Jean Todt, président de la FIA : "Un pilote heureux est plus rapide"
A l'occasion de la manche belge du WEC, nous avons pu parler, ce samedi à Francorchamps, avec l'ex-directeur sportif des usines Peugeot (en endurance) et Ferrari (F1) devenu le numéro 1 de la fédération internationale de l'automobile.
- Publié le 06-05-2018 à 11h52
- Mis à jour le 06-05-2018 à 14h42
A l'occasion de la manche belge du WEC, nous avons pu parler, ce samedi à Francorchamps, avec l'ex-directeur sportif des usines Peugeot (en endurance) et Ferrari (F1) devenu le numéro 1 de la fédération internationale de l'automobile.
Mr Todt, quel est l'avenir du Championnat du Monde d'Endurance (WEC) ?
« En raison essentiellement de l'inflation des coûts, plusieurs constructeurs ont disparu. On a pu déjà gérer l'urgence en mettant sur pied cette Super Saison démarrant ici. Maintenant, on travaille sur des solutions pour le futur, à partir de 2020. Je sors d'une réunion à l'instant concernant le règlement pour la saison 2020-2021. On planche sur une règlementation qui coûterait beaucoup moins cher, accessible à des budgets raisonnables, où il n'y aurait plus autant de différences entre usines et privés.»
Combien de constructeurs espérez-vous attirer avec la nouvelle règlementation ?
« Un minimum de trois. Dix serait un succès. Cela existe dans certaines disciplines... De manière réaliste, je dirais entre cinq et sept pour un début, toutes catégories confondues. »
Peut-on imaginer un réel combat entre constructeurs et teams privés ?
« Pour cette année, je ne peux pas vous répondre. Je ne connais pas assez le règlement. Mais c'est le but pour le futur justement. C'est possible dans des championnats où le règlement est bien pensé. Regardez le WRC. C'est tout de même un team privé qui est champion du monde face à des usines. Et qui mène actuellement le Mondial en rallye ? OK Ford s'implique un peu plus, mais M-Sport n'est pas un constructeur. »
Voir un pilote de F1 disputer un autre championnat en parallèle, cela vous inspire quoi ?
« Je trouve cela super. D'autres devraient l'imiter. Cela se faisait beaucoup par le passé. Je me souviens notamment de Jim Clark. Fernando Alonso est un véritable racer, un passionné de la course. Et il est compétitif dans plusieurs disciplines. J'ai eu beaucoup de respect aussi voici quelques années pour Kimi Raikkonen passé de la F1 au WRC. »
Cela signifie qu'il n'y aura plus de clash à l'avenir entre Le Mans et un GP de F1 ?
« Nos relations avec l'ACO sont bonnes et on essaiera de l'éviter car les 24H du Mans est certainement une des plus grandes courses au monde. Mais ce n'est pas toujours évident. On a une dizaine de championnats FIA et seulement 52 week-ends. Et encore, je devrais plutôt dire 38 car on ne roule pas beaucoup l'hiver. Donc ce n'est jamais évident. Mais on essaie de faire de notre mieux. Il n'y a pas de rivalité entre Le Mans et la F1. Ce sont des histoires de journalistes. Il faut se méfier de ce que l'on lit. A l'époque, quand j'étais directeur de Ferrari, j'entendais souvent parler de pilote N°1. Mais cela n'existait pas contractuellement. Le numéro 1 se décidait naturellement après quelques courses. On favorisait celui qui était devant au championnat, tout simplement. »
Auriez-vous autorisé en tant que directeur de la Scuderia votre pilote à disputer un autre championnat en parallèle ?
« Sans doute si c'était vraiment sa volonté. Je pars du principe qu'un pilote heureux est plus performant. C'est comme n'importe qui dans son travail. Si vous êtes épanoui, vous écrirez de meilleurs articles. »
Vous pensez que Fernando est heureux chez McLaren ?
« Il est ici, vous pouvez aller lui poser la question. Mais soyez sûr qu'il vous dise la vérité... »
La moyenne d'âge des fans de courses augmente, pourquoi ?
« Car les mentalités et le monde changent. Quand j'étais jeune, j'attendais d'avoir 18 ans pour avoir mon permis de conduire. C'était une étape importante dans la vie. Aujourd'hui, je connais beaucoup de jeunes de 23 ou 24 ans qui n'ont ni permis ni voiture. Ils se déplacent autrement. Votre indépendance n'est plus liée à votre auto. Du coup, l'intérêt des sponsors changent aussi et il est plus difficile de trouver de l'argent pour le sport automobile. C'est pareil pour les nuisances sonores. Il y a quarante ans, vous n'étiez pas surpris d'entendre une voiture faisant beaucoup de bruit en passant dans la rue. Aujourd'hui, cela dérange de suite. »
Votre avis sur le succès de la Formula E ?
« Vous savez je suis admiratif du succès des autres, pas jaloux. Quand je vois quelqu'un qui réussit, j'essaie de m'améliorer pour arriver au même niveau voire mieux que lui. La Formula E n'a que quatre ans. Jusqu'à présent, elle ne cesse de croître. C'est un bel exemple. Il faut vivre et évoluer avec son temps. Entre 2020 et 2024, la majorité des grandes villes n'acceptera plus les voitures à moteur diesel. A partir de 2030, ce sera au tour des voitures à essence d'être interdites dans les centres villes. Le sport auto doit être un mélange entre du show, du sport bien sûr mais aussi un laboratoire pour l'industrie. Il faut avoir une vision du futur. Et de ce côté-là, la Formula E a une longueur d'avance. »
Vous pensez que le futur de l'automobile est électrique ?
« Pas nécessairement. Pas d'une manière générale car l'électrique a un problème d'autonomie et de temps de recharge. D'autres technologies vont arriver, je pense notamment à l'hydrogène. Il s'agit d'une belle alternative pour le futur. Mais elle n'est pas encore prête, c'est encore trop lourd pour fonctionner en sport auto. Mais on a un oeil attentif là-dessus. »