Il est vivant, n’hésite pas à rentrer dedans et veut insuffler la “mentalité Rocky” : comment Yannick Ferrera a déjà séduit le groupe au RWDM
Le moral n’est plus dans les chaussettes. L’opération “reset” a commencé à Molenbeek. L’électrochoc interviendra-t-il déjà face à Charleroi ?
- Publié le 06-04-2024 à 11h17
Tous les indices pourraient difficilement rendre le Machtens plus pessimiste. La dernière victoire remonte au 16 décembre dernier, face à Saint-Trond. Cette série de 12 matchs sans le moindre succès en championnat en dit long sur la forme actuelle des Molenbeekois, bons derniers. En Europe, seuls Darmstadt (20 rencontres sans gagner), Giresunspor (17) et Everton (13) attendent depuis plus longtemps pour lever les bras.
Sur les dix matchs de la phase classique en 2024, le RWDM n’a pris que deux petits points, soit six de moins que Charleroi, avant-dernier dans ce classement annuel. Eupen a engrangé neuf unités et Courtrai, quatorze. Même sur les confrontations directes avec ses concurrents en playdowns, le club bruxellois est le pire élève… Si un parieur devait miser une pièce sur un descendant, nul ne doute qu’il le ferait sur les Rouge et Noir.
Lors du dernier match face au Cercle, les Molenbeekois ont touché le fond. Logiquement, l’effectif était abattu et en manque total de confiance. Bruno Irles a payé le prix fort après cinq matchs à peine, la direction voulant créer cet “effet électrochoc” en changeant à nouveau de T1. Le passage du coach français est loin d’être une réussite, évidemment. Le groupe y a cru au début. Certains ont vite déchanté, ayant l’impression de plutôt disputer des amicaux le week-end que de véritables duels pour la survie. Outre les résultats catastrophiques obtenus, la communication d’Irles a fait défaut et aura finalement rapidement mené à sa perte.
Tout profit pour Yannick Ferrera, dont le nom était déjà venu sur la table au moment du licenciement de Claudio Caçapa. Cette première “finale” face à Charleroi marquera officiellement deux semaines depuis le début de son règne à Molenbeek. Une période au cours de laquelle celui dont la dernière expérience de coach était Al-Riyadh en Arabie saoudite a réussi à faire l’unanimité. Une première différence ? Au moment d’entrer en fonction, il compte 131 matchs de Jupiler Pro League de plus que ses deux prédécesseurs réunis, puisque son compteur en D1 belge est fixé à… 131.
Le stage à Tubize
Pas de karting ou de padel, mais des doubles séances
La nomination de Ferrera coïncide avec l’opération “reset” ou “reconquête” du club, lancée à la suite d’une réflexion des dirigeants, dont John Textor. Dans cette optique, le stage a été avancé d’une semaine. Les joueurs et le staff ont logé à Tubize de mardi à dimanche dernier, histoire de travailler de manière plus intense. Le message du nouveau coach a été clair et bien reçu par le noyau : Ferrera a insisté sur l’esprit de compétition et la nécessité de se battre, de mouiller le maillot, de ne rien lâcher. “Nous avons vraiment fait un pas un avant, a expliqué le coach. Samedi, si nous gagnons, tout le monde dira que ce que nous avons fait est bien. Si nous perdons, ce sera l’inverse. Mais les progrès ont été bons, peu importe ce qu’il arrive ce samedi. Je veux surtout voir un gros changement dans l’état d’esprit.”
Au menu à Tubize : des doubles séances certains jours et du team building. Pas sous forme de sorties ludiques, comme un tournoi de padel ou un karting, mais de travail avec un coach mental. Les maîtres-mots des séances de François Dutry auront été “motivation, confiance en soi et en l’autre, émotions et plaisir”. L’homme qui travaille régulièrement avec Ferrera a commencé par observer les joueurs à l’entraînement du mercredi. “Puis j’ai échangé avec le staff pour avoir leur ressenti, explique-t-il. Le coach mental n’est pas un magicien. On ne va pas résoudre tous les problèmes d’un coup de baguette magique. Mais pendant ces trois jours d’intervention, j’ai essayé de leur donner certaines clés. L’objectif, c’était de voir comment on passe d’une somme d’individualités talentueuses qui perd à une équipe soudée qui gagne. Bien sûr, on ne résout pas tous les problèmes en trois jours mais on a au moins ramené les sourires, le plaisir, l’envie de rigoler et de passer du temps ensemble. Des échos qu’on m’a donnés, il y a eu un avant et un après, un véritable reset a été fait.”
Ce qu’a confirmé Jeff Reine-Adélaïde. “Ça nous a permis de créer de nouveaux liens.”
La méthode Ferrera
Il est vivant et n’hésite pas à rentrer dedans
Dès les premiers jours, la sauce a pris. Le coach est décrit comme “vivant” et ne cesse de guider, de motiver. Il pointe les erreurs, sans remettre ses prédécesseurs en cause. Ferrera a insisté sur les mouvements, a travaillé sur les points faibles comme ont pu l’être les phases arrêtées, les sorties de défense… Les joueurs ont eu droit à un gros travail physique, mais avec ballon. En salle, un accent a été mis sur l’explosivité et la force. “Il faut que nous allions là où les autres ne vont pas, a déclaré Ferrera. J’ai grandi avec les films Rocky, au contraire de la génération actuelle (sourire). C’est cet esprit-là que je veux insuffler.”
Des échos qu’on m’a donnés, il y a eu un avant et un après, un véritable reset a été fait.
Quand Irles communiquait peu, Ferrera est présenté comme quelqu’un de proche de ses joueurs, à l’instar de Caçapa. Mais il n’hésite pas à “rentrer dedans” non plus. L’ancien entraîneur de Malines, du Standard, de Saint-Trond ou encore de Charleroi est toujours au cœur de l’action sans être dans un rôle de “manager”. Durant les entraînements, il impulse les règles et la dynamique et prend le temps de corriger. L’utilisation de la vidéo est aussi centrale dans sa manière de procéder. “Le coach n’hésite pas à interrompre l’entraînement quand ça ne va pas, raconte Reine-Adélaïde. Il a aussi identifié des joueurs cadres pour relayer son message.”
Les séances sont filmées et orchestrées minutieusement, alors que cette saison, il n’a pas été anodin que l’échauffement passe par exemple à la trappe. La rigueur est de mise. Les exercices sont spécifiques à chaque position et établis selon un programme bien précis. Cette saison, il n’a pas été exceptionnel non plus que certains joueurs ne dépassent pas les six kilomètres parcourus requis pour chaque séance. La barre est plutôt fixée à sept, voire huit bornes sans prendre en compte les heures sup' que plusieurs joueurs ont effectuées les dix derniers jours. “Sa méthode est simple : c’est plaisir et intensité, précise Reine-Adélaïde. Il n’y a pas énormément de pauses.”
Les cartes redistribuées
Xavier Mercier pourrait sortir de la cave
Le moral est donc plutôt au beau fixe à l’aube du match face aux Zèbres. Les troupes sont remobilisées. Au sein du groupe, tous les compteurs ont été mis à zéro et les cartes ont été redistribuées. “Tout le monde y croit”, nous dit-on au sein du club, après “le meilleur stage des dernières années”. “Nous avons beau avoir du talent, nous n’avons pas montré assez de qualités mentales et tactiques ou de résilience, a analysé Ferrera. Ce sont surtout ces qualités-là qui doivent ressortir maintenant. Alors, seulement, les capacités footballistiques peuvent faire la différence. Jusqu’à présent, tous les ingrédients n’étaient pas réunis pour que ce soit le cas. Je ne suis pas Dieu le Père, je ne prétends pas pouvoir amener ça en un claquement de doigts. Mais c’est surtout là-dessus que nous, tous ensemble, avons insisté…”
Alors que la saison d’Alexis de Sart est terminée, que les adducteurs de Mamadou Sarr restent préoccupants ou que Jonathan Heris n’est plus concerné vu sa situation contractuelle délicate, il ne serait pas étonnant de voir Xavier Mercier être sorti de la cave par exemple. Boudé par Irles, le meneur de jeu pourrait être réintégré au onze de base. Tandis que le retour de William Klaus se rapproche.