Francesco Totti, le capitaine éternel
Vendredi passé, l'AS Roma annonçait la prolongation du contrat de Francesco Totti jusqu'en 2016. Tout un symbole à l'aube du derby romain contre la Lazio.
- Publié le 23-09-2013 à 22h34
- Mis à jour le 17-09-2014 à 00h01
"J'ai toujours désiré endosser un seul maillot, celui que j'ai supporté et que j'ai toujours aimé. Je l'honorerai jusqu'à la fin" . Cette phrase, on la doit à Francesco Totti lors de la conférence de presse qui suivait le match remporté la semaine passée à Parme. Ce soir-là, Il Capitano avait fait trembler les filets pour la première fois de la saison et espérait bien de cette manière convaincre ses dirigeants de prolonger son bail qui arrivait à échéance en juin 2014.
Ceux-ci ont entendu le voeu de son joueur et lui ont offert une prolongation de contrat de deux ans. Totti portera donc le maillot de son coeur jusqu'à ses quarantièmes rugissants avant d'intégrer l'équipe dirigeante. La date choisie pour annoncer la bonne nouvelle n'était d'ailleurs pas anodine. Ce dimanche, se tenait le derby de la capitale italienne contre la Lazio. Un duel dans lequel, Francesco Totti a été souvent décisif depuis qu'il a disputé son premier en 1995. Il a cependant du attendre le 29 novembre 1998 et la 82e minute du derby pour offrir l'égalisation aux siens dans une rencontre qui s'est terminée sur le score de 3-3.
Voir le premier but de Totti contre la Lazio à 4'05"
Contre la Lazio, Il Capitano se transcende
Et dès qu'il voit des maillots biancocelesti, Il Capitano se transcende. Au total, il aura trouvé le chemin des filets à 9 reprises contre le rival laziale en Serie A. Un record qu'il co-détient avec Marco Delvecchio et Dino Da Costa, ce dernier ayant cependant réussi à en planter deux de plus à l'occasion de la Coupe d'Italie. Au total, Francesco Totti a disputé 36 derbies romains. Un record ! On ne peut pas dire pour autant qu'il est le porte-bonheur de ses couleurs puisqu'il en a remporté autant qu'il en a perdu. C'est à dire 13.
Ce dimanche, Totti n'a pas marqué, mais il a encore laissé son empreinte dans ce 138e duel entre les clubs rivaux de la Ville Eternelle.A la 63e, son coup de patte débloque le match. D'un joli ballon sauté, il trouve Federico Balzaretti au second poteau après être rentré dans la surface biancocelesta. La Roma mène 1-0 et doublera la mise en fin de rencontre via Adem Ljajic.
Quatre matchs et autant de victoires convaincantes. Les Giallorossi, entrainés depuis cet été par l'ancien technicien du LOSC Rudi Garcia, trônent en tête de la Serie A. Peuvent-ils rêver d'un Scudetto qui se refuse à eux depuis 2001 ? Il est encore sans doute trop tôt pour le dire. Mais dans un coin de sa tête, Francesco Totti l'espère secrètement. Lui qui rappelait encore il y a peu à quel point le 17 juin 2001 et le sacre à l'Olimpico après 18 ans d'attente était gravé dans sa mémoire. Il Bimbo de Oro avait inscrit ce jour-là le premier des 3 buts de la Roma contre Parme. C'était tout un stade et toute une ville qui explosait de joie.
Le but de Totti contre Parme le 17 juin 2001. La Roma est sacrée championne d'Italie, 18 ans après son dernier Scudetto
A la vie, à la Rome
Malgré son immense talent, Francesco Totti n'a jamais pensé aller voir ailleurs comme la plupart de ses collègues. Il aurait pourtant pu glaner d'autres titres et gagner encore plus d'argent, s'il avait fait parler le portefeuille plutôt que le coeur.
Il y a deux semaines, Gareth Bale est devenu le joueur le plus cher de l'histoire du football avec un montant de transfert avoisinant les 100 millions d'euros, même si le chiffre de 91 a été évoqué afin de ne pas blesser l'ego surdimensionné de Cristiano Ronaldo. Dix ans plus tôt, Chelsea était prêt à mettre beaucoup plus pour s'attacher les services du numéro 10 de la Roma. Roman Abramovitch, le propriétaire des Blues avait proposé jusqu'à 120 millions d'euros. Une anecdote racontée par Franco Baldini, le directeur sportif giallorosso de l'époque, dans l'ouvrage de Stefano Boldrini "Una vita de Capello". Chelsea et son oligarque russe seront finalement éconduits par la direction romaine.
En juin 2011, c'est le Los Angeles Galaxy qui était prêt à en faire le joueur le mieux rétribué du monde en lui proposant un salaire annuel de 14 millions de dollars. Mais ce n'était pas suffisant pour arracher Totti à sa Roma. Car mieux vaut rester avec Daniele De Rossi à l'ombre du Colisée plutôt que d'aller en semi-retraite à Hollywood avec David Beckham et Landon Donovan. Et peu importe le prix. Un mois et demi plus tard, Anzhi offrait un contrat de 20 millions par an à Samuel Eto'o. Il Capitano n'avait donc pas raté l'occasion d'établir un record. Sans regrets.
Et pourtant, il aurait pu être Laziale
Mais les longueurs en brasse ou en crawl ne sont pas l'activité favorite de Totti qui joue aussi au football depuis l'âge de 7 ans. Il s'initie au ballon rond au sein du petit club de quartier de Fortitudo Luditur avant de disputer son premier championnat complet avec Smit Trastevere l'année suivante. En 1986, il passe à l'AS Lodigiani, une petite équipe romaine, qui n'a jamais évolué plus haut que la Serie B. C'était lors de l'exercice 1993-94.
Après 3 saisons là-bas, la Lazio conclut un accord avec Lodigiani pour le transfert de Totti. Mais c'était sans compter sur Gildo Giannini. Ce responsable des jeunes de l'AS Roma va alors se rendre chez la famille Totti pour convaincre les parents de laisser partir leur fils chez les Giallorossi. Cet épisode va alors provoquer un petit incident diplomatique entre la Roma, la Lazio et Lodigiani. Dino Viola, le président giallorosso, va alors rencontrer les dirigeants de Lodigiani et leur proposer le marché suivant. En échange de 300 millions de lires et de deux joueurs de la Roma, Gianni Cavezzi et Stefano Placidi, Francesco Totti rejoindra la Louve. C'était le début d'une histoire d'amour qui dure désormais depuis 24 ans.
Lancé en Serie A à 16 ans
Le jeune Francesco poursuit sa formation au sein des différentes équipes d'âge de la Roma et obtient ses premiers succès. En 1993, il remporte le Scudetto Allievi, puis s'offre une Coppa Italia avec la Pimavera. Elément-clé de ces succès, Francesco Totti, âgé alors de seulement 16 ans, est récompensé de sa progression par Vujadin Boskov. Le coach de l'équipe première lui offre 9 minutes de jeu le 28 mars 1993 lors d'un match de championnat contre Brescia remporté 0-2. La jeune promesse devra attendre encore 9 mois pour être titularisé pour la première fois de sa carrière. C'était lors d'un match de Coupe contre la Sampdoria où la Roma sera éliminée aux tirs au but.
C'est de nouveau contre la Sampdoria que Totti est titularisé pour la première fois en Serie A le 27 février 1994. Mais le club de Gênes ne sourit une nouvelle fois pas à la Louve qui se fait surprendre 0-1 dans son antre. A l'époque, Boskov avait cédé sa place à Carlo Mazzone qui ne tarit pas d'éloges lorsqu'il évoque sa jeune promesse. "Ce garçon est un énorme talent", avait déclaré à l'époque le technicien dans les colonnes du Corriere della Sera. Il couve alors Totti car il sait très bien que les louanges adressées un jour peuvent très bien se transformer en critiques acerbes le lendemain. A la fin de la saison 93-94, Totti a fait 8 apparitions sous le maillot romain.
La préparation estivale pour le nouvel exercice se passe pour le mieux. Francesco Totti claque son premier goal non-officiel au stadio Olimpico à l'occasion d'une joute amicale contre Valence. Le 4 septembre, il secoue pour la première fois les filets en Serie A lors du match contre Foggia. Malgré la concurrence d'Abel Balbo et Daniel Fonseca, Totti dispute 21 rencontres et marque 4 goals. Il confirme ainsi les espoirs placés en lui.
Le premier but de Francesco Totti en Serie A
Lors de la saison 1995-96, Il Bimbo de Oro est désormais titulaire régulier et dispute 28 rencontres. Il n'inscrit que deux goals, mais s'illustre cependant en Coupe de l'UEFA où son club atteint les quarts de finale. Totti marque aussi son premier goal européen à Jan Van Steenberghe en 1/16e de finale contre l'Eendracht Alost d'Edwin Van Ankeren et d'Yves Vanderhaeghe. Ce dernier, ancien Diable Rouge et actuel T2 à Courtrai, inscrira d'ailleurs le premier but du match... contre son camp. Au tour suivant, Francesco Totti plantera une seconde rose contre Bröndby.
Totti buteur contre l'Eendracht Alost de la grande époque
En juin 1996, Mazzone est remplacé par l'Argentin Carlos Bianchi. Un autre style, mais un style qui ne convient pas à Francesco Totti qui entretient des relations difficiles avec l'ancien T1 de Velez Sarsfield. Bianchi veut d'ailleurs vendre Il Gladiatore à la Sampdoria ou à l'Ajax. Une transaction avec le club néerlandais ne serait pas pour déplaire à l'entraineur argentin qui rêve de faire venir Jari Litmanen, le maestro finlandais d'une équipe amstellodamoise qui vient d'atteindre la finale de la Champion's League, une saison après l'avoir remportée. Mais les mauvais résultats obtenus par la Roma poussent ses dirigeants à rompre le contrat de Bianchi. Totti peut de nouveau rêver d'un futur en rouge et jaune.
Zeman transforme Totti en Capitano
Changement de cap lors de l'été 1997 où l'AS Roma nomme Zdenek Zeman comme entraineur. Le technicien tchèque est réputé pour son football offensif et attractif, mais aussi pour ses lacunes dans l'organisation défensive. Ses équipes marquent beaucoup, mais encaissent énormément. Le pari est risqué.
Zeman a de grandes ambitions pour Totti qui du haut de ses 21 ans va subir une mutation physique et mentale. Le technicien tchèque, adepte du 4-3-3, mue celui qui évoluait jusque là en trequartista en attaquant. A ce poste, Francesco Totti affine ses qualités offensives et développe sa vista. Mais surtout Zdenek Zeman décide de donner des responsabilités à celui qui est encore surnommé Pupone. Il lui attribue le numéro 10 laissé vacant depuis le départ de Guiseppe Giannini.
La Roma termine 4e et Totti prend part à 30 rencontres de Serie A où il secoue les filets à 13 reprises. Il inscrit même son premier doublé en novembre à l'occasion d'un match contre Bari. Les prestations du nouveau numéro 10 romain impressionnent la presse italienne qui n'hésite pas à réclamer sa sélection en Nazionale en vue du mondial français en 1998. Cesare Maldini fait la sourde oreille et ne l'emmène pas pour le voyage dans l'Hexagone. Totti attendra le mois d'octobre et un match contre la Suisse pour porter pour la première fois les couleurs azzurri.
En octobre 1998, Francesco Totti devient Il Capitano quand Aldair lui cède le brassard. Fort de son nouveau statut, le jeune homme de 22 ans assume et réalise une saison aussi convaincante que la précédentes (31 matchs/12 buts). Il se voit décerner le Guerin de Oro du meilleur joueur de Serie A, mais les résultats de la Roma ne sont pas convaincants pour la direction qui décide de ne pas prolonger l'aventure avec Zeman malgré une cinquième place en championnat et un 1/8e de finale en Coupe de l'UEFA. L'élimination en 1/8e de finale de la Coupe d'Italie contre la modeste Atalanta a eu raison du technicien tchèque.
Celui-ci gardera quand même un excellent souvenir de celui qu'il a façonné. "Totti reste le joueur le plus fort que je n’ai jamais vu et entraîné. Il a grandi avec moi, c’était un gamin. Maintenant c’est devenu un attaquant", déclarait-il en 2009. Il ne savait pas encore à l'époque qu'il le retrouverait quelques temps plus tard pour un deuxième chapitre romain.
Le Graal avec Mister Capello
En intronisant Fabio Capello, l'AS Roma fait alors le choix d'un football plus pragmatique. L'homme a remporté de nombreux succès au Real Madrid et à l'AC Milan où il avait pris la relève du légendaire Arrigo Sacchi. Vainqueur d'une Liga , de quatre Scudetti et d'une Coupe aux grandes oreilles (avec l'AC Milan), Capello doit ramener des titres à une Roma qui court après la victoire finale en championnat depuis 1983.
Le premier exercice n'est pas brillant. La Louve ne termine qu'à une modeste sixième place, mais Francesco Totti, qui a cette fois étoffé son registre tactique sous la férule du Géomètre, se distingue sur le plan individuel. Il dispute 34 rencontres toutes compétitions confondues et plante 8 roses, ce qui lui permet d'être nominé pour le titre de joueur italien de l'année et surtout de se voir récompenser du trophée du meilleur jeune.
Le mercato estival de l'année 2000 est très actif du côté du stadio Olimpico. Walter Samuel (Boca Juniors), Emerson (Bayer Leverkusen) et surtout Gabriel Batistuta, qui avait martyrisé les défenses de Serie A pendant 9 saisons à la Fiorentina, débarquent dans la Ville Eternelle. Avec ce recrutement, la Roma peut jouer les premiers rôles, d'autant plus que Totti continue son irrésistible progression et que Vincenzo Montella retrouve toutes ses sensations. Vingt buts pour Batigol, tandis Totti et Montella en claquent 13 chacun. Ce trio joue un grand rôle dans la conquête du titre, le troisième et dernier de l'histoire de La Louve.
Pour ne jamais oublier ce jour, Francesco Totti se fait graver un souvenir dans sa chair. Il se fait tatouer un légionnaire sur le bras droit. Il est aussi nommé meilleur joueur du championnat et termine 5e du Ballon d'or remporté cette année-là par Michael Owen.
Dans la foulée de ce titre, la Roma se présente comme grande favorite à sa succession la saison suivante. Malgré une victoire en Supercoupe contre la Fiorentina, les Giallorossi doivent se contenter de la deuxième place à une petite unité de la Juventus. La faute un Gabriel Batistuta moins productif (seulement 6 buts) et à un Francesco Totti, victime de pas mal de pépins physique et qui ne peut prendre part qu'à 24 matchs avec néanmoins 8 buts à la clé. La Roma partage beaucoup de fois l'enjeu cette année là (13 fois). Malgré un effectif renforcé par les venues de Diego Fuser, Christian Panucci et Antonio Cassano, la Louve reste dépendante de ses stars. Elle paie aussi les efforts fournis en Champion's League où elle est éliminée au deuxième tour de poules.
En 2002-2003, la Roma dégringole au classement et ne finit que 8e. Batistuta, souvent blessé, n'est plus autant décisif et les résultats s'en ressentent. Totti connaît une nouvelle fois une saison marquée par les blessures. Mais quand il est aligné, Il Capitano démontre toute son importance. 14 goals en Serie A, 3 en Coupe d'Italie et 3 en Ligue des Champions.
Lors de cette dernière, il claque notamment son centième but sous la vareuse de la Roma lors d'une victoire de prestige sur la pelouse du Santiago Bernabeu. D'une superbe passe en profondeur, il lance Vincent Candela qui effectue un beau travail sur son côté gauche avant de remiser en retrait pour son capitaine qui ne manque pas l'aubaine. La Roma termine première de la première phase d'une poule où l'on retrouvait aussi le Racing Genk. Au deuxième tour de l'épreuve, les Giallorossi terminent à la dernière place d'un groupe avec Valence, l'Ajax et Arsenal.
En Coupe d'Italie, la Roma atteint le stade ultime de l'épreuve mais s'incline contre l'AC Milan. Ce résultat permet cependant à Capello de rester à la tête de l'équipe.
2003-2004 sera la dernière saison de Don Fabio sur le banc de la Roma. Le club décroche la place de premier dauphin de la Juventus et Francesco Totti atteint pour la première fois de sa carrière le total de 20 buts en une saison. Cela lui permet de remporter son deuxième Guerin de Oro.
La saison suivante sera celle de la transition. Les entraineurs se succèdent à la tête de l'équipe. Cesare Prandelli, l'actuel sélectionneur italien, commence avant de céder sa place à Rudi Völler. L'ancien attaquant de la Mannschaft sera ensuite débarqué au profit de Luigi Delneri qui sera ensuite remplacé par Bruno Conti.
Une saison désastreuse sur le plan économique puisque le club voit sa dette s'alourdir considérablement. Sur le plan sportif, les apparences sont sauvées avec une place de finaliste en Coupe d'Italie, ce qui permet de s'assurer une participation en Coupe UEFA. Avec 16 pions en 40 parties jouées, Francesco Totti fait encore honneur à son statut de maestro de l'équipe. Il marque aussi son 100e goal pour le club de son coeur avec un coup franc somptueux lors d'un match contre l'Inter le 3 octobre 2004 (3-3). Sans doute l'une de ses plus belles réalisations.
Depuis 1999 et l'arrivée de Fabio Capello, le capitaine évoluait dans un rôle de deuxième attaquant. Il va encore étoffer son répertoire la saison suivante avec la venue de Luciano Spalletti.
Titres, records, blessures et nouveau rôle avec Spalletti
Qu'on se le dise, le Barça n'a pas révolutionné le football comme certains le prétendent. Il s'est inspiré de certains préceptes et est parvenu à atteindre l'excellence en les adaptant à sa sauce. Comme le tiki taka qui n'est qu'une évolution du toque colombien de Francisco Maturana dans les années 90, le fait de jouer sans véritable numéro 9 n'est pas une invention de Pep Guardiola, mais de Luciano Spalletti. L'entraineur chauve ne dispose pas de véritable target man de qualité dans son effectif et décide d'aligner Totti comme pointe la plus avancée d'un dispositif qualifié de 4-6-0. Le pari s'avère un vrai succès. Les Giallorossi remportent 11 succès d'affilé et occupent la deuxième place du classement.
En février 2006, Totti se blesse gravement au péroné gauche et sa Coupe du monde est compromise. Ce coup du sort n'empêche cependant pas les giallorossi de terminer derrière l'Inter en championnat et de se qualifier pour la finale de la Coupe d'Italie.
Relancé par le titre mondial acquis en Allemagne, Francesco Totti marche sur l'eau la saison suivante. Il remporte le trophée de meilleur buteur européen avec 26 goals, termine deuxième de la Serie A et remporte une Coppa Italia qui se refusait à la Roma depuis deux saisons. L'apothéose de cette compétition est d'ailleurs un magnifique souvenir pour le capitaine qui a montré la voie aux siens en inscrivant le premier des 6 goals de la Louve cet après-midi là (score finale 6-2). Un résultat qui permettait d'oublier une élimination plus douloureuse en quart de finale de la C1. A Old Trafford, la bande à Totti avait coulé sur le score de 7-1...
2008 est l'année des nouveaux records pour Francesco Totti. Six ans après sa centième réalisation en rouge et jaune, Il Gladiatore vient de doubler la mise. C'est à l'occasion d'une rencontre de Coupe d'Italie en janvier qu'il atteint la barre des 200 buts. Deux mois plus tard, le numéro 10 dispute son 500e match pour la Roma toutes compétitions confondues. Son club réalise de nouveau une saison probante avec une deuxième place en Serie A, une Supercoupe et une nouvelle Coupe d'Italie. Au niveau européen, les hommes de Spalletti se paient le scalp du Real Madrid en 1/8e de finale avant de de nouveau échouer en quarts contre Manchester United. Cette fois, les chiffres sont moins sévères pour les pensionnaires du stadio Olimpico.
Quand Totti boîte, c'est la Roma qui n'avance pas
La saison 2008-2009 de Totti est perturbée par des problèmes au genou. Les absences du capitaine se ressentent sur les résultats de la Roma qui pointe dans les tréfonds du classement de la Serie A. Motivé par la perspective de disputer une finale de C1 dans son antre du stadio Olimpico, La Louve donne tout ce qu'elle a sur la scène continentale. Après une bonne phase de poules, la Roma affronte Arsenal en 1/8e. Au terme des deux rencontres, c'est la loterie des tirs au but qui va décider du qualifié. Max Tonetto envoie son ballon dans les nuages, la Roma dit adieu à son rêve avec son capitaine en pleurs.
Les ouailes de Spalletti parviennent cependant à retrouver des couleurs en championnat et le terminent à la sixième place. Cette saison marque aussi la fin de carrière d'une légende du football italien, Paolo Maldini. Et c'est Francesco Totti qui sera le dernier à marquer un but contre Milan alors que l'emblématique défenseur se trouvait sur le terrain. C'était lors de la 37e journée de Serie A.
Avec 13 buts en 24 rencontres, le bilan personnel du capitaine est plus qu'honorable compte tenu de ses blessures.
Relations difficiles avec Ranieri
Le 30 juillet 2009, Francesco Totti marque le tout premier goal de la nouvelle Europa League contre La Gantoise. L'attaque romaine est d'ailleurs irrésistible en début de saison puisqu'elle plante dix buts en deux matchs aux Buffalos avant de récidiver au tour suivant contre Kosice. Totti a pris la moitié des 20 buts à son compte. La nouvelle saison s'annonce sous les meilleures auspices.
Mais c'était sans compter sur Rosella Sensi, la présidente du club qui a pris la succession de son père Franco. Les relations qu'elle entretient avec Luciano Spalletti sont exécrables et poussent le divin chauve à rendre son tablier. Pour faire face à la vindicte populaire qui réclame sa tête, Rosella Sensi fait appel à Claudio Ranieri, un coach de renom qui a porté le maillot romain au tout début de sa carrière.
Tout va bien jusqu'à la blessure au genou droit du capitaine après un doublé contre Napoli. Pendant son absence d'un mois, la Roma boit la tasse et encaisse les défaites. Mais une fois Totti de retour, la Louve retrouve son phare qui la mène de nouveau sur le chemin de la victoire avec un triplé contre Bari. Se rendant compte de l'importance du Capitano, la présidente décide de prolonger son contrat jusqu'en 2014.
Les relations entre Ranieri et Totti soufflent le chaud et le froid. Le numéro 10 n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et lorsque le technicien veut le remplacer lors d'un match contre l'Atalanta, il ne s'exécute pas. C'est finalement Jérémy Menez qui doit céder sa place. Mais peu importe. La Roma décroche la deuxième place du championnat. La saison est réussie.
Douze mois plus tard, la Roma répond toujours présente, mais ne remporte pas de titres. Deuxième en Serie A, battue en finale de la Coupe et éliminée en 1/16e de finale de la C3. Ce n'est pas mal, mais ça ne rempli par l'armoire à trophées. Totti termine sa saison sur une mauvaise note avec une exclusion en finale de la Coppa Italia après un accroc avec Mario Balotelli, un autre enfant terrible du football italien. Cependant, il reste sur deux saisons où il a carburé à 40 goals en 63 rencontres.
Le déclin du Capitano ?
La saison 2010-2011 de Francesco Totti est loin de répondre aux attentes. Il peine à marquer et se distingue plus par ses coups de sang que ses coups d'éclat. Lors d'un match contre Lecce, il est crocheté sans raison par Ruben Olivera. Les deux joueurs s'expliquent chaudement et l'arbitre décide de ne pas faire de jaloux en les renvoyant aux vestiaires. Cette carte rouge prive alors Totti de son derby contre la Lazio. Fou de rage, il veut alors régler ses comptes avec Olivera dans les vestiaires, mais il est retenu par les membres de son staff.
Son impact dans le jeu de la Roma est remis en cause par les observateurs. Malgré ses 15 buts en 32 matchs de Serie A, certains affirment qu'il est sur le déclin. Mais au stadio Olimpico, aucun supporter ne croit à ces affirmations.
En juin 2011, la Roma veut changer de style de jeu. Elle embrigade Luis Enrique qui aura pour mission de faire évoluer l'équipe selon la méthode espagnole. La greffe ne prend pas et la Louve termine à une septième place qui la prive d'un ticket européen. Pour la première fois depuis neuf saisons, Francesco Totti n'inscrit pas plus de 10 buts en championnat. Son compteur reste bloqué à 8 réalisations. Malgré cela, il bat un nouveau record. En plantant en janvier 2012 son 211e but pour ses couleurs, il devient le joueur le plus prolifique sous un même maillot.
Zeman acte II et retour vers le passé
Comment relancer l'équipe et son capitaine ? La direction romaine décide de rappeler Zdenek Zeman qui vient de faire monter le modeste Pescara en Serie A. L'homme qui a façonné Francesco Totti sur le plan technique et physique parviendra-t-il à relancer la mécanique ?
Comme lors de son premier passage, Zeman refait jouer Totti au poste d'extérieur gauche. Un poste auquel Il Capitano n'a plus joué depuis 13 ans. Mais pour un tel fuoriclasse, rien n'est impossible. La Roma encaisse beaucoup, mais marque aussi des buts à la pelle. Totti en plante 12 en 34 rencontres et devient le deuxième meilleur buteur de l'histoire de la Serie A derrière Silvio Piola. L'AS Roma limogera Zeman et terminera à la 6e place du championnat. Un résultat qui la prive de compétition européenne.
Avec 228 buts en 539 rencontres de Serie A, Francesco Totti ne dépassera sans doute jamais le record de Piola (274 réalisations). Sa performance n'en reste pas moins exceptionnelle quand on sait qu'il n'a pas évolué toute sa carrière au poste de buteur.
Nazionale. Je t'aime, moi non plus
Les relations entre Francesco Totti et la Squadra Azzurra ont toujours été un peu difficiles. Normal pour quelqu'un qui a souvent affirmé que le maillot de la Roma était son maillot national. Malgré cela, Il Gladiatore a représenté 58 fois son pays et a participé à la conquête de la 4e étoile à Berlin. Une apothéose pour lui puisqu'il a préféré prendre sa retraite internationale après ce sacre.
Un joueur l'a empêché de vraiment trouver sa place au sein de la sélection, Alessandro Del Piero. L'attaquant de la Juventus était souvent désigné comme celui qui devait prendre la relève de Roberto Baggio. Malgré une blessure en finale de la C1 perdue par la Juventus contre le Borussia Dortmund en 1998, Pinturrichio fait partie du voyage en France au détriment de Totti.
Ce dernier devra attendre l'intronisation de Dino Zoff à la tête de l'Italie pour recevoir sa chance. Il dispute son premier match en Suisse en octobre 1998 et devra attendre sa 13e sélection pour marquer son premier goal à l'occasion d'un match amical contre le Portugal en avril 2000.
Repris dans le groupe des 23 sélectionnés pour l'Euro belgo-néerlandais de 2000, Francesco Totti marque deux buts. Et bien avant Andrea Pirlo en 2012, il fait preuve d'un sang-froid hors du commun en convertissant son tir au but avec une Panenka lors d'une demi-finale d'anthologie contre les Pays-Bas où les Oranje ont maudit le point des 11 mètres et un autre Francesco, Toldo.
En finale contre la France, le maestro de la Roma décale Gianluca Pessotto qui peut alors centrer vers Marco Delvecchio pour l'ouverture du score. Sylvain Wiltord et David Trezeguet priveront la Squadra du titre européen, mais ce tournoi permet à Totti de reprendre le numéro 10 des épaules d'Alessandro Del Piero.
Les deux tournois suivants seront autant de déceptions pour Totti. Sous la houlette de Giovanni Trapattoni, l'Italie n'affiche pas un visage séduisant. En 1/8e de finale de la Coupe du monde 2002, elle est éliminée par l'un des deux pays hôtes, la Corée du sud après un match marqué par l'arbitrage contesté de M. Byron Moreno. Celui-ci a notamment exclu Il Bambino de oro pour une simulation peu évidente.
Deux ans plus tard lors de l'Euro portugais, le mauvais caractère de Totti lui joue des tours. Il crache sur le visage de Christian Poulsen et est logiquement renvoyé aux vestiaires. Suspendu pour 3 matchs pour conduite extra-sportive, le lama ne rejouera plus du tournoi, la Squadra étant contrainte de faire ses valises au terme du premier tour. Un jeu vidéo en ligne "crache avec Totti" est d'ailleurs créé après cet incident. Il aura quand même moins de succès que celui sur le coup de boule de Zinedine Zidane.
En février 2006, la participation de Francesco Totti à la Coupe du monde est compromise. Blessé au péroné lors d'un match de championnat, il travaille comme un forçat pour être présent au tournoi qui se déroule en Allemagne. En manque de rythme, Il Gladiatore termine néanmoins dans l'équipe-type du tournoi grâce à ses 4 passes décisives. Il convertit aussi un pénalty important dans les arrêts de jeu contre l'Australie en 1/8e de finale. Une rencontre où la Squadra Azzurra avait été sérieusement mise en difficulté.
Avec ce grand titre en poche, il peut annoncer plus facilement la fin de sa carrière internationale à seulement 30 ans. Totti souhaite ainsi ménager son genou afin d'effectuer encore de nombreuses saisons au sein de son unique amour, l'AS Roma. Depuis, de nombreuses rumeurs ont évoqué un retour de l'attaquant au sein de la Nazionale. Mais si non niveau reste excellent, on ne le voit pas du voyage au Brésil en juin prochain.
Talent du talon, Panenka's, cartes rouges et blagues
Résumer la carrière d'un Francesco Totti ne se fait évidemment pas en deux lignes. Joueur génial, mais complexe, le magicien de la Roma n'est pas connu que pour ses coups de patte. Il a en effet été exclu à 10 reprises en Serie A, ce qui le place en septième position d'un classement où l'on retrouve devant lui quelques fameux bouchers comme Paolo Montero, Guiseppe Bergomi ou Fernando Couto.
Loin d'être un adepte des arabesques à la Neymar, Totti préfère exploiter son intelligence de jeu pour accélérer le jeu comme le soulignait Lilian Thuram dans une interview accordée à Téléfoot en 2007. "Chaque fois qu'il avait le ballon, je sentais qu'il pouvait nous faire mal", expliquait Arsène Wenger à son sujet. En effet, selon les statistiques officielles, Francesco Totti a cadré 1020 tirs dans sa carrière, délivré 158 passes décisives, effectué 2177 dribbles et plus étonnant, il a réalisé 1041 talonnades. Ce qui en fait quasiment deux en moyenne par match sur l'ensemble de sa carrière.
Une autre caractéristique du jeu de Francesco Totti, c'est de frapper de nombreux pénalties en effectuant une Panenka. Un geste qui lui a réussi lors des 1/2 finale de l'Euro 2000, mais pas en 2004 contre Lecce. Vincenzo Sicignano n'avait pas bougé et avait arrêté la tentative du Capitano. Quelques secondes auparavant, le gardien de Lecce lui avait lancé en guise de défi : " Si je l’arrête, tu me donnes ton maillot". Totti ne lui donnera jamais sa vareuse. Et comme en plus d'être radin, il est culotté, le beau Francesco a osé intituler sa biographie "Tout Totti, maintenant je lui fais une Panenka".
Mais reconnaissons aussi à Francesco Totti d'avoir de l'humour et d'être généreux. Souvent raillé pour son accent romain prononcé et son manque de culture, le numéro 10 de la Roma a publié deux petits recueils de blagues à son sujet "les Barzellette su Totti". Il faut dire qu'il trainait une casserole assez magnifique quand lors d'une conférence de presse il répondit qu'il ne parlait pas anglais à un journaliste qui lui avait demandé si sa philosophie de vie était le "Carpe Diem".
L'ouvrage fut un vrai succès de l'autre côté des Alpes puisqu'il fut vendu à 800.000 exemplaires. Les bénéfices furent reversées à une association qui aidait les enfants des rues à Kinsasha et à la construction d'une maison pour personnes âgées à Rome. En 2004, les "Barzellette su Totti" firent même l'objet d'un DVD où de nombreux joueurs du Calcio étaient mis en scène.
Totti a donné une autre preuve de son bon fond lors de son mariage avec la belle Ilary Blasi. La cérémonie diffusée en direct sur la chaîne Sky avait rapporté 240.000 euros. Une somme reversée par le couple à un chenil pour qu'il achète une ambulance pour transporter les chiens blessés. A côté de cela, Il Capitano a aussi publié en octobre 2012 un guide touristique intitulé "Et maintenant je t'explique Rome. Mon guide de la Rome antique". Un homme fier de sa ville on vous disait.
Francesco Totti raillé, mais aussi railleur. Se foutant complètement de la règle du carton jaune attribué en cas de maillot retiré après un but, Il Capitano n'a jamais raté l'occasion de faire passer l'un ou l'autre message sur les t-shirts qu'il portait en-dessous.
En janvier 2012 lorsqu'il a fêté son premier but après 8 mois de mutisme, il portait un t-shirt avec le message "Scusate il ritardo" (excusez du retard). Quand on vous dit que le bonhomme possède un certain humour. Mais son plus célèbre reste le fameux "Vi ho purgato ancora", traduisez par je vous ai encore bien eu, qu'il a arboré après un but dans le derby romain de 1999.
En prolongeant son bail jusqu'à ses 40 ans, Francesco Totti a encore eu beaucoup du monde. Et on peut compter sur le héros du peuple romain pour jouer encore d'autres tours pendables aux défenses de Serie A d'ici là.