Champion cinq fois avec le Standard, presque transféré au Real Madrid: Léon Semmeling était une légende rouche
L'ancien ailier droit du Standard s'en est allé, à l'âge de 84 ans. Champion à cinq reprises, il a été un symbole du club liégeois auquel il était très attaché.
- Publié le 14-03-2024 à 18h42
"Le panthéon du Standard doit être réservé à des joueurs comme Jean Nicolay, Christian Piot ou Roger Claesen. Moi j'étais un travailleur." Voilà quelle était la réaction de Léon Semmeling quand on lui demandait où il situait sa place parmi les légendes du Standard (*). P'tit Léon est décédé à l'âge de 84 ans, et il méritait bien sa place au panthéon des Rouches.
Seul joueur champion de Belgique à cinq reprises avec le club liégeois (1961, 1963, 1969, 1970, 1971), Semmeling, également vainqueur de deux Coupes de Belgique (1966 et 1967), restera comme l'ailier droit des belles années Standard, vif, rapide et capable de changer de direction pour éclairer le jeu ou provoquer un penalty, sa spécialité. "Souffle dessus, il tombera pour avoir un penalty", glissait dans un sourire certains supporters adverses, notamment du FC Liège voisin.
Mais s'il a pu provoquer plusieurs penalties, il n'a jamais été un provocateur - une seule carte rouge en carrière - ou un mauvais équipier. Au contraire, à l'écoute des témoignages recueillis ce jeudi, ils étaient plusieurs anciens équipiers, émus, à se souvenir d'un joueur réservé, qui ne tapait pas du poing sur la table et n'aimait pas se mettre en avant.
Il aurait pu signer au Real Madrid, mais le décès de son papa l'a fait rester au Standard
Alors les autres le faisaient pour lui, et même certains adversaires prestigieux, comme Alfredo di Stefano, après la demi-finale de Coupe des champions contre le Real Madrid. "(Jean) Nicolay a été parfait, à égalité avec le jeune Semmeling, promis à un bel avenir." Un avenir que le gamin de Berneau aurait pu écrire au Bernabeu, d'ailleurs.
"C'est le seul regret de ma carrière, confessera-t-il plus tard. J'avais 22 ans, j'avais été contacté par Puskas après mes deux excellents matchs contre le Real. Roger Petit (le président de l'époque) était d'accord pour le transfert. Mais mon papa est décédé et j'ai préféré rester auprès de ma mère et de mon frère. Je ne savais pas non plus si j'étais prêt, si jeune, à tenter une telle aventure. Finalement, j'ai un petit regret, car une proposition si prestigieuse n'arrive pas deux fois."
Il sera donc un clubman comme il aimait à le répéter, qui a disputé 455 matchs pour le Standard, dont 47 rencontres en Coupes d'Europe, avec 78 buts à la clé "et quelques passes décisives, mais à l'époque on ne le comptait pas", complètent ceux qui ont accompagné l'ancien Diable rouge (35 caps).
Au Standard, où il est arrivé à l'âge de 18 ans, il a rejoint les copains Lucien Spronck et Roger Claesen. Il a joué son premier match le 1er novembre 1959 contre le Club Bruges et a remporté son premier titre un an et demi plus tard lors de la dernière journée, et une large victoire contre le Daring.
Je devais presque m'excuser pour passer et aller tirer un corner (contre les Glasgow Rangers, à Sclessin, en quart de finale de Coupe des champions).
Semmeling était employé à mi-temps chez un confiseur supporter...du FC Liège puisque l'époque n'était pas au professionalisme dans le football. "L'argent était secondaire, on gagnait des ronds de carotte", s'amusait-il. Il en a donné, pour leur argent, aux supporters, en revanche, avec une équipe du Standard qui a réalisé le triplé entre 1969 et 1970 sous la conduite de René Hauss, "un entraîneur qui a révolutionné le football belge", assurait-il.
S'il a souvent dit que son plus beau souvenir a été de jouer pour le Standard, Semmeling avait tout de même su isoler un match, parmi d'autres: "Le quart de finale (aller) contre les Glasgow Rangers en Coupe des champions (1962). Il y avait 35 000 personnes, le stade était complet, les gens s'accrochaient au filet derrière le but, je devais presque m'excuser pour passer et aller tirer un corner."
Les Rouches l'avaient emporté 4-1, et c'était la première grande performance d'un club belge sur la scène européenne. "Le Standard était supporté comme la Belgique, au nord et au sud", répétait Semelling, qui a dû attendre 1968 pour devenir un joueur qui compte avec l'équipe nationale, à l'initiative de Raymond Goethals, qu'il secondera plus tard.
Adjoint de Goethals et spectateur très attentif
Il avait participé à la Coupe du monde 1970 puis à l'Euro 1972, que la Belgique avait terminé à la troisième place, avec une victoire contre la Hongrie (2-1), à Sclessin. Un moment forcément particulier pour celui qui finit sa carrière de joueur au Standard en 1974. Joueur-entraîneur à Namur puis entraîneur à La Louvière, il était évidemment revenu en bord de Meuse, comme entraîneur-adjoint au début des années 80.
Il était l'adjoint de Raymond Goethals lors de la saison 1981-82, avec notamment la finale de Coupe des Coupes contre le Barça parmi les bons très moments. "L'équipe de 1982 était la plus belle de l'histoire", n'hésitait-il pas à dire, comme une manière de savoir reconnaître les mérites de ses successeurs et pointer la lumière sur les autres.
Léon Semmeling aimait l'ombre, la discrétion, mais il gardait toujours un oeil attentif aux prestations de son club. Avec Christian Piot, Eric Gerets et Wilfried Van Moer, il formait le quatuor des anciens qui ne manquaient pas un match à domicile. Puis le covid les a empêchés de venir au stade, Van Moer a quitté les copains, désormais rejoint par Semelling, qui laisse orphelins Piot et Gerets, très touchés.
Samedi soir, avant le match contre Eupen, un hommage sera rendu à P'tit Léon, ainsi qu'à Jean-Paul Colonval. Et Semelling aura bien sa place au panthéon.
(*) extraits des livres Ils racontent leur Coupe d'Europe, Pascale Piérard et Michel Dubois; Les stars du Standard, Pierre Bilic