Alexandra Tondeur, IronWoman: "Je m’entraîne 364 jours par an"
À 30 ans, la Brabançonne vit, mange et dort pour l’ Ironman d’Hawaï.
- Publié le 19-05-2017 à 16h49
- Mis à jour le 19-05-2017 à 17h17
À 30 ans, la Brabançonne vit, mange et dort pour l’Ironman d’Hawaï. Le soleil est à peine levé quand Alexandra Tondeur gare sa voiture à proximité de la piscine de Rixensart, dont le petit parking affiche déjà complet. Il est 7 heures et les cinq couloirs sont en passe d’être occupés par les habitués, parmi lesquels la triathlète, à qui on a réservé gentiment une ligne d’eau. "Lorsque je m’entraîne en Belgique, je viens ici cinq fois par semaine, tôt le matin pour me permettre d’enchaîner avec une séance à vélo ou à pied, mon rythme habituel étant de deux entraînements par jour. Pour moi, Rixensart, c’est particulièrement facile parce que je n’habite pas loin. Et puis, avec le temps, je n’ai que des amis ici. Sans compter que d’autres sportifs, triathlètes aussi, s’entraînent souvent dans cette piscine."
Les traits tirés, Alexandra est fatiguée en ce mois de mai. Le volume et l’intensité de ses séances lui pèsent un peu. Mais la Brabançonne sait qu’elles sont un passage obligé pour atteindre son objectif : l’Ironman d’Hawaï ! Un rendez-vous auquel elle a participé pour la première fois l’an dernier, terminant 19e, en 9 h 46.49, résultat dont elle garde un goût de trop peu.
"Imaginez : mon rêve devenait réalité… Mais j’ai été trop prudente. J’aurais pu prendre plus de risques, à vélo et à pied. J’ai donné le meilleur de moi-même, mais toujours sur la réserve, par peur de craquer. C’était ma première expérience et je n’avais pas envie de me planter. Mais, quand on a participé à l’ Ironman d’Hawaï, on ne demande qu’à y retourner. Là-bas, j’ai été frappée par le fait que tout tournait autour du triathlon et des triathlètes, quels que soient leur nationalité, leur âge, leur niveau. Les transports, les hôtels, les restaurants, l’île vit au rythme de l’Ironman pendant une semaine. C’est impressionnant… Aucun doute pour moi : Hawaï est la Mecque du Triathlon ! Et je mettrai tout en œuvre pour revivre l’expérience."
Car, si Alexandra Tondeur passe son temps à s’entraîner, 364 jours par an, pour ce jour d’octobre où elle se retrouvera au départ, c’est par passion pour le triathlon, un sport qu’elle pratique depuis dix ans.
"J’ai commencé à l’âge de 20 ans, alors que j’étais en deuxième année universitaire. À l’époque, j’étais passionnée par les sports d’endurance et je me suis donc logiquement tournée vers le triathlon avec un premier succès, dès 2008, à Gérardmer, sur la distance olympique. En 2010, j’ai passé ma première saison sur le circuit international avant de vivre deux années de galère en raison d’une blessure à l’épaule."
À l’époque, ne pouvant plus nager, on crut Alexandra perdue pour le triathlon. Mais elle se soigna et revint à force d’une volonté, bien à l’image de cette jeune femme d’1,70 m pour 57 kg, dont on ne soupçonne pas l’immense capacité à puiser dans l’adversité une force hors du commun.
"J’ai débuté sur longues distances en 2014. D’abord, sur demi-Ironman (NdlR : 1,9 km à la nage, 90 km à vélo, 21 km à pied) , format qui me correspondait vraiment bien."
Alexandra enchaîna, alors, les compétitions, toute heureuse de pouvoir s’adonner à sa passion sans restriction. Et ses résultats furent à la mesure de son talent en 2015 avec plusieurs accessits à Luxembourg (4e), à Raleigh (4e), à Barcelone (6e) et une deuxième place à Aix-en-Provence avant une médaille de bronze à l’Euro et une 13e place au Mondial. Mais ce n’était que le début ! Troisième de son premier Ironman, à Majorque, elle décrocha sa première victoire sur demi, le 25 octobre, en Turquie. De quoi la lancer résolument vers son rêve hawaïen, qu’elle réalisa, donc, le 8 octobre 2016.
"Je passe deux tiers de mon temps à Lanzarote"
Septième de l’Ironman d’Afrique du Sud, début avril, Alexandra prendra le départ de sa deuxième compétition officielle de la saison, ce samedi, à Lanzarote. L’objectif : engranger un maximum de points au fameux Kona Pro Ranking où elle devra obligatoirement figurer dans le Top 35 féminin pour participer à l’Ironman d’Hawaï.
Et, pour le moment, Alex est… 44e. "Chaque course rapporte des points, mais seuls les quatre meilleurs résultats, entre le 22 août 2016 et le 27 août 2017, entrent en ligne de compte. Et encore, contrairement à l’année dernière, il faut au minimum trois Ironman sur les quatre épreuves. Il est évident que c’est plus compliqué de se qualifier… Après l’Afrique du Sud, je m’aligne à Lanzarote, ce samedi, et en Autriche, le 2 juillet. Si je suis qualifiée, tant mieux ! Sinon, je ne sais pas… Parce que je ne me vois pas disputer cinq Ironman sur une saison. Quatre, y compris Hawaï où je tiens à me présenter en forme, c’est un maximum. Mais j’ai bon espoir d’y parvenir parce que, depuis le début de l’année, je ne ménage pas mes efforts. J’ai ainsi passé les deux tiers de mon temps en stage à l’étranger, à Lanzarote, qui est un peu devenu ma seconde résidence puisque j’y ai passé trois semaines en janvier, deux en février, trois en mars, deux en avril et une en mai. Là, je commence à connaître tous les carrelages de la piscine, toutes les côtes de l’île et tous les parcours de promenade."
Il est vrai que la période hivernale a été longue pour Alexandra, surtout depuis qu’elle a rejoint Itzu Tri Team, l’équipe professionnelle de Luc Van Lierde, avec lequel le courant est vite passé. "Je m’entraîne tous les jours, au rythme de deux séances, ce qui représente quand même plus ou moins 22 km de natation, 400 km à vélo et 60 km à pied par semaine !"
Et par an, le calcul révèle des chiffres assez interpellants : 1.144 km de natation, 20.800 km à vélo et 3.120 km à pied. Alors, quand on évoque Lanzarote, Alexandra coupe immédiatement : "Certains parlent de résidence secondaire mais, croyez-moi, quand je m’y rends, ce sont tout sauf des vacances ! D’autant que Luc entraîne d’autres triathlètes, masculins, et qu’il a tendance à me confondre avec eux. Quand je reçois mon planning, toutes les deux semaines, je me demande parfois comment je vais avaler tout ça. Mais bon, je suis quelqu’un qui aime les défis et je ne me plains pas. Le seul bémol avec tout ce temps passé à Lanzarote est que je vois très peu mes parents, ma famille, mes amis, auxquels je suis très attachée. Cela dit, encore une fois, j’assume mon statut de sportive de haut niveau."
"Mon objectif ? Top 10 à Hawaï !"
Triathlète professionnelle, Alexandra Tondeur bénéficie d’un contrat et d’une bourse auprès de l’Adeps et n’hésite pas à dire que, sans ces subsides publics, elle ne pourrait assouvir sa passion.
Depuis janvier 2017, la Brabançonne figure également dans l’équipe Itzu Tri Team, créée par Luc Van Lierde. "Nous établissons un programme de stages et de compétitions. Puis, nous budgétisons. Souvent, je dois discuter, voire aménager, pour que le budget qui m’est alloué couvre les frais de mon programme. Itzu Tri Team prend en charge une partie du matériel et des déplacements, ce qui me permet de ne pas devoir mettre de ma poche. Mais il va de soi que ce n’est pas toujours facile… Ceci dit, encore une fois, je ne me plains pas. Au contraire, j’ai conscience d’être beaucoup aidée. D’autres triathlètes ne peuvent pas en dire autant."
Dans sa carrière, Alexandra a connu des hauts et des bas. Alors, le meilleur et le pire moment ? "Le meilleur ? L’arrivée de mon premier Ironman , en septembre 2015, à Majorque ! Où je termine troisième… Le pire ? Mon abandon lors de la manche de Coupe du Monde, en 2010, à Madrid. J’ai été obligée d’arrêter en course à pied…"
Et l’objectif aujourd’hui ? "Mon ambition est d’être la première Belge à terminer dans le Top 10 à l’ Ironman d’Hawaï !"
"On se bat contre soi-même et pas contre les autres"
Depuis 2014, Alexandra Tondeur vit dans ce monde, si particulier, des triathlètes longues distances où l’esprit de compétition n’engendre pas une rivalité exacerbée. Bénéficiant des conseils avisés de son nouveau coach, Luc Van Lierde, double vainqueur de l’Ironman d’Hawaï (1996, 1999), elle a appris à partager ses expériences avec d’autres, hommes et femmes.
"Frederik Van Lierde, par exemple, est un gars très ouvert. Et ce n’est pas parce que nous avons le même coach ! En Afrique du Sud, où je me rendais pour la première fois, il m’a conseillée sur les courants dans la baie de Port-Elizabeth, sur le vent pendant le parcours vélo et sur le tracé de la course à pied. Franchement, c’était sympa ! Côté féminin, j’entretiens de bons contacts avec la Française Jeanne Collonge. Nous avons le même âge, mais elle est un peu plus expérimentée que moi sur longues distances . Pour être honnête, dans cette discipline, j’apprécie le fait qu’on se bat contre soi-même et pas contre les autres. Au départ, par exemple, tout le monde se souhaite bonne chance."
"Je mange cinq fois par jour, en petites quantités"
Le triathlon longues distances exige beaucoup d’efforts physiques en terme d’entraînements, mais aussi dans le domaine de l’alimentation. Sur un Ironman (3,8 km de natation, 180 km à vélo, 42 km à pied), les intestins sont aussi importants que les jambes ou les bras.
"J’ai dû m’habituer à manger pendant les entraînements parce que c’est comme ça en compétition. Un Ironman représente une dizaine d’heures d’effort pendant lesquelles on doit s’alimenter sous peine de tomber en panne. Bien sûr, tout dépend des circonstances, de la météo, du parcours, de l’intensité, mais je perds entre 10 et 15.000 calories sur une épreuve alors que le corps ne peut en assimiler que 3.000 maximum. Il n’est pas rare qu’on assiste à des défaillances dues à une mauvaise alimentation ou hydratation. Ainsi, quand j’ai terminé l’ Ironman d’Hawaï, en octobre, on m’a mis sous perfusion parce que j’étais déshydratée. Et pourtant, croyez-moi, j’avais pris tous mes ravitaillements. Et j’avais perdu 3,5 kg dans l’aventure ! Il faut gérer."
Dans la vie quotidienne, Alexandra suit également un régime un peu particulier.
"Je mange cinq fois par jour, mais en petites quantités. Le matin, à 6 h, à 10 h, après le premier entraînement, à midi, à 16 h, après ma deuxième séance et vers 20 h. Parfois, il m’arrive d’encore manger un peu avant le coucher. Alors, je ne dis pas que je ne mange jamais de frites ou de chocolat, mais je veille quand même toujours à m’alimenter le plus sainement possible par respect de mon corps et, aussi, pour éviter de tomber malade…"