas… et j’en achète d’autres avant d’avoir lu ceux que je viens d’acheter", rappelle-t-il. Moutet, un intello ? Il n’aime pas l’association car "j’ai détesté l’école, vraiment. J’ai arrêté en seconde. Je n’aime pas l’idée qu’on m’inculque un savoir, l’autorité qu’ont les profs sur les élèves me dérangeait."
Entre les entraînements et les matches, il n’en demeure pas moins un personnage atypique qui garde une fenêtre ouverte sur la littérature. Il connaît ses classiques français de Verlaine à Rimbaud en passant par Baudelaire ou Musset sans oublier Zola et Camus.
Avec Corentin Moutet, on ne badine pas avec l’amour... du beau jeu.
Attention, champion en devenir
Après avoir affronté un Robin Haase en mode ouragan durant deux sets, David Goffin s’attaque à un tout autre répertoire au deuxième tour. Corentin Moutet n’est pas une brute, mais un artiste. Ce gaucher ne mise pas sur la puissance. Il joue juste. Il maîtrise toutes ses gammes. Il est capable de faire un peu tout sur le court : amorties, chops, etc.
S’il fallait sortir un coup du lot, il faut pointer son revers à deux mains qui est l’ADN de son jeu. Il le décoche de toutes les positions. Personne ne conteste son talent. En revanche, son mental n’a pas encore offert toutes les garanties, ce qui est rassurant vu l’âge du gamin. Il suscite la curiosité et son lot de critiques qui l’accompagnent.
Il doit encore se forger cette carapace pour devenir une machine de guerre avec une haute sensibilité. Face à Goffin, la clef sera de sortir tous ses atouts au bon moment. De cet équilibre dépendra son salut.
"Je n'ai jamais rencontré David"
Corentin Moutet tente d’écarter cette chape oppressante que les Français supportent à Paris. "Le public n’est pas toujours pour le local. J’ai l’impression qu’on leur doit quelque chose pour qu’ils soient pour nous. À l’étranger, c’est comme un match de football. Tout le public est derrière son joueur."
Il se méfie de tous ses adversaires. De David Goffin aussi. "Je ne l’ai encore jamais rencontré. De toute façon, tous les joueurs ici sont mieux classés que moi. Je vais tâcher d’adapter ma tactique et de faire mon match. Après, je verrai bien s’il est plus fort ou moins fort", précisait le Parisien.