Bernard Giudicelli, président de FFT: "Ce qu’a gagné Goffin en finale de la Coupe Davis, c’est ridicule !"
Bernard Giudicelli nous reçoit dans l’impressionnant bureau du président de la FFT avec vue imprenable sur le court Philippe Chatrier. Pas de langue de bois au programme d’une discussion de plus d’une heure : réforme de la Coupe Davis, crise du tennis français, nouveau Roland-Garros, il veut garder la main ferme.
- Publié le 05-06-2018 à 15h10
Bernard Giudicelli nous reçoit dans l’impressionnant bureau du président de la FFT avec vue imprenable sur le court Philippe Chatrier. Pas de langue de bois au programme d’une discussion de plus d’une heure : réforme de la Coupe Davis, crise du tennis français, nouveau Roland-Garros, il veut garder la main ferme.
Quelle est votre position sur la réforme de la Coupe Davis avant l’assemblée générale de l’ITF (4-8 août) ?
"Nous devons changer, sinon la Coupe Davis va mourir car les meilleurs joueurs du monde ont décidé de ne plus la jouer. Ils l’ont annoncé en septembre 2016 dans une lettre au président de l’ITF et ont demandé un événement d’une semaine. Et c’est ce qu’ils vont avoir si c’est approuvé. C’est difficile de renoncer à ces émotions qu’on a vécues, mais on ne doit pas être égoïstes. Quand on a organisé les finales de 2014 et 2017, nous avons gagné beaucoup d’argent, quatre ou cinq fois plus que la Croatie ou la Serbie quand elles ont fait de même. Et quand on voit ce qu’a gagné David Goffin en finale de la Coupe Davis alors qu’il a remporté ses deux simples, c’est ridicule. Ce format n’est plus durable. Le rôle de l’ITF va être de redistribuer les bénéfices provenant de cette compétition. Je pense que la réforme sera votée car elle est dans l’intérêt des nations. Si les meilleurs ne jouent plus, les sponsors vont s’en aller et l’ITF sera mal car la Coupe Davis représente 70% de ses revenus."
Quid du projet de Coupe du monde de l’ATP qui serait abandonné ?
"Je partage l’avis de Chris Kermode, CEO de l’ATP, quand il dit qu’avoir ces deux compétitions rivales serait insensé. J’espère qu’on va être capable d’être un sport suffisamment mûr pour défendre l’intérêt du jeu. J’ai parlé à certains des meilleurs joueurs du monde ici et on partage le même avis. Mais maintenant ce sont des professionnels et il y a des intérêts commerciaux. L’argent n’est pas mon but mais un moyen mais en même temps je comprends que pour beaucoup dans le tennis professionnel, l’argent est un but. Il y a un chemin qu’on peut prendre ensemble pour le bien et la richesse du jeu."
Le tennis français ? “On a cru qu’on était les meilleurs du monde” Vous devez être très déçu des performances françaises ici...
"On ne peut pas avoir de l’espoir pour quelque chose sur lequel on n’a pas travaillé. Il y a dix ans, ces gars étaient de grands joueurs et la fédération a cru qu’on était les meilleurs du monde. Alors qu’on ne l’a jamais été. Pour ça, il faut gagner des tournois du Grand Chelem. C’était une situation trop confortable, du coup dans les niveaux en-dessous on a oublié le chemin à suivre. Les tournois qui ont précédé ce Roland-Garros nous ont préparé à ce qui est arrivé. Mais ce n’est déjà plus la responsabilité de la fédération car ils sont indépendants. Ce n’est pas l’échec de la fédération, c’est la fin d’un système. Mon tournoi commence là avec les juniors : c’est le tournoi qui va me montrer comment mon équipe a travaillé."
Que faire pour retrouver le succès de pays comme l’Espagne ou la Belgique ?
"On doit être humble et repartir du début. Pourquoi n’avons-nous pas en ce moment la même réussite que l’Espagne ou la Belgique ? Parce qu’on a oublié que le tennis est un sport international depuis les moins de douze ans. En France nous avons beaucoup de gros tournois de jeunes et on va en faire les Grand Chelem de ces catégories d’âge. On veut éduquer nos jeunes au niveau international le plus tôt possible. Si vous êtes capable d’être le meilleur du monde à 12, 14, 16 ou 18 vous pouvez espérer être le meilleur du monde après. On doit aussi se rapprocher des familles. On les a mises de côté : ça ne fonctionne pas. Chaque projet dans le tennis est familial. On doit aussi renouveler le modèle : désormais, l’aide qu’on fournira aux jeunes dépendra des résultats : ils gagnent des points, ils gagnent de l’argent. On va leur apprendre à être de bons professionnels."
Les meilleurs du moment s’entraînent régulièrement à l’académie de Patrick Mouratoglou mais on voit peu de Français… Un accord est-il en vue ?
"Oui. Parce qu’on va changer la mentalité de cette fédération. On va signer un accord avec Patrick, avec Thierry Ascione, avec Jean-René Lisnard. On va trouver des accords pour aider les joueurs à utiliser leurs structures. Pierre Cherret, notre DTN, a rencontré Patrick pour mettre en place cet accord, et moi aussi j’ai vu Patrick et lui ai dit qu’on allait signer."
Le nouveau Roland-Garros ? “Un monument !”
Quelle est votre ambition pour cette nouvelle version ?
"Je veux donner à ce tournoi un atout : la beauté. Dans l’architecture déjà : le Chatrier sera un vrai monument. Le nouveau court Simonne-Mathieu dans les serres sera unique. Ensuite, toute la beauté sera dans les détails : les sièges en bois du Suzanne Lenglen seront aussi sur le Chatrier. On va aussi s’attacher à fournir des services aux gens : le public aura des toilettes, des points nourriture et boisson à chaque niveau du nouveau Chatrier, comme ça ils resteront sur le court et occuperont leurs places toute la journée. Et puis quand on regarde le court 18 et qu’on imagine ce qu’il se passera sur le Simonne-Matthieu, on aura en tout quatre courts à l’atmosphère fabuleuse."
Comment devenir moderne tout en gardant la tradition ?
"La tradition doit être ouverte sur le futur. Je ne veux pas que l’endroit soit un musée, je veux que ce soit un espace culturel. On aura l’atout du passé, mais on veut continuer de donner de l’émotion aux gens à une période de grand changement technologique. On veut aussi faire la promotion de la terre battue au niveau mondial, c’est pour ça qu’on a signé un accord pour la création du premier club Roland-Garros au Brésil. Nous allons construire une communauté de clubs de terre battue dans le monde.Ce n’est pas seulement pas seulement promouvoir une marque, c’est aussi promouvoir le jeu sur terre battue dont on est le Championnat du monde, et renforcer la position de la France dans le monde du sport."