Quand Yannick Ferrera impressionnait puis démissionnait à Charleroi : “À 31 ans, il remettait certains joueurs à leur place devant tout le groupe”
Il y a 12 ans, Ferrera devenait à Charleroi le plus jeune entraîneur de l’histoire du foot belge. Une histoire d’amour qui a duré sept mois et où il s’est forgé un crédit grâce à sa méthode.
- Publié le 05-04-2024 à 15h55
C’est un temps que les moins de 20 ans, trop jeunes à l’époque, n’ont pas bien cerné à défaut de le connaître et que les moins de 30 ont l’impression de revivre actuellement. Celui d’une période où l’objectif, qui se dressait devant la route de Carolos instables, ne dépassait pas le simple maintien parmi l’élite.
En une décennie, Charleroi a pourtant grandi éperdument avant de connaître une sérieuse crise de croissance symbolisée cette saison par des playdowns qui angoissent tout un peuple. En revenant au Mambourg ce samedi, même si ce n’est pas une première depuis sa démission qu’il a posée sur la table de Mehdi Bayat le 14 février 2013 pour sceller une histoire d’amour très courte, les réminiscences de Yannick Ferrera resurgiront implacablement.
C’est au boulevard Zoé Drion où tout a commencé pour lui lorsqu’Abbas Bayat, qui vivait ses dernières semaines comme propriétaire du matricule 22, l’avait choisi pour devenir le plus jeune entraîneur belge de l’histoire à 31 ans. Rien d’un cadeau pour une première expérience de T1 avec un club qui venait à peine de remonter parmi l’élite après une saison au purgatoire. Mais la chance d’une vie pour l’actuel entraîneur du RWDM dans un football encore loin d’être hypé par des parcours à la Will Still.
”Franchement, ce n’était pas un problème pour le groupe d’avoir un coach inconnu, se souvient Javier Martos. Moi, j’avais vécu ça durant ma formation à Barcelone où l’on osait lancer des formateurs sans passé de joueur pro. Et puis, le fait d’avoir presque le même âge que lui nous rapprochait.”
S’il n’a jamais chaussé de crampons sur des pelouses professionnelles, le crédit de Ferrera existait aux yeux de son noyau grâce à son CV. “Il avait été confronté au haut niveau en ayant bossé avec son oncle Emilio et en étant l’analyste de Michel Preud’homme à Al-Shabab”, confirme Francis N’Ganga.
Le fait d’avoir presque le même âge que lui nous rapprochait.
Une humiliation face au Standard comme cadeau de bienvenue
Les prémices se matérialisent malgré tout par des débuts catastrophiques. Avec une petite victoire et quatre grosses défaites dont une humiliation à domicile dans le choc wallon face au Standard (2-6), ses joueurs auraient pu douter. “Des circonstances atténuantes expliquaient ce bilan, le défend l’ancien international congolais. Durant l’été, l’équipe n’était pas partie en stage et plusieurs joueurs étaient arrivés en toute fin de mercato dont moi.”
Et Pino Rossini marqué encore par son année travaillée sous ses ordres. “Vous auriez son numéro ? C’est l’un des meilleurs que j’ai connus avec Hein Vanhaezebrouck et Felice Mazzù. Il m’a directement offert sa confiance en me nommant capitaine.”
Au tiers du championnat, le Sporting se trouve dans la zone rouge mais par ses discours sans faux-semblant et son travail incessant, le technicien inverse la tendance. “Que de passion et d’émotion chez lui, s’exclame Martos. Ses idées étaient novatrices et intelligentes.”
Quitte à heurter parfois son groupe. “Lors des séances vidéo, il n’hésitait pas à nous pointer du doigt devant les autres, rigole N’Ganga. C’était assez drôle car il remettait certains éléments à leur place sans qu’il n’y ait de bouc émissaire. Tout le monde a été au moins visé une fois et c’est ce qui nous faisait progresser.”
Des Zèbres chasseurs de grosses têtes
Les entraînements spécifiques pour chaque poste à hauteur de deux après-midi par semaine développent aussi les qualités de son effectif. Avec le temps, les petits Zèbres se métamorphosent en lions chasseurs de grosses têtes. “Le déclic, c’est la victoire à domicile face à Anderlecht fin octobre (2-0) et le succès à Gand juste avant les fêtes de fin d’année lors de la 21e journée (1-2). Le groupe a pris confiance”, explique Rossini.
Au point de valider le maintien cinq rencontres plus tard à cinq matchs de la fin de la phase classique. Inespéré six mois auparavant quand tous les observateurs promettaient l’ascenseur immédiat aux Hennuyers. Une belle surprise gâchée par une annonce encore plus surprenante que le sauvetage : sa démission cinq jours plus tard. “On ne s’y attendait pas mais c’est le football”, résume en chœur Rossini, N’Ganga et Martos.
Pendant bien longtemps, les raisons de cette décision ont été obscures. “Je suis parti par moi-même parce que je n’étais plus en phase avec ce qui se faisait là-bas, a commenté sobrement le principal intéressé au moment de son intronisation au RWDM. Au final, il n’y a plus grand monde de mon époque. Il n’y a aucune amertume.”
Mais il pourrait tout de même y avoir un doux sentiment de revanche s’il venait ce samedi à enfoncer un peu plus son ancien club dans la crise.
Il n’y a plus grand monde de mon époque. Il n’y a aucune amertume.