Que deviennent ces monuments du sport belge (épisode 3) ? La patiente remontée du RC Visé
Auteur du doublé Coupe-championnat en 2000, le RC Visé est désormais en D2 après une traversée du désert. Aujourd’hui, le club a d’autres envies et nourrit d’autres ambitions.
- Publié le 28-12-2023 à 15h07
- Mis à jour le 02-01-2024 à 16h25
Le terrain du Berneau à Visé conserve toujours les stigmates de ce jour du 28 mai 2000, de ce retour triomphal de Waterloo avec le deuxième trophée de la saison. Et pas n’importe lequel. Après avoir été champion de Belgique, les Visétois remportaient la Coupe de Belgique pour un doublé, pas inédit en Belgique, mais exceptionnel et historique pour le RC Visé qui célébrait lors de cette dernière année du siècle dernier ses trente ans.
Faire revenir la Coupe en province de Liège
Cette saison-là, que ce soit Boitsfort ou Waterloo, deux des clubs les plus titrés en Belgique, personne n’aurait pu entraver la marche triomphale de la bande à Laurent Otten, bien décidée à montrer que les trophées ne se gagnaient pas seulement dans la capitale ou ses alentours. À l’époque, le dernier club hors Bruxelles et Brabant wallon à avoir décroché un titre, c’était le Coq Mosan. Mais le club voisin d’à peine 2 km du Berneau visétois était déjà rentré dans le rang après le dernier de ses six titres nationaux en 1983 et son ultime Coupe en 1989. Visé rappelait alors à ce petit monde du rugby que le ballon ovale ne vivait pas seulement que dans le centre du pays.
"De nouveau champion un jour? Ce n'est pas une priorité."
À jamais, le RC Visé entrait alors dans le palmarès prestigieux du rugby belge.
Mais cette heure de gloire a été de très courte durée. Si l’équipe a surfé sur cet élan pour terminer deuxième la saison suivante, le lendemain de veille a surtout ressemblé à une gueule de bois dont a eu du mal à se relever le club de la Cité de l’oie, où le rugby a fait son apparition dans les années 60, amené près de la frontière linguistique grâce au jumelage avec la commune d’Aiguillon (1958), même si la fondation du club remonte à 1970.
Aujourd’hui, le club vit toujours dans les installations de l’époque mais se bat dans le ventre mou de la division 2. La buvette et les vestiaires ont été rafraîchis depuis, les étagères sont régulièrement dépoussiérées pour laisser éclater les différents trophées du club car l’endroit transpire toujours ce moment de gloire. Un souvenir qui ne laisse toutefois pas nostalgique Laurent Otten.
Personnalité marquante dans les instances nationale et régionales du rugby et même du sport belge, le taupier est toujours bien présent au RCV. Ancien joueur, capitaine et président, il a aujourd’hui un rôle de sage au sein du comité.
”Ce doublé, ce n’est qu’un des instants du club, sourit-il. C’était un aboutissement. Pendant des années, cela nous avait été refusé. Il y avait toujours quelqu’un pour nous barrer la route. Et puis, cette saison-là, les choses s’étaient mises en place, les voyants étaient passés au vert. On avait de bons joueurs et de bons entraîneurs.”
23 ans plus tôt, Laurent Otten n’aurait manqué ce rendez-vous historique contre le BRC pour rien au monde. Même pas ses 40 ans. “Mais en tant que pilier, ce n’est pas rare une telle longévité, sourit celui qui était président du club à l’époque. Je me vois encore monter en cours de match en finale de la Coupe et mon vis-à-vis dans la mêlée, c’était Philippe Tollet, célèbre chirurgien (NdlR : ancien président du Boitsfort Rugby Club). Dès la première mêlée, il n’a pas hésité à m’en mettre une ! Les jeunes m’ont alors défendu et se sont regroupés autour de moi, comme pour dire qu’on ne touchait pas au ‘vieux’.”
Un héritage particulier de cette saison
Les yeux de cet ancien international s’illuminent à chaque souvenir de ces moments historiques. L’héritage laissé par ces gladiateurs de l’année 2000 ne s’est pas limité à deux trophées pour orner les étagères du club. Et c’est là que la fierté entre en jeu dans l’esprit de notre interlocuteur.
”Cette saison-là, contre Boitsfort qu’on recevait, pour aller au charbon face aux Bruxellois, on avait besoin d’un cri de ralliement. Et celui qu’on a lancé ce jour-là est toujours d’actualité aujourd’hui. J’avais demandé alors dans le vestiaire : “c’est quoi un strike au bowling ?” J’ai ajouté que je voulais qu’on fasse la même chose et qu’on renverse toutes les quilles au coup d’envoi. On a démarré et là, on a étalé tout Boitsfort sur la première action : trois arcades sourcilières pétées dont la mienne. Les gens se demandaient ce qu’il s’était passé, ils n’avaient pas compris qu’ils étaient venus chez les fous, se marre Laurent. Ce cri, ce “Strike !”, il est resté ancré chez nous.”
"Cette saison-là, les choses s’étaient mises en place, les voyants étaient passés au vert."
Si cette saison était historique, pas question pour l’ancien président d’en faire le moment le plus marquant de l’histoire du club. “Chaque instant est spécial. Pour la Saint-Nicolas, on a eu 350 repas. Ça aussi, c’est un grand moment ! Car ça montre que ça vit.”
Avec plus de 300 membres actuellement, le RC Visé est heureux. Il est redevenu un des acteurs de la D2 depuis peu. Le club a en effet connu un énorme passage à vide après ce moment historique. Des saisons difficiles en D1, en D2 et même en D3 se sont succédé jusqu’à la descente en Régionale d’où les Oies se sont extirpées en 2018 seulement.
”Cette période a été difficile, reconnaît Otten. On a connu un pic dans les années 2000 et puis, la descente. Les gens qui avaient gagné ce doublé ont commencé à partir et on n’a pas forcément eu les personnes pour gérer ce trou. Ce n’était pas facile de sortir de là. La vie d’un club n’est pas un long fleuve tranquille. Ce sont des cycles et il faut parfois passer par là pour mieux remonter. Il faut toujours un plan à l’horizon pour avancer.”
L’horizon, il se construit toujours en bleu et blanc à Visé. À 50 m de l’URSL (football) et du HC (handball), le RC entend faire honneur à son passé tout en se projetant vers l’avenir. Mais à Berneau, pas question de se fixer des objectifs démesurés. Un nouveau trophée national ? Si certains en rêvent, ce n’est pas du tout une obsession, encore moins une priorité. Le club va entamer dans quelques mois sa métamorphose avec une toute nouvelle buvette, bâtie sur les six nouveaux vestiaires pour répondre au mieux au défi du club.
À quand un retour au sommet ?
À ce moment-là, les larmes couleront certainement sur les joues de Laurent Otten. Davantage que lors du doublé. “Quand on a débarqué ici, c’était un champ de pommiers. Lors de mes congés, j’étais venu pour enlever tous les arbres et ensuite ensemencé pour pouvoir nous installer ici, se souvient, ému, cet enfant de fermier. Surtout, quand on a construit la buvette, pour financer les travaux, chacun avait pu acheter sa parcelle. Mais on a besoin d’évoluer car on est à l’étroit et surtout, elle ne répond plus aux enjeux économiques et environnementaux. On gardera toutefois des touches bien locales avec un bar en bois fait par un de nos voisins. La prochaine étape, c’est le synthétique. Ce n’est pas encore acté mais cela se fera dans l’ordre des choses. Ces investissements et cette dynamique feront comme un appel d’air aussi pour nous car il y a de la demande pour le rugby dans la province.”
Et pourquoi pas relancer une dynamique vers la D1 (la dernière apparition à ce niveau remonte à la saison 2009-2010) ?
”Peut-être qu’on sera champion dans 5 ans. Peut-être plus jamais, relativise Laurent Otten. Vous savez, c’est comme la soupe. Vous pouvez utiliser les mêmes ingrédients chaque jour, ça ne donnera pas forcément le même résultat à chaque fois. La seule certitude que j’ai, c’est que si les jeunes du club croient en leur avenir et s’y mettent, on ira loin ! Mais vous savez, j’ai décroché mon premier titre à 40 ans ! Et si je ne l’avais jamais eu, je ne serai jamais mort ! Il faut surtout persévérer.”