François Kompany: "Le nom Kompany était un handicap pour trouver un club"
François, le petit frère de Vincent, est resté sept mois sans club avant d’aider Roulers, son ancien employeur, à se sauver : "Pourquoi ne veut-on pas de moi en D1A?"
- Publié le 27-04-2018 à 11h30
- Mis à jour le 27-04-2018 à 11h31
François, le petit frère de Vincent, est resté sept mois sans club avant d’aider Roulers, son ancien employeur, à se sauver : "Pourquoi ne veut-on pas de moi en D1A?" La famille Kompany a terminé le championnat 2017-2018 en force. Vincent a remporté la Premier League, pète la forme et a retrouvé toutes ses capacités physiques. François (28 ans), lui, a dominé les playoffs 3 avec Roulers, qui joue son dernier match contre l’Union, ce dimanche.
L’exploit du petit frère est peut-être encore plus étonnant que celui du Prince de Manchester City, vu qu’il n’avait plus joué depuis sept mois. Une interview à cœur ouvert.
François, ne tournons pas autour du pot : nous ne voyons que rarement des matches de Roulers. Mais lors des matches pour le titre contre l’Antwerp, en mars 2017, vous nous aviez épatés. On se disait que vous étiez parti pour une belle seconde partie de carrière.
"Je le pensais aussi. Dans le vestiaire, mes coéquipiers me lançaient : ‘Woow, François, tu vas facilement trouver un club de 1A.’ Ils savaient que j’étais en négociation avec l’Antwerp. Et en effet, un certain vendredi, j’avais un accord avec Patrick De Cuyper, patron sportif de l’Antwerp. Trois jours plus tard, je passerais mes tests médicaux. Mais entre ces deux dates, De Cuyper a été mis de côté. Et Luciano d’Onofrio préférait des noms connus, comme Van Damme."
Vous avez un nom connu.
"Oui, mais c’est plutôt un handicap quand on cherche un club. Quand je vois que des joueurs moyens de 1B ont des propositions en 1A… Je crois que les gens ont des a priori. Je suppose qu’on pense qu’un Kompany, ça demande trop d’argent. Ou justement : ça n’a pas besoin d’argent. Le meilleur exemple date de ma période au Brussels. Je gagnais des cacahuètes, mais j’estimais quand même avoir droit à recevoir mon salaire. Quand j’ai demandé mon argent au président, il m’a répondu : ‘Toi, besoin d’argent ? Ton frère pourrait même racheter ce club…’ "
Johan Vermeersch, donc ?
"Il n’y a que lui qui est capable de dire un truc ainsi. Je n’ai jamais vu mon argent. Je n’allais pas commencer à courir après lui et me rendre malade pour cet argent. J’étais jeune, ce n’était pas une priorité."
Revenons au mercato d’été. Vous auriez pu resigner à Roulers.
"Oui. Mais je voulais tenter ma chance en 1A. Je croyais avoir montré que j’avais le niveau. Vu que je ne voulais pas resigner, je n’ai pu jouer qu’un match en playoffs 2. Zulte Waregem a montré un certain intérêt, mais c’est tout. En 1A, j’étais sur toutes les listes, mais il n’y avait rien de concret. Cela m’a fait mal et surtout, cela m’a étonné."
Y avait-il une autre raison ?
"J’y ai réfléchi. Niveau mentalité, je n’ai jamais eu le moindre problème. Demandez-le à tous mes ex-clubs. Peut-être que les gens sous-estiment le niveau de la 1B. Alors qu’elle n’a plus rien à voir avec l’ancienne D2. Certains clubs de 1B - comme le Cercle - paient même beaucoup mieux que pas mal de clubs de 1A. Presque tous les clubs de 1B étaient intéressés, mais j’ai préféré attendre, parce que je visais plus haut. En vain."
Comment a réagi votre frère ?
"Lui, il est toujours optimiste (rires) . ‘Si ce n’est pas l’Antwerp, ce sera ailleurs’ , me disait-il. Il m’a vu jouer une fois en live , la saison passée. C’était contre l’Antwerp, dans la phase classique. Il m’avait demandé la permission de venir. Il ne voulait pas que le mouvement de foule lors de son arrivée me sorte de mon match. Il a vu de ses propres yeux que les gens ne mentaient pas quand ils parlaient en bien de moi. Papa (Pierre, député bruxellois pour le CDH) , lui, a souffert plus que moi en me voyant sans club. Il trouvait cela si injuste…"
Vous avez testé en Écosse, puis en Grèce.
"Oui. À Dundee et à Panionios. Les deux tests étaient très positifs. Mais le coach de Dundee a été viré à la fin de mon test, et Panionios trouvait que j’étais trop propre comme défenseur. Le club cherchait plus un bûcheron, un casseur. J’ai donc poursuivi mes entraînements individuels avec un coach physique à Gand où je vais chaque été. Et avec le sprinter Damien Broothaerts, qui est dans l’équipe des Borlée, pour travailler mes sprints. J’ai plus travaillé qu’en club. Physiquement, je me sens plus fort que l’année passée."
Début mars, vous avez resigné à Roulers.
"Oui. Ça me rendait fou de rester à la maison. J’avais l’impression de ne servir à rien. J’ai demandé à mon agent de reprendre contact avec Roulers. On a trouvé un accord jusqu’en 2019. Après deux semaines, j’étais dans l’équipe. Et cela malgré sept mois sans matches."
Et entre-temps, Roulers n’a encaissé qu’un but en cinq matches. Avant cela, il s’en était pris 42 en 28 matches.
"Je ne peux pas me plaindre. Les automatismes étaient encore là. Grâce aux entraînements individuels, j’étais très affûté. Avant un des matches précédents, j’avais une micro-déchirure dans le dos. Je n’aurais pas dû jouer. Mais les coéquipiers ont insisité pour que je joue. Cela m’a fait plaisir."
Et la saison prochaine?
"J’ai un an de contrat. Le but de Roulers est de monter. Je suis heureux à Roulers, malgré la navette que je fais tous les jours. Vous ne trouvez pas que c’est plus beau de monter en 1A via une promotion que via un transfert?"
Il ressemble à son frère
"Je suis plus rapide que Vincent !"
Quand on parle avec François, c’est difficile de ne pas aborder le sujet Vincent. Ou de comparer les deux. Aussi bien leurs visages que leurs courses sont similaires. "On a la même gestuelle, avoue-t-il. Mais Vincent est plus puissant que moi. Il a 15 kilos et 10 centimètres de plus. Moi, je suis plus axé sur la vitesse. Je lui dis toujours que je suis plus rapide que lui. Alors, il rigole et me dit d’arrêter de dire des bêtises. (Rires) Il est convaincu du contraire."
François ne joue en défense centrale que depuis la saison passée. "J’ai toujours été ailier droit ou gauche. Je peux encore jouer comme arrière gauche ou comme ‘6’ . Mais ma meilleure position est celle de Vincent. Je lis bien le jeu et j’aime construire sans balancer des longs ballons. Pour rigoler, des gens me disent que si j’avais commencé plus tôt à ce poste, j’aurais pu jouer aux côtés de Vincent, en équipe nationale, qui sait ? Maintenant, c’est trop tard. J’ai trop d’étapes à franchir. Si Vincent me donne des conseils ? À mes débuts comme défenseur central, oui. Maintenant de moins en moins."
Ses entraîneurs
"J’ai joué 5 minutes sous Franky Van der Elst"
Les entraîneurs ont joué un rôle très important dans la carrière de François. "À Alost, j’ai eu Chris Janssens. Il ne m’a pas fait jouer beaucoup. La saison passée, je l’ai croisé à un match. Il m’a pris à part et il a dit qu’il s’était trompé à mon sujet. Il s’est excusé d’avoir fait des mauvais choix. Il a dit que j’étais le meilleur défenseur en 1B et que j’avais ma place en 1A. Chapeau à lui, c’est un grand monsieur."
À Roulers, il est tombé sur l’ex-Diable Rouge Franky Van der Elst, le futur T2 d’Ostende. "J’avoue que j’ai eu des pépins physiques lors du premier tour. Je me suis blessé deux fois après des contacts avec… des amis à l’entraînement. Au second tour, j’étais fit , mais Van der Elst n’a plus changé son équipe. Je n’ai joué que cinq minutes. Je n’ai jamais eu d’explication."
Van der Elst a été remplacé par Arnauld Mercier. "Il me connaissait de Seraing, où il avait été mon coach. J’étais en fin de contrat à Roulers, mais il a convaincu la direction de me faire passer un test et de me faire signer. Je n’étais pas titulaire au début. Mais à partir de mon premier match, j’ai tout joué. Je m‘entends bien avec l’actuel T1 , Jordi Condom (ex-Eupen) . C’est un Espagnol, il aime le beau foot; il ne veut pas que les défenseurs dégagent à l’aveuglette."
Le club de son cœur
"Un jour, j’aimerais rejouer à Malines"
Alors que le club belge préféré de Vincent est évidemment Anderlecht, celui de François est... le FC Malines. "J’y ai été formé de mes 10 ans à mes 18 ans. Je me suis entraîné avec l’équipe A, mais je n’ai pas joué. En revanche, quand j’étais surclassé, j’ai joué dans l’équipe de Defour. Moi aussi, je regrette la relégation du KaVé . Le seul avantage, c’est que je vais affronter mon ex-club la saison prochaine. Oui, un jour, j’aimerais rejouer pour le KaVé . C’était presque le cas en 2009. Fi Van Hoof me voulait mais le coach était celui qui m’avait écarté (NdlR : Peter Maes)."
Malines ne sera pas le seul adversaire prestigieux, la saison prochaine. "Aussi bien au Beerschot qu’à Malines, à OHL ou même à l’Union, il y a un public enthousiaste. Ne sous-estimez pas le niveau de la 1B. Vous voyez bien : les clubs de 1B ne sont pas ridicules en playoffs 2. Les playoffs 3, en revanche… Ce n’est pas agréable à jouer. La pression est négative, parce que tu sais que tu as tout à perdre et rien à gagner. Mentalement, c’est difficile."
Le Mondial
"Deux fois un aller-retour en Russie"
François a suivi les Diables au Brésil et fera la même chose en Russie. "Mais ici, je ne vais pas rester sur place. Je vais faire des allers-retours. Un vol à Moscou ne prend que quatre ou cinq heures. C’est la durée d’un aller-retour en voiture entre Bruxelles et Roulers (rires). Je n’irai qu’à deux matches, vu que je serai en pleine préparation. Je me suis mieux amusé en regardant des matches en terrasse ici à Bruxelles - à Jette ou à Louise - qu’au Brésil. Mais j’ai lu que la Ville de Bruxelles n’allait plus diffuser des matches sur grand écran..."
Les matches de City, François les suit surtout à la télévision. "Je ne suis pas allé une seule fois à Manchester cette saison. Je voulais me concentrer sur ma carrière, je bossais même le week-end quand je n’avais pas de club."