David Goffin: "La compétition m’a beaucoup manqué"
Après ses premiers entraînements, le Liégeois est rassuré sur sa forme.
- Publié le 19-12-2018 à 05h58
- Mis à jour le 19-12-2018 à 08h06
Après ses premiers entraînements, le Liégeois est rassuré sur sa forme. Visiblement détendu et souriant, David Goffin est, cette semaine, en Belgique où il va passer, en famille, les fêtes de Noël avant de reprendre, enfin, le chemin de la compétition. À l’aube de la nouvelle saison, nous avons rencontré le champion liégeois dans les salons du TC Géronsart, à Jambes.
David, pouvez-vous, d’abord, nous donner des nouvelles sur votre état de forme ?
"Tout va bien ! Voilà plusieurs semaines que j’ai repris les entraînements à Monaco. Et les sensations sont plutôt bonnes. J’ai commencé par un travail purement physique. Et je n’ai renoué avec la raquette que fin novembre. J’avais un peu d’appréhension mais, heureusement, je n’ai plus ressenti aucune douleur. Les paramètres sont donc au vert."
Cette blessure au coude n’est donc plus qu’un mauvais souvenir ?
"Je l’espère ! On a suivi à la lettre le protocole des médecins, sans jamais brusquer les étapes. Après le tournoi de Shenzhen, fin septembre, j’ai pris six semaines de repos complet afin de permettre à l’œdème de disparaître progressivement. J’ai pris des vacances pour recharger les batteries et repartir du bon pied. Puis, on a commencé à travailler très dur. Jusqu’ici, tout s’est donc passé comme prévu."
Dans quel état d’esprit abordez-vous la nouvelle saison ?
"J’ai hâte de retrouver la compétition. Elle me manque. En raison des circonstances, c’est la première fois que j’ai pu effectuer un véritable travail de fond en fin d’année. Lors des dernières saisons, avec les finales de Coupe Davis et le Masters, je n’avais pas réellement pu me préparer physiquement durant l’hiver. Là, on a pris le temps de vraiment bien bosser dans ce secteur si important. J’ai fait beaucoup de musculation en salle et de natation. Histoire de varier les plaisirs, je me suis même risqué à la via ferrata, cette forme d’escalade où l’on se retrouve haut perché accroché à la falaise. J’ai adoré ! Bon, au début, en équilibre instable, je n’ai pas trop fait le malin. Mais je n’ai pas le vertige. Et, à l’arrivée, j’ai vraiment apprécié cette expérience."
Tennistiquement, la reprise a-t-elle été également positive ?
"Oui. On a suivi la même méthode progressive que pour le physique. On est monté progressivement dans les tours. J’ai eu l’occasion de m’entraîner avec Tomas Berdych et Stanislas Wawrinka. Et la semaine dernière, lors d’un dernier stage à Tenerife, j’ai également pu échanger des balles avec Dominic Thiem. Avec mon coach Thierry Van Cleemput, on a beaucoup travaillé le service, le jeu vers l’avant, la mise sous pression de l’adversaire. Je le répète : là, comme ça, les sensations sont bonnes. Mais il faudra évidemment attendre les premiers tournois pour avoir confirmation. Il y a un monde entre l’entraînement et la compétition de haut niveau."
L’année 2018 a été compliquée avec, notamment, ces blessures à l’œil et au coude. On dit que les épreuves servent souvent de tremplin aux grands champions pour encore élever leur niveau…
"J’espère que ce sera aussi le cas pour moi. C’est vrai, 2 018 n’a pas été un millésime facile à gérer. Mais, à présent, la page est tournée et je vais essayer de transformer ces déboires en énergie positive pour la suite. Je suis convaincu que tout ce travail de fond, réalisé ces dernières semaines, va tôt ou tard porter ses fruits."
Quels sont précisément vos objectifs pour 2019 ?
"Il est trop tôt pour les fixer. Je manque encore de repères. Mon dernier vrai match date de fin août, face à Marin Cilic lors de l’US Open. Je suis conscient qu’il va me falloir un peu de temps pour retrouver mon meilleur niveau. Au début, je vais probablement manquer de rythme et d’intensité. On y verra déjà plus clair après mes deux premiers tournois, à Doha et à Melbourne."
"La Coupe Davis ? On verra le moment venu"
Il prendra sa décision selon ses sensations. Mais le match au Brésil tombe très mal.
Jouera, jouera pas ? David Goffin n’a pas encore pris de décision définitive concernant sa participation au match préliminaire de Coupe Davis que la Belgique disputera, début février, au Brésil. "Je ferai le point le moment venu. Mais il est clair que les dates de cette rencontre, la semaine suivant l’Open d’Australie, ne sont pas idéales pour moi. Le match va en outre se jouer au Brésil, sur terre battue. Il faudra voir comment je me sens le moment venu. À ce stade, je suis encore un peu dans le flou et je préfère ne pas m’avancer…"
Le Liégeois se dit partagé sur le nouveau format adopté par la Coupe Davis, avec une phase finale avec 16 équipes en novembre. "D’un côté, je suis évidemment très attaché à l’ancienne formule, qui a permis à la Belgique de disputer deux finales ces dernières années. La communion avec les supporters belges est unique et magique. Mais, d’un autre côté, force est de constater que, dans un calendrier déjà surchargé, il est très difficile pour les meilleurs joueurs du monde de se libérer plusieurs fois par an pour représenter leur pays. La plupart des membres du top 20 mondial ne disputaient d’ailleurs quasiment plus l’épreuve. Reste à savoir si ce nouveau format va répondre aux attentes. Tout est allé très vite. Il y a du pour et du contre. Lorsque j’en parle avec les autres joueurs, j’entends tout et son contraire. Bref, je crois que la formule risque donc encore d’évoluer au fil des ans et des expériences. C’est d’autant plus perturbant que l’ATP Tour envisage, lui aussi, de créer une compétition par équipes. Ce serait un peu ridicule de se retrouver avec deux épreuves de ce genre dans le calendrier…"
Mais, pour l’heure, les priorités du joueur belge, désormais pointé à la 22e place de la hiérarchie mondiale, sont ailleurs. "Cette semaine, je vais encore m’entraîner un peu en Belgique, notamment avec les jeunes du Centre de l’AFT. Pour garde le tonus. Puis, le 26 décembre, je prendrai la direction de Doha, au Qatar, pour participer à mon premier tournoi de l’année. Les conditions de jeu y sont idéales pour préparer, au mieux, l’Open d’Australie qui débutera déjà le 14 janvier."
La suite dépendra donc des sensations du moment. David ne va, en tout cas, plus prendre le moindre risque pour sa santé en multipliant les tournois.
Il va composer son agenda avec un maximum de lucidité et se concentrer, prioritairement, sur les grands rendez-vous qui rapportent un maximum de points : les Masters 1000 et, bien sûr, les tournois du Grand Chelem où il n’a, jusqu’ici, jamais réussi à passer le cap des quarts de finale. Vaincre ce signe indien fait évidemment partie de ses priorités. Mais il se garde sagement de tirer des plans sur la comète. Il revient de loin. Il veut donc avancer pas à pas.
Une année 2019 à savourer pleinement
La nouvelle saison s’annonce passionnante sur le circuit ATP.
"La nouvelle génération monte clairement en puissance, à l’image d’Alexander Zverev, Karen Khachanov, Borna Coric ou Stefanos Tsitispas. Mais les anciens sont toujours là, comme Novak Djokovic et Roger Federer. Et je suis convaincu que Rafael Nadal et Andy Murray vont retrouver leur meilleur niveau après leurs blessures. Bref, ce sera du très haut niveau. Personnellement, je suis un peu entre deux générations et j’espère, bien sûr, avoir aussi mon mot à dire lors des plus grands tournois" , explique David Goffin.
Son coach, Thierry Van Cleemput, abonde dans le même sens.
"Oui, on se trouve peut-être à un tournant intergénérationnel. Les progrès de plusieurs jeunes joueurs ont été impressionnants en 2018. Ils ont pris confiance et leur jeu est de plus en plus complet. Le danger peut venir de partout et l’année 2019 pourrait être un très grand cru, surtout si tous ces champions sont épargnés par les blessures."
"Au début, il faudra être patient"
Thierry Cleemput a encore été épaté par l’implication et l’humilité de son élève.
Voilà près de cinq ans qu’il coache David Goffin. Et le binôme fonctionne visiblement toujours aussi bien. Entre eux, un regard suffit pour se comprendre. Avec, en toile de fond, une confiance totale et réciproque dans les bons comme dans les mauvais moments. On l’a encore constaté ces derniers mois, tout au long de la convalescence du joueur liégeois. " On a suivi à la lettre notre plan de route, sans jamais en dévier. Il n’était pas question de prendre le moindre risque ou de jouer les cow-boys. Mais on a fait néanmoins un sacré boulot. Une fois encore, David m’a épaté par son calme, son professionnalisme et sa motivation. Je l’ai trouvé à la fois très impliqué et très humble devant son nouveau défi" , résume Thierry Van Cleemput.
Très satisfait de l’évolution de son élève, ce dernier sait cependant que le chemin est encore long. "David est resté quatre mois sans jouer. C’est beaucoup. C’était une blessure très vicieuse, difficile à guérir. On va voir à présent ce que cela donne sur le court, au plus haut niveau. Il ne faut pas rêver. Au début, il va manquer de tempo. Il lui faudra des matchs et des matchs pour rattraper cette longue inactivité. Sincèrement, je ne sais pas quand il atteindra son pic de forme. En tout cas, on ne va pas se mettre de pression avec ça. Il faudra être patient. J’espère qu’il aura l’occasion de passer quelques tours à Doha, pour son tournoi de rentrée, afin de faire le plein de confiance avant l’Open d’Australie. Mais, en début de saison, on ne va trop faire attention aux résultats."
Perfectionniste , Thierry Van Cleemput a, lors des derniers entraînements, mis l’accent sur de nombreux petits détails techniques et tactiques pour encore faire évoluer le jeu de David. "Mais sans oublier qu’il doit toujours thésauriser sur ses points forts : son sens de l’anticipation, la qualité de ses retours et de son coup droit notamment."
Allergique à la langue de bois, le coach ne masque pas son mal-être à l’égard du match de Coupe Davis face au Brésil, programmé juste après Melbourne. "Pour un champion, il est très important de défendre les couleurs de son pays. C’est même essentiel. Mais je trouve qu’il faut aussi respecter le physique des athlètes au niveau du calendrier. Avec les dates de Coupe Davis, c’est rarement le cas. Et, à l’arrivée, ce sont carrément des carrières qui peuvent se briser. Et puis, je trouve bizarre que les points ATP qui étaient attribués aux joueurs dans cette compétition ont désormais disparu…"
Dans ce cas précis, Van Cleemput laissera son élève prendre la décision en âme et conscience. "Il a 28 ans et est parfaitement capable de décider." Mais il ne faut pas savoir lire dans les cordes d’une raquette pour deviner qu’il ne va pas le pousser à prendre l’avion.