La DH a mangé avec Brian Riemer (Anderlecht) : “Mon sort n’est pas lié à Fredberg mais s’il veut de moi au Real, je viens” (1/2)
Brian Riemer a préfacé les playoffs d’Anderlecht lors d’un long repas au restaurant.
- Publié le 29-03-2024 à 18h00
Si ses joueurs sont aussi attentifs à ses briefings tactiques que lui quand le sommelier décrit le vin qu’il s’apprête à boire, alors Brian Riemer n’a rien à craindre pour les playoffs. Le coach d’Anderlecht est plus qu’un amateur de bonnes bouteilles, c’est un collectionneur. “Pourtant j’en consomme assez peu”, sourit-il en validant la bouteille proposée.
Quand il n’est pas devant un match de football, il fouille un site de vente aux enchères de vin. “Le patron me connaît maintenant et m’appelle pour me proposer de bons deals, blague celui qui compte 600 bouteilles disséminées entre l’Angleterre et le Danemark. Ma mère en a ras-le-bol d’aller chercher mes colis (rires). J’ai commencé il y a 12 ans et j’adore cela. C’est devenu une obsession. J’ai un rêve : si je retourne un jour vivre au Danemark, j’aimerais acheter une maison avec une énorme cave à vin dans laquelle j’aurai une belle table en chêne au milieu."
Pendant cette trêve, il s’est contenté d’une table partagée avec La DH chez Agnès, un restaurant réputé de la périphérie bruxelloise. Deux heures de football, de tactique, de psychologie et d’ambitions qu’il a lui-même entamées par une question : "Vous vous souvenez que peu après mon arrivée, vous m’avez demandé si Anderlecht risquait de descendre en D2 ? La tendance a changé."
Brian, en un an c’est la première fois qu’on ne vous voit pas avec votre célèbre t-shirt blanc ou en training du club. Donc on se doit de vous poser la question : pourquoi cette sobriété à l’époque des managers tirés à quatre épingles ?
“Car je ne suis pas au centre. Ce sont les joueurs qui le sont. Je ne gagne pas les matchs. Puis, c’est aussi une question de respect envers le sponsor du club qui nous fournit les t-shirts. ”
Ce n’est donc pas par superstition…
“Je voudrais dire non mais quand même (rires). Mais je me force à éviter d’en faire trop, sinon tu commences à avoir le même pantalon, à avoir des rituels. À Brentford, par exemple, je me forçais à casser mes habitudes pour me prouver que cela ne représentait rien. Je dois juste m’assurer que mes t-shirts blancs sont propres à temps. (rires) ”
Vous le prouvez encore avec cette explication : vous aimez le contrôle. Et pourtant, les joueurs ont énormément de liberté, font des activités ensemble, sans que vous soyez là…
“Se battre pour un titre, se qualifier pour l’Europe, ça dépend beaucoup de ton esprit d’équipe. C’est l’une des clés avec la tactique. Je peux affirmer sans hésiter que nous savons exactement ce que nous faisons à chaque match même si l’exécution n’est pas toujours parfaite. Et cela passe par une connexion entre les joueurs. ”
Est-ce pour cela que vous avez choisi de renouveler drastiquement l’effectif ?
“Oui. Le problème d’Anderlecht à mon arrivée en fin d’année 2022 était le suivant : les joueurs étaient bons mais ne jouaient pas bien ensemble car il n’y avait pas d’esprit de groupe. Kasper Schmeichel m’a encore dit que son titre avec Leicester était largement dû à la solidarité du groupe. Nous l’avions à Brentford et c’est ce qui se passe avec l’Arsenal d’Arteta dont je connais un membre du staff. ”
Vous nous mettez un assist car l’année 2024 est celle des phases arrêtées pour Anderlecht et vous avez travaillé avec Nicolas Jover qui a fait d’Arsenal la meilleure équipe de Premier League dans ce domaine. Vous inspirez-vous de lui ?
“Beaucoup. C’est un aspect qu’on peut contrôler et qui peut déterminer l’issue d’un championnat. Les phases arrêtées étaient sous-cotées par le passé, voire incomprises. ”
L’apport de Yannick Euvrard, coach des phases arrêtées, se fait-il sentir ?
“Il était frustré au début. Les joueurs n’étaient pas habitués et cela prend du temps car cela ne fait pas partie de la culture du club. Mais on m’a toujours dit que si tu es un club normal qui affronte le Real Madrid, tu n’auras peut-être qu’une chance de marquer et cela sera sûrement sur phase arrêtée. Quand les joueurs entrent dans le rectangle adverse, ils doivent avoir la mentalité de candidats à la relégation et saisir leur chance. ”
Vous êtes deuxième du championnat et candidat au titre après avoir terminé 11e la saison passée. Si Hein Vanhaezebrouck était à votre place, il serait considéré comme un héros. Ne pensez-vous pas avoir un déficit d’image ?
“Je pense qu’on a toujours eu cette perception de moi. Je dois gagner un trophée pour faire taire les critiques. Je respecte d’ailleurs Hein pour ce qu’il a fait. Il a 60 ans, un palmarès et une carrière mais être reconnu m’importe peu car je sais que le football est instable. Je dis toujours aux joueurs de ne jamais être dans l’enthousiasme ou dans le drame. La seule chose que j’exige, c’est l’honnêteté. Je m’énerve quand on n’est pas correct avec moi. Comme quand on a dit que ce sont les sifflets du public qui nous ont réveillés contre Saint-Trond. C’est faux. Parfois un match met du temps à prendre la forme désirée. Puis, j’essaie de ne pas me plaindre mais je trouve que nous avons eu peu de crédit pour nos bons résultats obtenus quand nous devions avec une défense composée de Sardella et Delaney dans l’axe et Arnstad au back. Cette période remplie de blessures est une fierté car on a réussi à trouver des solutions. D’autres équipes se sont effondrées et ont brandi les blessures en excuse. ”
À Anderlecht, ce n'est pas le Riemer-show. À Gand, c'est le show Vanhaezebrouck.
La communication entre Jesper Fredbeg et vous a fait couler beaucoup d’encre et a amusé Vanhaezbrouck…
“Avec tout le respect que j’ai pour lui, il ne sait pas ce qui se passe. Ce n’est pas le Brian Riemer-show. Je tire le meilleur parti de mes joueurs, de mon staff mais aussi de ce que peut m’apporter Jesper. À Gand, c’est le show de Hein. ”
Alors comment fonctionne cette communication ?
“Au quotidien, Jesper n’intervient en rien. C’est généralement moi qui l’appelle pour lui dire ‘je vais tester ça’. Durant le match, je serais bête de me priver de deux yeux supplémentaires. Je n’ai aucun souvenir de demande émanant de la tribune. Par contre, je n’hésite pas à lui demander son opinion comme je la demande aux autres membres du staff. Les grands leaders aiment entendre l’avis des autres et ne parlent pas avant d’avoir entendu tous les avis. ”
Votre sort est-il lié à celui de Jesper ?
“Non. Si Jesper signe à Everton, il ne va pas forcément me prendre avec. Après, s’il signe au Real et qu’il me veut comme coach, j’irai avec plaisir (rires). ”
Je préfère une belle aventure avec Anderlecht que signer dans le top 5 de Bundesliga.
Signeriez-vous pour rester 15 ans à Anderlecht ?
“Si je ne reste pas au moins cinq ans, ce sera une première pour moi. J’aime être ici, notre voyage ne fait que commencer mais je sais que ma mission est de performer. Je n’ai pas le droit de dire : ‘J’essaierai l’année prochaine.’ J’ai comme objectif de ramener Anderlecht dans une position dans laquelle nous avons la meilleure équipe chaque saison et nous réalisons de belles choses en Champions League. Je préfère vivre une grande aventure avec Anderlecht qu’être coach d’un club qui joue l’Europe en Bundesliga. Dans quels autres clubs y a-t-il la combinaison suivante : des fans, la culture d’un grand club, la connexion avec les jeunes et l’histoire qui permet de rêver ? L’Ajax, dont on doit s’inspirer, et Barcelone. Mais je ne pense pas y signer demain (rires). ”
Vous avez récemment dit que votre équipe sera à son vrai niveau dans un an. Vous maintenez ?
“On est à 80 % du niveau auquel on sera dans un an. C’est un cycle de deux ans. Les joueurs s’intègrent, performent et partent. Ce modèle te permet d’être champion tous les deux ans. Cette saison, on tire plus de cette équipe que ce qu’elle peut offrir sur le papier. L’évolution a pris plus rapidement que prévu. ”
Pour cela vous devez garder Jan Vertonghen…
“C’est sa décision. Il veut être certain de ne laisser tomber personne. S’il prolonge, il veut être sûr qu’après trois mois l’envie et la forme ne seront pas parties. J’attends sa réponse avec impatience mais je peux vous dire qu’il n’a plus été aussi heureux sur un terrain depuis un long moment. ”
Et si vous perdez Vertonghen et Zeno Debast cet été ?
“Alors j’annule mes vacances (rires) ! ”
Préférez-vous être chasseur plutôt que chassé pour ces playoffs ?
“Je suis content de notre position car, contrairement à l’Union, je n’ai pas l’impression d’avoir perdu à cause de la division des points. ”
Allez-vous affirmer viser le titre ?
“Je veux être champion un jour avec Anderlecht, c’est clair. C’est mon ambition. Mais mon but reste le même qu’en début de saison : avoir un ticket européen et ça ne changera pas. ”
Je connais le prénom de la plupart des enfants de mes joueurs.
La psychologie sera importante. En êtes-vous adepte ?
“Je pense que la gestion humaine est une de mes grandes forces. Je parle beaucoup à mes joueurs, je connais le prénom de la plupart des enfants de mes joueurs. Le dialogue prouve que vous êtes assez confiant pour savoir répondre à tout ce qu’ils pourraient dire. Les supporters réclamaient tous Vazquez titulaire. Si je sors Dolberg de l’équipe, je lui mets un coup au moral et je le perds peut-être. Il faut penser à tout. ”
Ces détails prévalent-ils sur la tactique ?
“C’est différent tout en ayant un point commun : tirer le maximum des joueurs. Les gens commentent une erreur en parlant de position ou de numéros. Cela ne compte qu’en perte de balle. En possession, il faut créer le surnombre tout en ayant conscience que cela ouvre des espaces quand Thorgan Hazard, qui a besoin d’être libre, vient donner un centre du côté droit. C’est un jeu d’équilibre. ”