De la P4 à Oostkamp à la D1 avec Charleroi en 12 ans, Rik De Mil raconte son incroyable destinée : “À ce moment-là, mon rêve était d’entraîner en D3”
Rik De Mil a accompli le rêve de chaque footballeur amateur. Passer d’entraîneur du dimanche à technicien confirmé au bout d’un parcours teinté de rebondissements.
- Publié le 06-04-2024 à 10h09
Nos lèvres brûlaient d’envie, tel un réflexe pavlovien, d’aborder la saga Westerlo – Genk mais puisque le sujet ainsi que le dossier instruit par la fédération concernant une éventuelle sanction ne pouvait être abordé, consigne stricte du club de Charleroi oblige, on s’est reporté avec gourmandise sur la destinée extraordinaire de Rik De Mil.
Qui n’a jamais rêvé depuis son salon, à travers ses parties à Football Manager, de prendre un club au plus bas de l’échelon du football belge pour terminer en D1. Lui l’a réalisé en un temps record, une décennie, en parvenant à se faire repérer par le Club Bruges tant bien même s’il n’entraînait que deux fois par semaine ses joueurs amateurs d’Oostkamp en P4.
Pendant une demi-heure, le nouveau coach du Sporting s’est confié sur sa trajectoire hors du commun, sur ses principes de jeu et ses modèles tout en dévoilant les coulisses de son arrivée dans le Hainaut. “J’ai parlé avec Mehdi Bayat ET David Helmer”, précise-t-il avant d’avoir signé son contrat de deux ans.
Sa venue à Charleroi
”J’ai demandé deux jours de réflexion”
Il est plutôt rare qu’un entraîneur se fasse licencier le mardi avant de retrouver directement de l’emploi le vendredi de la même semaine. À vrai dire, De Mil aurait pu signer son contrat le lendemain de son C4 paraphé par les mains des dirigeants de Westerlo. “Quand on m’a expliqué le projet ici à Charleroi, je n’ai pas douté une seconde mais la seule chose que j’ai demandée, c’est de bénéficier de deux jours de réflexion pour savoir si j’allais récupérer de tous ces évènements. Après ces 48 heures, l’énergie était de retour là.”
A-t-il douté qu’il puisse retravailler parmi l’élite après l’épisode Westerlo-Genk qui a noirci son image ? “Dans le football, on ne sait jamais mais je savais ce que j’avais réalisé avec mon staff à Westerlo.”
Le bail de deux ans proposé par les dirigeants carolos lui a aussi donné confiance. “J’ai parlé avec Mehdi, David et Pierre-Yves (Hendrickx) car c’est important de voir si ça 'matche' avant de travailler ensemble. Je ne commencerais jamais un projet si je sens qu’il n’y a pas l’alchimie et là, je l’ai eue.”
Sa philosophie
”Un 4-2-3-1 d'office ? J’ai déjà joué en 3-5-2, même en 3-4-3"
On peut s’attendre à quelques modifications dans la première composition de De Mil face au RWDM. Partout où il est passé que ce soit au Club Bruges ou à Westerlo, c’est avec son 4-2-3-1 fétiche qu’il a parcouru la Belgique. Felice Mazzù avait estimé que son noyau était “incapable d’évoluer à 4 derrière”. Qu’en pense-t-il ? “J’ai déjà joué en 3-5-2, même en 3-4-3. Ce n’est pas tellement important. La vérité actuelle, c’est qu’il est nécessaire de retourner aux bases du football, c’est-à-dire travailler ensemble, être mentalement prêt pour les échéances qui arrivent, remporter les duels et gagner les seconds ballons.”
Derrière ce discours policé destiné à ne pas vouloir en dire trop sur son onze de base, l’ex-coach campinois n’hésite pas à utiliser des mots plus directs sur ses principes de jeu. “Il faut presser haut, mettre de l’intensité et jouer au foot. Je ne suis pas quelqu’un qui va prôner l’utilisation de longs ballons ou les transitions.”
Je ne suis pas quelqu’un qui va prôner l’utilisation de longs ballons.
Cela a-t-il nécessité un travail intense sur la condition physique de ses nouveaux joueurs ? “On joue comme on s’entraîne. C’est pour cette raison que je ne crois pas aux séances qui durent 2 heures. Mais il faut mettre la même intensité qu’en match comme sur les exercices de finition.”
De belles intentions ajoutées à du pragmatisme. “Je suis réaliste. On ne va pas jouer comme le Real ou le Barça dès demain. On ne parviendra pas à presser 90 minutes dans les 16 mètres de l’adversaire, mais je veux de l’intensité, des règles, de la joie et de la discipline.”
Son groupe en manquait-il sur ce dernier aspect ? “Sur certains points, oui.”
La qualité de son groupe
”Il n’y a pas moins de talent qu’à Westerlo”
Cette saison, pas mal d’observateurs ont prétendu que cet effectif manquait d’atouts. Peut-être mais pas au point de se retrouver en playdowns. Partage-t-il cette opinion ? “Il y a beaucoup de qualités, mais il faut leur redonner confiance. Elle est primordiale. Prenons l’exemple du Club Bruges. L’équipe est bonne. Ce sont des bons joueurs mais ils sont en manque de confiance. Chez nous, ce sont les points qui vont la ramener mais aussi le travail que l’on a réalisé cette semaine. En tout cas à Charleroi, il n’y a pas moins de talents qu’à Westerlo.”
Comment compte-t-il s’y prendre pour améliorer son noyau ? “Je suis quelqu’un qui parle beaucoup avec ses joueurs. Je crois à l’évolution individuelle à travers des entraînements spécifiques, des conversations et des séances vidéos individuelles.”
Au niveau du capitanat, De Mil a conforté un Ilaimaharitra, en difficulté sportive, tout en se montrant évasif. “Pour moi, le rôle du capitaine ne se limite pas au terrain. Ça peut être quelqu’un qui ne joue pas ou qui n’est pas dans la sélection mais qui crée une atmosphère positive. Dans le vestiaire, j’ai quelques éléments où tu vois que ce sont des leaders. Il y a aussi Adem (Zorgane), Damien (Marcq), Hervé (Koffi), Daan (Heymans). Ce sont des gens importants mais ça ne veut pas dire forcément qu’ils seront sur la pelouse.”
Son parcours incroyable d’Oostkamp au Club Bruges
”On a été champion à deux reprises et Bruges est venu”
Comme Still et Mazzù, ses deux prédécesseurs sur le banc carolo, De Mil n’a jamais été pro. “Ma vie de joueur ? Houla, c’était il y a longtemps, rigole-t-il. J’étais gardien et j’ai évolué à Deinze, au Racing Gand et à Eeklo. Puis j’ai commencé comme coach à Oostkamp au plus bas niveau en Belgique.”
S’attendait-il douze ans plus tard à en faire un métier ? “A ce moment-là, mon rêve était d’entraîner en D3. C’est ce que j’ai dit aux joueurs. Si tu veux vraiment que tes vœux se réalisent, tu dois travailler beaucoup et surtout y croire car ça peut arriver. J’ai aussi eu des moments difficiles, mais j’ai appris beaucoup de choses pendant cette période.”
À l’époque, le quadragénaire travaille dans une école avant d’aller installer ses plots sur le terrain d’entraînement le soir. “Je me suis investi pour des joueurs qui bossaient pendant la journée et qui venaient s’entraîner deux fois par semaine. On a été champion à deux reprises et à un moment, le Club Bruges est venu. Je me suis dit 'C’est quoi ça ?'”
Quand Bruges est venu, je me suis dit 'C'est quoi ça ?'.
Son passage chez les Blauw en Zwart
”Le président d’Oostkamp m’a ordonné de foncer”
Si les Blauw en Zwart sont venus le débaucher, Rik De Mil est un homme de parole. Et il a souhaité l’accord du président d’Oostkamp avec qui il s’était déjà engagé. Tant pis si c’est le grand Bruges qui tapait à la porte et que le train ne passe qu’une fois. “La direction brugeoise est venue me proposer les U19, mais j’avais déjà resigné pour un an à Oostkamp. Je suis allé voir le président pour savoir s’il était d’accord de me laisser partir. Il m’a ordonné de foncer.”
Telle une récurrence dans sa vie, le coach a gravi les échelons, pas après pas. “En arrivant à l’académie, mon rêve était désormais d’entraîner les espoirs mais ce n’était pas aisé car je n’avais jamais été joueur pro. Je le suis devenu et je me suis même retrouvé sur le banc en Europa League à Kiev quand Philippe Clement a eu le coronavirus. Ensuite, j’ai assuré l’intérim après le licenciement de Scott Parker. C’était incroyable d’être entraîneur en première division. Ce club m’a tout donné.”
Le Club Bruges m'a tout donné.
C’est aussi là-bas qu’il a puisé dans ses inspirations. “Comme assistant, j’ai travaillé quand même avec cinq entraîneurs. J’ai appris beaucoup d’Alfred Schreuder. C’était magnifique la manière dont il communiquait avec ses joueurs. Il y a des choses que j’ai prises de lui. Lorsque j’ai passé ma licence d’entraîneur UEFA, j’ai aussi échangé avec beaucoup d’entraîneurs comme Vincent Kompany. Mais je n’ai pas un exemple en particulier.”
Ce n’est pas étonnant pour un homme qui s’est construit tout seul. Et qui aspire dans le Hainaut à faire ce qui lui réussit plutôt bien depuis dix ans : rêver plus grand.