Ferrera détendu à Malines : "Quand il perd, il paie la tarte à toute l'équipe"
Yannick Ferrera, critiqué pour son sérieux, est plus détendu avec ses joueurs depuis qu’il est à Malines. Décryptage de sa méthode.
- Publié le 24-02-2017 à 10h16
- Mis à jour le 24-02-2017 à 10h20
Yannick Ferrera, critiqué pour son sérieux, est plus détendu avec ses joueurs depuis qu’il est à Malines. Décryptage de sa méthode. Yannick Ferrera (36 ans) a souvent rimé avec intransigeance et exigence. À Malines, l’ancien coach du Standard a changé et les résultats ont suivi.
Il a rapidement dressé le portrait de chaque individualité puis du groupe dans son ensemble. Le Bruxellois a compris comment chacun fonctionnait.
"Il nous a fait comprendre que nous avions une équipe à fort potentiel", lâche Nicolas Verdier, l’attaquant du KVM. "Il nous a cernés et nous a fait développer notre plein potentiel. Même dans des moments de pression comme maintenant, il nous rassure et nous force à ne pas trop penser à la qualification en PO1 ."
Pour expliquer pourquoi Yannick Ferrera a tant changé depuis qu’il est arrivé Derrière les Casernes, Nicolas Verdier dit qu’il a "appris de ses erreurs".
Plus que tactiquement, c’est dans son approche humaine que l’entraîneur a évolué. Il en est revenu au personnage de ses débuts : le gars strict mais qui peut bien s’amuser avec ses joueurs.
"Il n’a pas dix ans d’écart avec moi", souligne Verdier qui vient d’avoir trente ans. "Il y a donc un respect mutuel et un contact plus facile peut-être qu’avec un coach de soixante ans. On rigole bien en dehors mais sur le terrain ça bosse. Il sait qu’à mon âge, il ne me changera plus. Alors, il préfère discuter avec moi, corriger des petites choses."
Tim Matthys confirme : "Au début, il ne nous parlait pas beaucoup. Il restait plus en retrait. Il voulait, certes, observer mais je pense qu’il était peut-être encore un peu dans le dur par rapport à son renvoi du Standard. Au fur et à mesure, il s’est ouvert et a établi une relation de confiance. Il nous parle beaucoup et nous traite tous d’égal à égal."
Pour renforcer ce lien , il a rencontré tous les joueurs durant la trêve. "Il nous a demandé notre avis sur lui, ses méthodes. On a pu parler ouvertement mais je pense que personne ne l’a critiqué. C’est tout de même la preuve qu’il tient compte de notre avis dans sa propre évolution."
Ses discours, eux aussi, sont souvent très appréciés. "Il ne vise pas à nous transcender mais je trouve qu’il parvient à nous garder les pieds sur terre et à nous faire prendre conscience de ce dont nous sommes capables", analyse Nicolas Verdier. "Ça lui arrive de se fâcher à la pause d’un match pour nous rebooster mais parfois, alors qu’on s’attend à se faire engueuler, il prend le contre-pied et nous encourage. Il trouve souvent la bonne solution."
Au Standard, les rumeurs prétendaient qu’il n’était pas trop favorable aux activités en dehors des entraînements. On disait même qu’il n’était pas friand de team building. "Nous n’avons pas fait d’activité spécifique", avoue Nicolas Verdier. "Il nous a, par contre, tous invités au restaurant un soir. Il aime aussi nous lancer des défis. Si on réussit ou qu’il se plante, il doit payer."
Tim Matthys se souvient d’un des paris. "Nous étions tous au milieu du terrain et il nous a promis un cadeau si au moins trois joueurs touchaient la barre. Après quelques essais, nous avions déjà gagné. Il a payé la tarte à tout le monde." (rires)
"Si ça ne convient pas, il arrête l’entraînement"
Les méthodes et l’approche tactique de Yannick Ferrera plaisent à Malines
À Charleroi déjà, Yannick Ferrera avait l’étiquette de bon tacticien. Il l’a encore renforcée à Saint-Trond, surtout lors de ses débuts en D1, avant d’être davantage critiqué au Standard.
À Malines, il est vite retombé sur ses pattes et après un temps d’adaptation qui a vu les Malinois perdre des plumes, il a installé son jeu. "Il a commencé avec un système avant de le changer", explique Tim Matthys. "Il nous a bien observés et a changé son système. Nous sommes capables de varier selon les rencontres et s’adapter à l’adversaire."
Jouer selon son opposant du jour, c’est la méthode qu’il a utilisée au début. Depuis que l’équipe tourne mieux, il a pu jouer comme bon lui semble. "Il nous parle toujours de l’adversaire et c’est logique", commente Nicolas Verdier. "Il pointe ses défauts et explique comment les exploiter. Mais pour le reste, il utilise au mieux nos qualités et joue en fonction d’elles."
Les séances sont donc corsées. Yannick Ferrera est du style à vouloir tirer le maximum de chacun. Tim Matthys répète "100 %" à plusieurs reprises durant l’interview. C’est un peu la marque de son coach.
"Sa plus grande qualité est son ambition", dit l’ancien Montois. "Il a envie de faire des résultats et nous tire vers le haut pour qu’on le suive. Il nous demande d’être à 100 % concentrés et de faire preuve d’envie à l’entraînement. Ne pense pas que tu vas traîner la patte le lendemain d’un match, dès la première minute, il faut être dedans. Les résultats sont fous car on a pris l’habitude ces dernières semaines de marquer très tôt et de contrôler le match."
Yannick Ferrera n’est pas qu’un personnage positif qui sourit et encourage. Quand il faut pointer du doigt ce qui ne va pas, il n’hésite pas. "Il lui est déjà arrivé de stopper un entraînement car ce qu’on faisait ne lui convenait pas. Si un mec n’est pas bien réveillé, il le sentira passer."
Plus qu’ailleurs, son message footballistique est parfaitement parvenu aux oreilles de ses joueurs. Il a pour cela adopté un nouveau style de séances. "C’est bref et précis", résume Nicolas Verdier. "En dix ou quinze minutes, il a fait le tour. Si tu commences à causer quarante minutes, tu perds les gars. Lui, il va droit au but et tu piges tout. C’est son côté tacticien et ça fonctionne."
Prolongation sous peu ?
Johan Timmermans et Yannick Ferrera se mettront à table dans les jours à venir. L’objet de la discussion ? Une possible prolongation du contrat du jeune entraîneur.
Les négociations débuteront sous peu mais ne se dérouleront pas en une seule soirée. On s’attend à plusieurs rendez-vous afin que les deux parties aient toutes les cartes en main pour décider de leur avenir (en commun).
Ferrera et Timmermans espèrent une réponse et une signature officielle dans quelques semaines. Les deux parties souhaitent avoir réglé cela avant le début des playoffs.
Rien n’a encore été discuté et aucun des deux hommes ne veut dévoiler ses envies de peur de perdre la main dans les discussions. Leur décision dépendra de plusieurs facteurs dont l’argent, le projet sportif, la durée du contrat et les moyens mis en place.
En coulisses, on chuchote que Malines verrait bien Yannick Ferrera à la tête d’un projet à plus long terme.
Notre consultant, Alex Teklak, analyse les cas de Ferrera et de Jankovic à le tête du Standard
- "La courbe de résultats est sans doute la plus grande différence" "C’est délicat de déceler des différences chez les deux coaches tant ils ont rencontré des situations similaires au Standard dans un club qui est en perpétuel mouvement. Mais si on se base sur les résultats de cette saison, on constate que la courbe est inversée. Yannick Ferrera présente de meilleures statistiques à Malines. Au final, on peut résumer la situation en disant que l’un d’entre eux (Jankovic), a quitté sa zone de confort tandis que l’autre (Ferrera) y est à nouveau rentré. Pour Ferrera, Malines est un challenge totalement différent, un peu à la mesure de sa première année à Charleroi sous Abbas Bayat."
- "Jankovic est un sanguin contenu, Ferrera l’est un peu moins" "Dans leur communication, les deux coaches se valent. Il y a un côté sanguin mais contenu chez Jankovic tandis que Ferrera est tout aussi sanguin mais moins contenu. Je me souviens d’un de ses discours après un partage contre OHL où il déclarait que ses joueurs avaient agi comme des gamins de merde insolents. Si Jankovic a parfois pu penser la même chose, il ne le dira jamais. Quand il parle, on sent que Jankovic est un volcan prêt à exploser mais il n’explose jamais. Il ne va jamais stigmatiser un secteur de jeu ou un joueur en particulier. Ferrera l’a déjà fait par le passé. Aujourd’hui, Yannick est un peu plus sur la réserve. Son expérience au Standard l’a tout de même un peu modifié."
- "Jankovic subit la pression externe, Ferrera subissait aussi la pression interne" "Je pense que les deux coaches auront appris que plus un club est important, plus sa structure doit être sans faille pour que cela fonctionne. La dimension du club, l’image, le salaire et le défi sportif, tous ces éléments ne sont que secondaires à la réussite. À mon sens, il faut savoir faire le tour du propriétaire avant de signer dans un club, quel qu’il soit. Au Standard, la pression est énorme. Mais elle n’était pas la même pour les deux hommes. Jankovic ressent la pression externe inhérente au poste tandis que Ferrera avait également la pression interne d’une direction qui n’était pas unie derrière lui. Aleksandar Jankovic a récemment été rassuré par sa direction. Ferrera, s’il a été confirmé en son temps, n’a jamais vraiment été rassuré par ses dirigeants. Malgré la situation sportive qui n’est pas bonne avec les playoffs 2 qui se profilent à l’horizon, Jankovic peut tout de même travailler dans la sérénité."
- "Difficile de lier résultats à court terme et instabilité chronique" "En arrivant au Standard, Yannick Ferrera a longtemps cherché son système de jeu, parlant même de matches de préparation, avant d’en revenir à un 4-4-2 classique. Aleksandar Jankovic a également tenté des choses. Les deux hommes l’ont également fait à Malines. Mais la différence est qu’au Standard, tout est scruté, analysé dans ses moindres détails car il y a une obligation de résultats. Peu importe le nom du coach, c’est difficile de lier résultats à court terme et instabilité chronique. Trouvez-moi un coach capable de faire fi de tout ça et d’arriver à atteindre les objectifs. Cela me paraît compliqué."
Ferrera a un meilleur bilan que Jankovic
Remercié en septembre dernier, Yannick Ferrera présente un meilleur bilan que son homologue sur le banc rouche. Arrivé à Sclessin après la sixième journée la saison dernière, le Bruxellois en était, avant la 28e journée de phase classique, à neuf victoires pour autant de défaites et trois partages. Le Standard avait inscrit 29 buts et en avait concédé 30. Le bilan chiffré du T1 était négatif avec 30 points pris sur 63 soit 47,62 %.
Aleksandar Jankovic ne fait guère mieux que son prédécesseur. Le Serbe a pris ses fonctions à Liège lors de la 6e journée. Il a débuté par trois victoires mais son bilan, sur 22 matches (nous avons pris en compte le déplacement à Charleroi) jusqu’à aujourd’hui, est également négatif. Jankovic en est à huit victoires pour sept défaites et sept nuls. Les Liégeois ont inscrit 37 buts et en ont pris 28. Jankovic présente donc un bilan de 31/66, soit 46,97 % des points.
Depuis qu’il est à Malines, Ferrera a dirigé 21 matches de championnat pour dix victoires, huit défaites et trois partages (28 buts pour et 24 buts contre) soit 33 points sur 63 (52,38 % des points).