Chatelle à propos de la saison noire du Standard: "Cet échec était prévisible"
Thomas Chatelle explique pourquoi il avait compris depuis plusieurs mois que le Standard vivrait une saison compliquée.
- Publié le 26-02-2017 à 16h58
- Mis à jour le 28-02-2017 à 14h21
Thomas Chatelle explique pourquoi il avait compris depuis plusieurs mois que le Standard vivrait une saison compliquée.
La situation sportive du Standard alimentera tout le temps les conversations de comptoir. Ce club, quelque peu particulier dans le paysage footballistique belge, ne cesse d'attirer les regards. Les causes de ce nouvel échec dans la course aux six premières places laissent la place à toutes les analyses avec une même interrogation : qui est responsable ? Pour répondre à cette épineuse question, Thomas Chatelle a accepté de jeter un coup d'oeil dans le rétroviseur et livrer son analyse, toujours pleine de pertinence, d'un fiasco qui va encore faire parler durant de longues semaines.
Thomas, quel est votre premier sentiment suite à ce fiasco ?
Je dirais un énorme gâchis. Ou alors la chronique d'un échec annoncé. Il y a quelques mois, il m'avait été demandé de donner le nom des six équipes qui prendraient part aux playoffs 1 et je n'y avais déjà pas inclus le Standard. A mes yeux, il est difficile d'espérer quelque chose lorsqu'une direction et son entraîneur ne sont pas sur la même longueur d'onde au moment de débuter une saison. J'ai le sentiment que cette situation avec Yannick Ferrera a duré bien trop longtemps, d'autant que ce malaise a autant été perçu à l'extérieur qu'à l'intérieur du club. Cela a irrémédiablement eu un impact sur le vestiaire. Un footballeur comprend facilement qu'un coach n'est pas soutenu par ses supérieurs et donc, que son message va passer beaucoup plus difficilement. Il est déjà difficile, pour un entraîneur, de faire passer des décisions difficiles dans une situation normale mais, dans ces conditions, c'était pratiquement impossible.
La bonne idée aurait donc été de se séparer de Yannick Ferrera avant le début de cette saison ?
Même lorsqu'il a été limogé, au début du mois de septembre, on ne peut pas dire avoir vu une ligne directrice claire. Pour moi, le président a fait une erreur en nommant deux bras droits (NdlR : Olivier Renard et Daniel Van Buyten) car il est beaucoup plus clair de suivre une seule ligne et de s'y tenir.
La nomination d'Aleksandar Jankovic était-elle une bonne idée ?
Il faudrait déjà savoir si, au sein de la direction, tout le monde était à cent pour cent convaincu par cette décision. Personnellement, je n'aurais pas directement pensé à lui pour prendre la succession de Yannick Ferrera, surtout pour gérer un public et un vestiaire liégeois. Deux noms me sont immédiatement venus en tête : Felice Mazzù et Frankie Vercauteren. Le premier a vraiment un profil pour travailler à Sclessin et il est le seul à l'avoir actuellement en Belgique. D'autant qu'il a des bons résultats partout où il passe. Et le second a de la poigne et une connaissance aiguë de notre championnat.
Pourtant, Bruno Venanzi a déjà déclaré vouloir installer un projet à long terme avec Aleksandar Jankovic.
Le président a fait le choix de la clarté en suivant une seule ligne sportive. Moi, j'aurais attendu la fin du championnat pour me prononcer aussi clairement sur ce dossier. Cela lui aurait permis d'avoir un vrai bilan à analyser. Car, aujourd'hui, le coach ne peut pas continuer dans cette direction, d'autant qu'il a, à mes yeux, le matériel suffisant pour faire des résultats. Quand on prend les joueurs individuellement, il y a quand même un bon potentiel. Ishak Belfodil, Orlando Sa, Konstantinos Laifis, Edmilson Junior, Matthieu Dossevi : il y a au moins dix joueurs de haute qualité. C'est largement assez pour atteindre les six premières places et, ensuite, se mêler à la lutte pour le titre. Il y avait donc moyen de faire mieux.
Le coach abat donc une carte importante durant ces playoffs 2 ?
Il faudra voir une amélioration. Dans le contenu, j'aimerais que l'entraîneur apporte sa griffe, ce qui n'a pas encore été le cas jusqu'ici. Peut-être a-t-il voulu contenter trop de monde (direction, public, joueurs) et n'a donc pas pu imprimer sa véritable personnalité dans ce club.
Que peut espérer le Standard durant les playoffs 2 ?
Le club doit viser le barrage final contre l'équipe des playoffs 1. Maintenant, s'il n'y a pas un vrai état d'esprit, une mentalité de vainqueur derrière les qualités individuelles, je pense que ce sera compliqué. Les autres équipes des playoffs 2 vont également disputer cette compétition à fond et donc, le Standard devra être très motivé pour s'en sortir. Les joueurs devront avoir l'envie de se faire mal comme s'ils jouaient les premières places. L'entraîneur devra trouver les bons mots pour mobiliser son groupe, notamment lors des déplacements chez les équipes de deuxième division.
Pour cela, le club aura besoin de son public. Mais avez-vous le sentiment que les supporters sont encore à fond derrière leurs joueurs ?
Lorsque j'étais encore joueur, nous étions dans nos petits souliers lorsque nous devions nous rendre à Sclessin. Dans le vestiaire, on sentait que le stade tremblait. Tout cela a disparu aujourd'hui. Pour moi, le Standard est encore un grand club de Belgique mais il a perdu ce symbole de l'Enfer de Sclessin.
C'est-à-dire ?
Il y a un petit peu plus d'un mois, le Standard s'est fait dominer de la première à la dernière minute contre Bruges (0-3) et il n'y a pas eu un coup de sifflet. Je ne dis pas qu'il faut huer ses joueurs mais je n'ai pas senti cet esprit de révolte. Les fans ont quelque peu perdu leur identité et, à mes yeux, les responsables se situent dans la direction – pas uniquement Bruno Venanzi car il ne faut pas oublier Roland Duchâtelet – qui ont fait de ce club un lieu de passage sans réelle identité.
Et on a l'impression que rien ne va changer car plusieurs cadres sont déjà annoncés sur le départ…
Les clubs belges sont obligés de vendre leurs meilleurs éléments. Mais il est possible de construire une colonne vertébrale qui reste trois ou quatre ans. Au Standard, on peut penser, de la défense à l'attaque, à Alexander Scholz, Ibrahima Cissé, Ishak Belfodil et Orlando Sa. Il faudrait essayer de créer un plan sur trois ou quatre ans autour de ces joueurs.
Avez-vous l'impression que le Standard peut rapidement, c'est-à-dire dès la saison prochaine, retrouver un statut davantage en adéquation avec son histoire ?
Au plus le flou a été maintenu dans la direction, au plus il faudra de temps pour se reconstruire. Il faut repartir des fondations, comme lorsqu'on construit une maison. Bien entendu, la qualité des joueurs va permettre de gagner du temps et cela facilitera la création d'une osmose. Il faudra également voir la griffe de l'entraîneur mais Aleksandar Jankovic en est-il capable ? C'est pour cela qu'il aurait fallu attendre la fin de saison pour le confirmer.